Par Maryse QUASHIE et Roger E. FOLIKOUE
L’année 2020 tire à sa fin… Tout le monde s’entend pour dire que nous n’oublierons pas cette année, qu’elle fut exceptionnelle, au sens où 2020 nous aurait fait voir bien des malheurs. Et avant tout, ce fameux virus, ce COVID-19 qui a bouleversé la vie de tous les habitants de notre planète, qui a tué des centaines de milliers de personnes, et qui continue d’en tuer… Il a apporté la souffrance et la mort mais aussi les difficultés économiques, la désorganisation du système économique des pays développés et l’accroissement de la pauvreté sur notre terre d’Afrique, beaucoup d’Africains s’enfoncent ainsi dans la misère à cause de lui.
Et justement sur ce continent, 2020 a été aussi l’année de plusieurs élections présidentielles, spécialement dans l’espace CEDEAO. Pour ce qui concerne les pays francophones, les populations n’ont pas beaucoup de raisons de se réjouir de l’issue de ces scrutins : toutes prévues pour se dérouler en deux tours ont été gagnées dès le premier tour par une personne dont la candidature, dans certains pays, a été longtemps contestée parce que découlant d’un viol de la Loi Fondamentale.
Des citoyens ont été molestés et tués à cause de cela mais ces candidats sont quand même passés. Quelle mascarade ! Et les hommes politiques qui se disaient leurs opposants, au mieux, n’ont trouvé aucune solution à proposer aux populations, au pire se sont de nouveaux alliés avec ces pouvoirs illégitimes. En un mot les élections n’ont pas généré le changement social vivement souhaité par les citoyens. Cela signifie que les Droits de l’homme vont continuer à être bafoués, que les libertés de réunion, de manifestation, etc. vont toujours être refusées aux populations… Tout cela dans l’indifférence de la communauté internationale, uniquement préoccupée de la préservation de ses intérêts en Afrique !
30 ans après le discours de La Baule, les dictateurs africains veulent retourner à l’ère de la monopolisation de l’espace politique par un parti ; ils tentent par conséquent de refuser aux citoyens la jouissance de leurs libertés fondamentales. La servitude peut-elle encore revenir au XXI è siècle ?
Bref, les perspectives ne seraient pas bonnes pour 2021, on semble être d’accord sur cela.
Et pourtant, si nous acceptions de détourner notre regard de nos malheurs, notre attention serait attirée vers d’autres éléments moins négatifs. D’abord, malgré les craintes de tous, l’Afrique a été le continent le moins touché par la pandémie, et alors que les industries pharmaceutiques se réjouissaient déjà des milliards qu’elles pourraient ramasser lorsque les Africains allaient tomber comme des mouches, l’Hydroxychloroquine est venue déjouer leurs attentes.
De plus, bien qu’on ne les ait pas développées, des inventions sont nées en terre d’Afrique pour lutter contre la pandémie et un nouvel intérêt s’est porté sur nos plantes médicinales. Pour l’heure les industries pharmaceutiques occupées par la guerre du vaccin contre le COVID19, ne s’y intéressent pas trop mais bientôt, très bientôt, si nous n’y prenons garde, elles vont en tirer des médicaments qu’elles viendront nous vendre à prix d’or.
Toujours est-il que pour une fois, ce n’est pas sur l’Afrique, continent de tous les malheurs, qu’on a pleuré. Le monde a plutôt observé, médusé, les dirigeants occidentaux déconcertés, désorientés, eux qui étaient si sûrs de leur avance technique en matière de santé, eux les donneurs de leçons !
Au plan politique, le monde peut se réjouir d’avoir vu un Donald TRUMP, président ouvertement raciste (c’est l’adverbe qui compte ici), en passe de quitter le pouvoir aux EtatsUnis… Cela éclaircit quelque peu l’horizon.
Mais surtout en Afrique, s’il y a eu le Togo, la Guinée et la Côte d’Ivoire, il y a quand même eu le Mali où la pression des populations a réussi à faire démissionner un président malgré les manœuvres de la CEDEAO et de la communauté internationale. Cela devrait donner du courage aux Africains : les citoyens ne sont pas si démunis que cela face à des régimes qui pratiquent le vol et la tricherie, qui vident les institutions républicaines de tout sens et qui se disent démocratiques mais qui ont de plus en plus de mal à le prouver.
Ces régimes ont également du mal à cacher les dispositifs de corruption qu’ils ont contribué à mettre en place pour que leurs membres s’enrichissent indûment sur le dos des plus pauvres. Les langues se délient, les dossiers secrets s’ouvrent ; et surtout malgré les intimidations, les procès iniques, il n’est plus question de faire taire tous les citoyens courageux, hommes de la presse notamment, qui sont décidés à tout révéler…
Face à la faillite des partis, le mouvement de prise de conscience des membres de la Société Civile, tendance qui se dessinait déjà depuis quelques années, ne va-t-il pas du coup prendre de la vigueur et de l’ampleur ?
Cela ne dépend que de nous. En effet, à nous citoyens de prendre nos responsabilités pour que 2021 ne soit pas pire que 2020. Des pistes s’ouvrent devant nous.
Dans un premier temps, nous pouvons abandonner toute attitude fataliste pour nous convaincre que notre avenir sera ce que nous en ferons. S’il est vrai que nous sommes majoritairement des croyants, notre foi devrait au contraire, nous pousser à nous engager pour faire triompher la vérité et l’amour fraternel. Alors, ne nous joignons pas au chœur de ceux qui se lamentent et pleurent, demandant à celui auquel nous croyons d’intervenir dans notre historie sans que nous-mêmes nous ne levions le petit doigt.
Dans un second temps, nous pouvons nous mettre dès à présent à construire notre avenir. En effet, ou bien nous continuons à accepter dans la peur et l’autocensure, ces dirigeants qui ont ruiné nos pays et qui, au nom de la pandémie, au lieu de mettre en place de vrais mécanismes de solidarité, en plus d’un nouveau règne de terreur, ont encore présidé à une distribution des aides extérieures, sans aucune équité.
Ou bien alors, fort de notre nombre, nous tous qui désirons l’alternance vers des systèmes démocratiques, nous prenons le temps de nous organiser, de concevoir des stratégies autres qu’électorales pour nous faire entendre. Si c’est toute l’année 2021 qu’il faudra y passer, ayons le courage et l’abnégation nécessaires pour penser correctement notre action.
Dans cette perspective, il faudra déterminer avec qui il serait nécessaire ou indispensable de collaborer. Ainsi il n’est peut-être pas judicieux d’attendre grand-chose des hommes et partis politiques qui se précipiteront pour la conquête du pouvoir alors que les élections ont montré leur peu d’efficacité dans notre contexte. Mais ceux qui accepteront de s’asseoir avec les membres de la société civile en partenaires égaux pour chercher calmement de nouvelles stratégies, ceux-là représentent certainement les hommes politiques de l’avenir.
De la même façon, en 2021, il faudra que la Société Civile se conçoive autrement que nationale, c’est-à-dire, que des actions nationales, continentales, des stratégies pensées en concertation, avec la diaspora plurielle, soient adoptées. C’est à ce prix que des clubs de chefs d’Etat comme la CEDEAO perdront de leur influence ; c’est à ce prix aussi que la Société Civile africaine sera enfin prise au sérieux par la communauté internationale car elle-même aura fixé ses objectifs et tracé les cadres de son action.
2020 a également emporté de grands hommes africains, Manu DIBANGO, John Jerry RAWLINGS en l’occurrence, pour ne citer que ceux-là. Nous les pleurons encore et continuerons à le faire.
Mais en Afrique on a coutume lorsqu’un grand homme quitte cette terre de ne pas annoncer tout de suite son décès. On prépare tranquillement sa succession et quand tout est prêt on peut annoncer sa mort et dire, comme en Occident : « Le roi est mort, vive le roi !». Cela permet au nouveau roi d’exercer son pouvoir dès la fin du règne de l’ancien. A partir de 2021, nous pourrons certainement acclamer les successeurs de J.J. RAWLINGS, Thomas SANKARA, Nelson MANDELA, mais aussi de Manu DIBANGO, Miriam MAKEBA et tant d’autres… Notre avenir, dont 2021 est la porte, se construira avec ces nouveaux grands hommes.