« Une route peut prendre mille directions, la vérité n’en connaît qu’une » (Proverbe chinois)
Connaîtra-t-on un jour la vérité sur l’assassinat du Lieutenant-colonel Bitala Madjoulba? Le 4 mai 2020, au lendemain de l’investiture de Faure Gnassingbé pour son 4ème mandat, cet officier supérieur des Forces Armées Togolaises (FAT), commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR) a été retrouvé mort dans son bureau, une balle dans le cou. Six mois après ce meurtre, la commission d’enquête mise sur pied pour faire la lumière sur les circonstances de la mort du haut gradé de l’armée peine à rendre à ses conclusions.
Un épais écran de fumée semble entourer cette affaire. L’opinion est de plus en plus convaincue que tout serait mis en œuvre pour brouiller davantage les pistes. La sortie du Procureur de la République, Essolissam Poyodi au lieu d’apporter un peu plus de lumière à ce dossier, en rajoute à la confusion. Alors que les Togolais s’impatientent de connaître les noms de ceux qui ont abattu le Colonel Bitala Madjoulba dans son bureau, le procureur indique que « les faits incriminés s’inscrivent dans un concert criminel complexe dont il conviendra d’identifier la chaîne des complicités et le mobile ».
De plus, les Colombo français et ghanéens chargés de faire la lumière sur ce crime odieux nous apprennent que l’arme d’où est parti le coup fatal est le propre pistolet du commandant du BIR. Nous ne connaissant que trop, on ne serait pas surpris qu’un de ces quatre matins, on annonce à l’opinion que l’officier des FAT se serait suicidé.
Toujours pour tenter de brouiller les pistes, on redirige l’opinion sur une pente très glissante de «règlement de compte en lien avec de possibles trafics. » Veut-on dire aux Togolais que les incessantes rumeurs de trafic de stupéfiant auquel le nom de la grande muette a toujours été associé étaient alors une vérité ? Les « sécurocrates » de Faure Gnassingbé auraient-ils le nez dans la schnouf ?
Le Togo a été de tout temps décrit comme une plateforme de trafic de drogue dans la région ouest-africaine, un repaire des activités criminelles. Il fut un temps, des infos persistantes avaient fait état de ce qu’une liste de personnes trempées dans la schnouf et de blanchiment avait été établie par la DEA (Drug Enforcement Administration), l’Agence américaine de lutte anti-drogue) sur laquelle figureraient en bonne place plusieurs personnalités de haut rang du régime. Les autorités togolaises n’avaient jamais confirmé ni infirmé ces informations.
Mais comme par extraordinaire, en 2011, il a fallu que l’ancien ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Kpatcha Gnassingbé, accusé de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat, tombe en disgrâce pour que le régime ressuscite des dossiers puants et stupéfiants dans lesquels il serait trempé et qu’on annonce à l’opinion qu’il serait recherché par la DEA américaine. « Kpatcha Gnassingbé aurait offert sa protection à des trafiquants alors qu’il officiait en tant que ministre de la Défense. Selon des sources bien informées à Washington, les américains envisageraient de réactiver le dossier en possession de l’agence fédérale anti drogue afin de profiter du procès au Togo pour communiquer autour de leur détermination à lutter contre le narcotrafic », avaient écrit à l’époque les organes de propagande du régime. Coincé entre les quatre murs de la prison, l’ancien député de la Kozah ne pouvait évidemment pas se défendre.
Aujourd’hui que le Col Bitala Madjoulba est mort, on tente de l’ « assassiner » pour la seconde fois en associant son nom au trafic de drogue. D’outre-tombe, l’officier supérieur des FAT doit se tourner et se retourner dans tous les sens.
Médard AMETEPE
source : Liberté