Des Organisations de la Société Civile (OSC) soutiennent Naboudja Bouraïma dans ce bras de fer qui l’oppose au ministre en charge de la fonction publique, Gilbert Bawara. En effet, par Arrêté N°0265/MFPTDS du 29 janvier 2021 portant « sanction disciplinaire », monsieur NABOUDJA Bouraïma écope d’une mise à pied d’un (01) mois, privative de toute rémunération à l’exception des allocations familiales, pour manquement aux règles d’éthiques et de déontologie.
DECLARATION
Des organisations de la société civile togolaise fustigent les mesures de représailles et discriminatoires infligées à monsieur NABOUDJA Bouraïma à cause de ses opinions et ses prises de positions politiques et philosophiques.
Le 26 janvier 2021, le Ministre de la Fonction Publique, du Travail et du Dialogue Social a adressé un courrier N°024/MFPTDS/CAB à monsieur NABOUDJA Baraïma, Enseignant de Philosophie en service audit Ministère, dans lequel il demandait à ce dernier de lui fournir des explications sur le fait que, est-il dit, par ses incessants messages outrageants, et surtout ses appels et incitations du personnel enseignant sur des médias et des plateformes, à des actions et agissements visant à perturber les activités scolaires et pédagogiques, en dépit de ses obligations de réserve et de respect à la hiérarchie.
2. Par une lettre réponse datée du 27 janvier 2021, monsieur NABOUDJA Bouaïma a expliqué n’avoir incité aucun enseignant à observer la grève ; et après avoir attiré l’attention de son Ministre de tutelle sur les affectations successives dont il a fait l’objet (quatre affectations en quatre années successives), il a enfin relevé qu’en tant qu’enseignant, il n’a fait que joindre sa modeste voix à celles des milliers d’enseignants pour réclamer les meilleures conditions de vie et de travail devant leur permettre de mieux servir l’État.
3. Malheureusement, par Arrêté N°0265/MFPTDS du 29 janvier 2021 portant « sanction disciplinaire », monsieur NABOUDJA Bouraïma écope d’une mise à pied d’un (01) mois, privative de toute rémunération à l’exception des allocations familiales, pour manquement aux règles d’éthiques et de déontologie, notamment pour non-respect de l’obligation de réserve et violation des dispositions de l’article 157 du statut général de la fonction publique qui dispose que « Dans sa vie privée, le fonctionnaire doit s’abstenir de tout comportement susceptible de jeter le discrédit sur l’Administration, ou de compromettre l’honneur et la dignité de ses fonctions ».
4. Pour nos organisations signataires, il est clair que l’évocation par le ministre de l’article 157 susvisé qui renvoie à la vie privée du fonctionnaire suppose, en toute hypothèse, que monsieur NABOUDJA Bouaïma n’a posé, sur le plan professionnel et dans l’exercice de ses fonctions, aucun acte répréhensible. En outre, il n’est relevé contre ce dernier aucun acte équipollent à une inconduite notoire ou un comportement socialement dérapant.
5. Celui qui veut noyer son chien l’accusant de rage, il est clair et devenu une vérité incontournable que monsieur NABOUDJA Bouraïma est victime d’une persécution et d’un abus de pouvoir, en fort lien avec ses convictions, ses opinions et de ses prises de positions publiques dans le cadre de son combat pour la justice sociale ; dans la mesure où il est bien connu pour ses idées fustigeant ouvertement la gestion calamiteuse que font les autorités togolaises, dont son Ministre de tutelle, monsieur Gilbert B. BAWARA, auteur de la sanction, des richesses nationales. Rappelant que monsieur NABOUDJA Bouraïma est un des responsables de l’Association Mouvement pour la Justice Sociale (MJS), une organisation membre du Front Citoyen Togo Debout (FCTD) et fortement impliquée dans les activités de la Dynamique Monseigneur KPODZRO (DMK) ; et la cause est entendue.
6. C’est aussi le lieu pour nos organisations de rappeler à l’attention de tous et de chacun que le respect de la hiérarchie ou le respect hiérarchique est l’acceptation des consignes données par les responsables, les supérieurs ou les dirigeants d’un service, dans l’intérêt et le strict respect des usagers de ce service ; mais ne renvoie aucunement à une sorte de soumission servile au mépris des règles minimales de la décence.
7. Les organisations signataires voudraient aussi rappeler avec insistance que la Constitution Togolaise du 14 octobre 1992 (article 11, alinéa 3), ainsi que les instruments internationaux auxquels le Togo est partie, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 (article 2), le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966 (article 2), font obligation à tous les États de respecter et de garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire les droits reconnus, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, philosophique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
8. En outre, l’article 39, alinéa 3 de la Constitution Togolaise suscitée dispose que « Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et intérêts, soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale ». Il s’en infère que les libertés d’opinion, d’expression et syndicale ont une émanation constitutionnelle, tandis que l’obligation de réserve ou de discrétion trouve ses origines dans la loi, notamment la Loi N°2003-002 du 21 janvier 2003 portant Statut Général de la Fonction Publique Togolaise dont l’article 241 reconnaît d’ailleurs à tous les fonctionnaires, sans exception donc aucune, la jouissance des droits et libertés reconnus par la Constitution à tout citoyen togolais ; alors donc que la Constitution prime sur un simple texte législatif, et que la liberté est le principe, la restriction l’exception.
9. En rappel, dans une déclaration qu’elles ont rendue publique le 20 janvier 2021, les organisations signataires de la présente avaient déjà affirmé être fortement préoccupées du recul inquiétant des espaces de libertés au Togo caractérisé par les interdictions systématiques des libertés de réunions et de manifestations pacifiques publiques, le musellement de la presse privée et la décapitation du monde syndical, dans l’unique but d’asseoir une politique développementaliste : « silence, on développe ! »
10. Nos organisations invitent donc les autorités togolaises, notamment le Ministre de la Fonction Publique, du Travail et du Dialogue Social, monsieur Gilbert B. BAWARA, et le cas échéant, sa hiérarchie, de rapporter purement et simplement cette mesure au relent abusif et discriminatoire, et en appelle une fois de plus à l’opinion nationale et internationale, au Représentant-Résident de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) au Togo, aux Secrétaires Généraux des différentes fédérations syndicales du Togo et au peuple souverain, à la lumière de l’avertissement lancé par le Théologien allemand Emil Gustav Friedrich Martin Niemöller et suivant lequel :
11. « En Allemagne, les policiers nazis sont venus d’abord arrêter les communistes, je n’ai rien dit parce que je n’étais pas communiste. Ils sont venus chercher les socialistes, et je n’ai rien dit parce que je n’étais pas socialiste. Ils sont venus ensuite chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit car je n’étais pas syndicaliste. Ils sont venus prendre les juifs, et je me suis encore tu parce que je n’étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas réagi parce que j’étais protestant. Puis un jour, ils sont venus me chercher, et ce jour-là, il ne restait plus personne pour protester ».
12. L’étau de la dictature se resserre chaque jour, impitoyable et progressivement sur les libertés acquises de hautes et longues luttes, au prix même des sacrifices suprêmes. À bon entendeur salut !
Fait à Lomé, le 02 Février 2021,
ONT SIGNÉ
M. Fousseni KPEKPASSI (APVT)
M. Daguerre K. AGBEMADOKPONOU (ALCADES)
M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO (ASVITTO)
M. Bassirou TRAORE (GCD)
M. Koffi DANTSEY (GLOB)
M. Poro EGBOHOU (FDP)
M. Georges Kodjo AMOUZOU (LTDH)
Me Joseph Nadikpa K. AKPOSSOGNA (MCM)
M. Issaou SATCHIBOU (MJS)
M. Basile AMENUVEVE (SEET)
M. Emmanuel H. SOGADJI (UJDEB-TOGO)