« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ,
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c’est l’alarme […]
C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
ci, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève »
Le chant des Partisans (1941-1943)
Des « G.I.’s » américains autour de la flamme de l’indépendance du Togo ce 27 avril 2023.
L’image est saisissante. Elle dénote de la coutumière brutalité US. Elle est néanmoins l’expression de la dure réalité factuelle : le Togo n’est ni indépendant ni souverain. Les huit « marines », en parade devant le symbole de l’Ablodé, qu’ils piétinent allègrement, en est l’éloquente confirmation.
Les complices de l’assassinat crapuleux de Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963 sont de retour, sur le lieu symbolique du crime. La photo fait froid dans le dos. Le pire est qu’elle n’a suscité que la réaction d’un député français, M. Sébastien Nadot. Encore une fois les « nègres » n’y ont vu que du feu ? Quelles que soient les motivations de M. Nadot, il a raison de voir dans cette image, bien plus que la tonitruante et virile participation d’une nation amie aux festivités du jour. Il est étrange et même surréaliste que des forces étrangères posent, seules, devant le symbole de la liberté et de l’indépendance d’un pays, sans susciter l’émoi, ni même la surprise des citoyens, à l’exception très notable de Mme Fabbi K. Imaginez-vous les forces armées anglaises, pour rester entre amis, parader devant le Capitole le 4 juillet ? Damned ! Il s’agirait d’une provocation inacceptable pour le peuple américain. C’est bien pourtant à ce type de viol que le Togo vient d’être soumis. Sans coup férir, les États-Unis viennent de faire main basse sur le Togo et nous le font savoir avec leur proverbiale « finesse ». Exit la France, ce que ressent durement ce député français.
Le Togo est important dans le dispositif de recolonisation des États de l’Ouest-Africain et de contrôle du Golfe de Guinée. Dans la guerre géopolitique féroce que se livrent les puissances, le contrôle de cette zone, réputée la plus riche au monde en ressources minières et pétrolifères, constitue un avantage décisif. Les États-Unis sont fortement chahutés par les BRICS et l’organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Son arme décisive, le dollar « Monopoly », qui permet de siphonner les ressources de toute la planète et d’exporter son inflation intérieure, est fortement contestée. La puissance et le rayonnement des États-Unis reposent sur la force de sa monnaie. Elle périclite rapidement sous les tendances centrifuges lourdes d’un monde multipolaire, en rapide dédollarisation des transactions commerciales. Il faut pour Washington, éviter la chute brutale en éjectant la France de l’Afrique et en colonisant directement les pays du Golfe de Guinée. C’est une question de survie. Le Togo est une prise de guerre. Sa position géographique stratégique, au centre du Golfe de Guinée, en fait un morceau de choix de la nouvelle prédation américaine. Cela mérite bien une photo de célébration. Armstrong vient de planter le drapeau américain sur la lune. C’est bien de cela qu’il s’agit.
Parallèlement, cette évolution correspond pour Lomé 2 à une longue période de pression et même de fragilité que constitue le passage de la protection séculaire de la France à l’imperium yankee. Faure Gnassingbé a beaucoup tremblé, à mesure que s’affaiblissait l’influence française en Afrique. Les remaniements intempestifs dans l’armée, le volontarisme diplomatique et surtout le déferlement du terrosisme au nord du pays sont autant de signes de ces atermoiements et résistances. La photo scelle la fin d’une confrontation et proclame les États-Unis comme les nouveaux maîtres du Togo. Un nouveau cycle commence pour le clan Gnassingbé. Faure Gnassingbé voit s’éloigner le spectre tant redouté du coup d’État fomenté par la France. Il est à présent rassuré et cela se voit. Avez-vous remarqué sa nouvelle assurance, après avoir changé le socle de son pouvoir, en livrant le Togo à la prédation américaine, au nom de la préservation du fauteuil présidentiel ?. Les élections régionales et législatives, les visites tous azimuts à l’intérieur du pays, les inaugurations de tout et de rien….Somme toute, la nouvelle agitation présidentielle constitue à la fois l’écran de fumée de Lomé 2 pour cacher l’aliénation du Togo, sans le consentement du peuple, et surtout la célébration du nouveau cycle de domination familiale des Gnassingbé, sous le regard tutélaire des seuls USA.… Les accords avec la Russie dans le domaine du sport et les accents panafricanistes factices des gouvernants, ne sont que tromperie et diversion. Seul compte en réalité le changement de protectorat, pourvu que les Gnassingbé restent les régents du Togo.
Faure Gnassingbé est plus que jamais conforté dans le rêve d’un pouvoir illégitime à vie. L’image des yankees, assis sur la flamme de l’indépendance et l’aspiration au changement de tout un peuple, crie très fort. Il serait suicidaire de ne pas y voir la signature d’un nouveau contrat de colonisation. On est bien loin de la réponse de la sentinelle à la vigoureuse adresse du père de l’indépendance. Ce qu’elle dit de la nuit n’est que noirceur et désolation.
Sous nos yeux, photo à l’appui, le Togo vient de changer de main. M. Gnassingbé vient de vendre des millions de citoyens à l’encan, dans le silence et l’indifférence générale.
Pendant qu’on ficelle, plus solidement encore, ce peuple martyr, les neuneus de la classe politique et intellectuelle continuent de neuneuter, les yeux fixés sur les élections et les sinécures espérées.
On continue à danser allègrement sur le pont du Titanic.
Quand apprendrons-nous à voir au-delà du doigt qui montre la lune ?
Jean-Baptiste K.