«Si en 2030 quelqu’un se plaint qu’il n’a pas d’électricité c’est que nous avons échoué » déclarait le 06 novembre 2020 la ministre de l’énergie Mawunyo Aziable. Déclaration pieuse. Mise en orbite bien avant sa nomination, cette ambition 2030 que la plus jeune ministre du gouvernement Dogbé a remis sur son torse vient s’inscrire dans un réveil énergétique de la sous-région ouest-africaine. Le Benin s’est lui annoncé être à 2 ans de son autonomie, le Ghana lui y est presque. Il est donc légitime dans le cas Togo de faire l’Etat des lieux aujourd’hui qu’on est à juste 9ans de l’objectif. Qu’est ce qui a été fait et qu’est-ce qui se fait jusqu’ici pour que l’ambition 2030 annoncée ne soit pas juste une incantation. Analyse !
L’existant
En 5ans la nationale de distribution de l’électricité Ceet a connu une progression moyenne de 50 000 abonnés raccordés par an. Ce qui le table en fin 2020 à près de 550 000 clients (ménages et entreprises). Déjà en juin 2020, pendant que la Ceet déclarait son taux de desserte à 45%, l’ex ministre de l’énergie, Ably Bidamon déclarait un taux d’accès national à plus de 50 %, soit un bond de 30% en 15 ans (de 2005 à 2020). Dans le global, on met également tout ce qui a été fait dans le solaire et dans l’éclairage public. Et en la matière, le projet Cizo a atteint 25 000 ménages pendant que 350 lampadaires installés permettent, à ce jour, de fournir l’électricité à un millier de famille. Depuis octobre 2020, la centrale solaire de Blitta a ajouté ses 50 Mw précédé des 65 Mw fournit par la centrale Kekeli Efficient ce qui fait porter la capacité d’autonomie du Togo à environ 350 Mw à ce jour.
Or le gouvernement a projeté dans son objectif 2030 apporter la lumière à près de 3,5 millions de togolais qui vivent encore dans le noir. Dans le lot il est prévu que 800 000 ménages seront éclairés par le solaire.
L’analyse
Le réveil de la Ceet avec la barre moyenne des 50 000 abonnés maintenue durant 5 ans a été à la faveur du contrat de performance instauré entre elle et l’Etat depuis 2014 et réactualisé en 2019. Mais face à l’ambition 2030, cette performance se révèle très moyenne. Une résultante des redondantes polémiques que cette société d’Etat connait sur sa gestion, le tout orchestré et instillé par des réseaux claniques et mafieux terrés au sein de l’entreprise et qui le hantent depuis des décennies. « Le prépayé initié depuis 2010 était une raisonnable piste qui devrait permettre aujourd’hui à à la Ceet de sortir légèrement la tête du gouffre, si on ne l’avait pas fait balbutier pendant des années», a confié un expert du secteur dans la sous-région. En effet, de sources concordantes, le prépayé a été longtemps saqué et malmené par des sbires pour qui il était une sérieuse menace pour leurs appétits voraces t insatiables.
Pour autant, il nous revient que des subterfuges sont encore mis actuellement en orbite pour carrément enterrer cette offre que les clients ont pourtant totalement adopté aujourd’hui parce qu’elle leur permet justement de maitriser leur budget électricité, pendant qu’elle resoud, pour les maisons à location les éternelles polémiques autour des factures d’électricité.
Pour le solaire, la performance des 25 000 ménages réalisée aujourd’hui par le projet Cizo est acceptable. Mais elle est loin du rythme qui devrait conduire aux 800 000 visés. Mais qu’à cela ne tienne. Les 800 000 ménages visés se révèlent aujourd’hui caduques face à la courbe démographique et le dynamisme d’urbanisation qu’imposent les populations à l’Etat.
A côté de Cizo, Edf qui est résolue à grappiller sur le marché solaire africain promet le graal au gouvernement avec le Bbox. Mais il se trouve que le français n’a encore donné aucune référence rassurante dans ce secteur à ce jour. Et le solaire nécessitant de lourds investissements, l’inquiétude doit etre maintenue sur la qualité du matériel qu’on offre. Le solaire a des problèmes récurrents d’entretien et de maintenance à la lumière des milliers de panneaux solaires déployés par le gouvernement depuis seulement trois ans et qui connaissent déjà des problèmes techniques qui ont rendu d’autres non opérationnels depuis des lustres.
Le nœud gouvernance
A l’analyse, il ressort que l’ambiton 100% en 2030 s’annonce dejà telle de simples incantations si un travail sérieux n’est pas fait sur la gouvernance. Se prononçant justement sur les ambitions d’autonomie en 2030 déclarée un peu partout sur le continent, Christian de Gromard spécialiste de l’énergie à l’AFD trouve qu’au-delà des potentialités naturelles non négligeables du continent « le point d’achoppement reste la gouvernance ». A ce titre, il recommande qu’ « Un effort institutionnel pour réglementer le secteur de l’énergie et lutter contre la corruption est un postulat plus que jamais nécessaire pour parvenir à fournir le continent en énergie. 2030 semble donc une échéance bien courte pour couvrir les besoins énergétiques de l’Afrique, surtout ceux des populations les plus démunies ».
En effet, il s’impose selon une autre source, que la gouvernance fasse appelle à la rationalité et au réalisme dans les projets d’extension en ce sens qu’on ne peut continuer à desservir des zones rurales où les demandes immédiates ne sont que de quelques ampères avec le même investissement qu’on déploie pour raccorder des zones urbaines où la demande est plus conséquente.
Le Benin et le Ghana qui sont aujourd’hui à quelques mètres de l’autonomie énergétique ont dù se résoudre à régler les problèmes de gouvernance pour faire place aux vraies compétences. Et ils n’ont point eu besoin de recourir à la privatisation pour y arriver. Mais ils ont plutôt fait confiance aux compétences nationales qui maitrisent mieux les réalités endogènes.
Et au titre de ces réalités au Togo, se trouvent les clans de ceux-là qui, au lieu de travailler, ne broient que tribalisme et clientélisme politiques au lieu de développer et démontrer des visions réalistes au chef de l’Etat.
La vision 2030 ne demande rien d’autre que cela. Et non des galimatias !
FRATERNITE