. « Wateba et Kokoroko ont bénéficié eux-mêmes de ce paiement »
La tension est toujours palpable dans les universités publiques du Togo. Cela est dû aux divergences de vue intervenues entre les autorités universitaires et les enseignants du supérieur. En cause, les revendications salariales liées à la gestion des fonds alloués par le gouvernement pour solder les arriérés de primes et indemnités. Et depuis quelques jours, on assiste à une médiatisation des actions du gouvernement en faveur des enseignants qui sont, eux, présentés comme des gens souffrant « d’argentite aiguë », pour citer les autorités universitaires. Le 15 décembre, dans le souci de préserver l’intégrité morale de l’ensemble de la communauté universitaire, le Syndicat de l’Enseignement Supérieur du Togo (SEST) a voulu situer les acteurs de l’enseignement supérieur et l’opinion publique sur les éléments de crispation que subit le corps des enseignants du supérieur depuis plusieurs mois à 1’Université de Lomé.
Dans son adresse, le syndicat a d’abord présenté les fondements de leurs revendications qui, précise-t-il, ne sont pas une nouvelle demande de revalorisation salariale, mais plutôt la réclamation d’arriérés de primes et indemnités débloquées par le gouvernement, mais qui ne sont jamais arrivées à destination. Le SEST rappelle que depuis la signature d’un accord en novembre 2011, l’Etat togolais s’est engagé à revaloriser progressivement les traitements des enseignants du supérieur. A la suite des négociations menées entre le gouvernement et les syndicats, des fonds ont été alloués aux universités publiques du Togo (UPT) pour mettre en œuvre de manière échelonnée, les engagements de l’Etat vis-à-vis des enseignants du supérieur. « C’est dans cette dynamique qu’en date du 06 août 2019, un compromis avait été trouvé entre le gouvernement et les syndicats des UPT pour solder le reliquat de la revalorisation des salaires, primes et indemnités tel que exprimé dans l’accord du 03 novembre 2011 », indique le SEST. Le gouvernement s’était alors engagé à verser plus d’un milliard FCFA aux universités publiques, en deux tranches, l’une avant fin 2019 et l’autre sur le budget de 2020.
Comme le recommandent les pratiques de la mauvaise gouvernance au Togo, les fonds alloués ne sont jamais parvenus aux enseignants. Les autorités universités en ont décidé autrement, s’engageant dans des démonstrations sans fondement. « Malgré la bonne foi que les autorités étatiques ont démontrée, triste a été pour nous de constater que l’administration universitaire a préféré se livrer à des interprétations assez confuses dans la mise en œuvre dudit accord. Pour ce qui était pourtant très simple et consistait juste à payer le rappel des reliquats dus au titre de l’année 2019, la présidence de l’UL nous a opposé une théorie complexe qui remettait en cause les droits acquis », s’indigne le SEST.
Cette accusation de mauvaise interprétation de l’accord n’est pas une affabulation. Le président de l’université de Lomé a remis en question tout ce qui a été fait dans le cadre de l’utilisation des fonds, dans un courrier adressé au syndicat, le 10 janvier 2020, et ayant pour objet « le traitement des salaires du personnel enseignant à l’UL ». « Ainsi, bien qu’ayant payé en novembre et décembre 2019 l’intégralité des montants régularisés, soit une revalorisation de 15% des salaires et 25 % des primes et indemnités, le Président de l’Université de Lomé a unilatéralement et sans motif valable, décidé de se rétracter, puis a opté de répartir cette tranche sur l’ensemble de l’exercice budgétaire 2019, rabaissant ainsi à 5% le taux de régularisation des salaires », écrit le SEST qui souligne avoir saisi le président de l’Université de Lomé pour l’appeler à la nécessité de se conformer aux dispositions de l’accord du 06 août 2019. Une autre lettre a été envoyée au ministre de tutelle pour « aplanir les divergences d’interprétation afin de préserver la sérénité et l’apaisement sur les campus universitaires », et à la Primature pour l’informer du « clivage sur la mise en œuvre de l’accord et des dispositions à prendre suite à l’AG du SEST du 07 février 2020 ».
Dans ces courriers, le syndicat a expressément demandé d’une part, que les montants versés par le gouvernement soient intégralement reversés aux bénéficiaires en guise de rappels comptant pour l’année 2019, et d’autre part, que cette nouvelle disposition soit prise en compte par l’administration universitaire dans le traitement des diverses rémunérations à compter du nouvel exercice budgétaire 2020. Pour l’organisation syndicale, la lecture faite de l’accord du 06 août 2019 ne fait que traduire la compréhension de l’ensemble du corps enseignant et consacre la tradition existant en la matière. Elle rappelle qu’en 2012, 2015 et 2018, les enseignants du supérieur avaient bénéficié de fonds de la part du gouvernement pour acter la régularisation progressive des salaires, primes et indemnités suivant l’accord du 03 novembre 2011. « Pour y accéder, l’administration universitaire a toujours versé les rappels afin de solder d’abord les années en cours, puis la nouvelle situation salariale était maintenue sur les budgets annuels à venir. Il se fait même que le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Professeur Majesté N. Ihou Wateba tout comme le Président de l’UL, le Professeur Dodzi Komla Kokoroko qui récusent aujourd’hui ledit principe, ont eux-mêmes, précédemment bénéficié de sa mise en œuvre. C’est fort surprenant qu’ils s’en indignent maintenant et il faudrait peut-être croire que cette nouvelle attitude est définie par leur position actuelle », ont tenu à rappeler les enseignants.
Dans leur développement, les enseignants du supérieur notent que c’est parce que le président de l’Université de Lomé s’inscrivait dans la logique du paiement des rappels qu’il avait adressé des courriers en date du 07 janvier 2020 et du 04 février 2020 au ministre de la Fonction publique pour lui faire le compte rendu sur le solde de la revalorisation des salaires. « Aussi, le SEST tient à faire comprendre qu’en proposant son mécanisme de régularisation par courrier du 10 janvier 2020, le président de l’UL reconnaissait ouvertement l’obligation de verser le solde en guise de rappels pour l’année 2019 : cependant, on constate que lesdits rappels n’ont toujours pas été reversés en intégralité et le comble est que nos autorités universitaires nient actuellement leur existence », martèlent les enseignants qui soutiennent qu’il n’est aucune raison que la totalité de cette allocation ne soit intégralement reversée sur les 12 mois de traitement de l’année 2019, même si elle a été octroyée en plusieurs tranches.
A cette mauvaise interprétation de l’accord du 06 août 2019 s’est greffé « un manque d’égard voire un mépris sans pareil » des autorités universités. Selon le SEST, Dodzi Kokoroko et Ihou Wateba s’inscrivent dans un processus de dénigrement tendant à présenter les enseignants comme des personnes insatiables et cupides alors que la cupidité se manifeste dans les actes des autorités universitaires qui s’érigent en dictateurs. « En effet, pestent les enseignants, on ne saurait transformer une demande légitime de paiement d’arriérés, en une demande d’augmentation de salaire ; on ne saurait non plus vilipender les éducateurs que nous sommes comme de vulgaires protestataires qu’on peut étouffer avec la puissance publique, ou par des manœuvres outrancières consistant à nous infantiliser ou à diffuser nos rémunérations dans l’intention de nous traiter de cupides. Comme si ça ne suffisait pas de vouloir nous faire bastonner par la police universitaire, on se plait encore à nuire à notre image et à notre réputation ».
« Il est temps que nous tous, puissions comprendre que l’exercice de l’autorité administrative ne vise pas à contraindre ses propres confrères à une quelconque servitude », insiste le SEST qui appelle les enseignants à restés mobilisés et les autorités du pays à se saisir du dossier.
G.A.
Sources : Liberté