Le Ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’Extérieur, Prof Robert Dussey a effectué, le vendredi 29 janvier 2021, une visite de travail en France. À Paris, le chef de la diplomatie togolaise s’est entretenu avec son homologue français sur plusieurs sujets d’intérêts communs aux deux États. Une seconde incursion du «disciple» Dussey au Quai d’Orsay qui remet sur le tapis, un vieux sujet.
Dussey, au charbon…
Pour la seconde fois après l’échéance juillet 2019, Robert Dussey a foulé le perron du Quai d’Orsay. Reçu au siège de la diplomatie française, par son homologue français Jean-Yves LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Robert Dussey, en sa qualité de ministre togolais des Affaires Etrangères, a échangé avec son alter ego, sur plusieurs sujets d’intérêts communs, informe-t-on du côté de Lomé. D’une part entre le Togo et la France et d’autre part, sur des sujets régionaux et multilatéraux.
De façon spécifique, Prof Robert Dussey a saisi l’occasion pour évoquer l’impact de la crise de la Covid-19 sur la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND). Une situation contraignante qui débouche, a-t-il précisé, sur l’actualisation de ce plan quinquennal.
Persistance des appréhensions
Si à l’origine, cette visite de travail du ministre Dussey à Paris a permis au Togo de se refaire une nouvelle santé diplomatique à l’internationale, elle aura également le mérite de reposer un sujet toujours d’actualité. En effet, au-delà de l’habillage que l’on exhibe dans les arcanes diplomatiques, l’axe Paris-Lomé, connu quelque peu titubant depuis l’arrivée aux Champs-Élysées du Président Emmanuel Macron, est toujours loin d’être au beau fixe. A l’origine, cette élection de Macron qui a quelque peu bousculé l’ordre préalablement établi dans les relations diplomatiques entre la France et ses anciennes colonies. Cela, en ce sens qu’Emmanuel Macron a décidé de revoir sa politique en Afrique. Ce, en adoptant une nouvelle approche, celle de la main-tendue aux États africains de se gérer eux-mêmes, et que l’intervention de la France dans les politiques des États africains ne doit être que la résultante d’une démarche concertée. Macron aura ainsi annoncé la fin de l’ère France-Afrique, une politique impérialiste, très décriée sur le continent de nos jours.
Faure et la disgrâce
La conséquence de cette nouvelle approche aura donc été la prise de distance de Paris vis-à-vis de certains chefs d’État dont le tableau semble moins reluisant en matière de démocratie. Donc tombés en disgrâce auprès de l’ancienne métropole. Parmi ceux-ci, figure bien entendu Faure Gnassingbé du Togo. Un sujet que nous avons déjà abordé dans notre parution N°331 du 02 octobre 2019. «Faure aux obsèques de Chirac : Macron si proche, si loin», avions-nous titré. Et dans notre analyse, nous relevions que «aujourd’hui, le fils de Eyadema est plus que jamais demandeur, ne serait-ce que quelques moments d’une petite audience auprès de Macron». Malheureusement, un peu plus d’un an après, les faits semblent toujours d’actualité.
En effet, outre la participation du chef de l’État togolais, le 30 septembre 2019, aux obsèques de l’ancien Président français, Jacques Chirac, à Paris, aux côtés de nombre de ses pairs du continent, plus rien n’a essayé de rapprocher Faure de Macron. Même la seule hypothétique lettre de Félicitations de Macron à Faure, au lendemain de la présidentielle de 2020, non seulement a mis du temps pour être connue, mais aussi son authenticité reste contestée à ce jour par l’opposition.
Somme toute des éléments qui confirment, de plus belle, les appréhensions de nombre d’observateurs et analystes qui perçoivent un gros nuage dans le ciel des relations diplomatiques entre Lomé et Paris. Certes, Emmanuel Macron et la France ne cachent pas leur complaisance au sujet de certains artisans de trois mandats sur le continent comme Ouatarra de la Côte d’Ivoire et N’guesso de Brazzaville. Mais ils adoptent tout de même un silence bruissant, sinon une indifférence intrigante sur le cas du fils d’Eyadema. Au rang des raisons évidents, le coup d’État constitutionnel dans lequel s’inscrit confortablement l’héritier du 5 février 2005 qui excelle aujourd’hui dans la restriction faite aux libertés, tant publiques qu’individuelles. C’est donc clair, hormis des pays stratégiques comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou encore le Tchad, la France semble désormais moins intéressée par le profil de nombre de pays d’Afrique francophone dont le Togo, considérés comme des États policiers dans lesquels la démocratie, même 60 ans après les indépendances, est encore à la traîne.
Une mission de «Jean-Baptiste»?
Toute la pertinence de cette visite du ministre Robert Dussey réside dans le fait que, bien qu’ordinaire, surtout pour un ministre d’une ancienne colonie française comme le Togo, elle paraît, tout de même, bien particulière aux yeux de nombre d’observateurs. Ceci, lorsqu’on sait surtout que la réalité est bien contraire au plus haut niveau, notamment entre les Chef d’État des deux pays. Ainsi donc, avec cette visite, les observateurs se questionnent encore et une fois de plus si Robert Dussey enfile, à nouveau, son manteau de «Jean Baptiste» pour essayer de «normaliser» la ligne Lomé-Paris, puis débrayer le chemin pour une probable visite diplomatique digne de nom du «seigneur» Faure en France.
Certes la visite de Dussey enfilant le manteau officiel, a traité des sujets importants et stratégiques. Notamment le bon déroulement des processus électoraux dans plusieurs pays ouest-africains, la persistance du terrorisme et de l’insécurité en Afrique de l’Ouest. Et bien d’autres divers comme la commune volonté des deux États de soutenir le multilatéralisme et la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la paix et de la sécurité internationale, avec une incursion faite sur le terrain des négociations de l’Accord OEACP-UE post-Cotonou qui viennent d’être conclus. Mais à l’analyse, l’on en vient à conclure que malgré l’officiel, Robert Dussey paraît enfiler, à nouveau, son manteau de bon samaritain pour déblayer, sinon préparer le chemin plein d’embûches à Faure qui a, visiblement, du mal à se rapprocher de Macron. L’une des preuves a été la dernière sortie grandeur nature de Macron dans les colonnes du confrère jeune Afrique où il a carrément enjambé le cas Togo parmi les démocraties africaines balbutiantes.
Peut-être la France ne trouve d’intérêt au Togo que dans les ventes d’équipements militaires comme les gazelles et les patrouilleurs maritimes que le pays de Faure a acquis ces derniers mois auprès du pays de De Gaulle. Pour un observateur, tous ces achats ne sont que des yeux doux, de la drague que Lomé ne cesse de faire pour obtenir les tapis rouges de l’Élysée. Et pourquoi pas ? Tout compte fait visiblement, même si Dussey affirme que son patron n’est pas, pour l’heure, demandeur d’une quelconque audience auprès de Macron, tout semble dire qu’il s’y met. Et à corps défendant. Tel un «Jean Baptiste» qui, en missionnaire très appliqué, travaille à la venue prochaine du «seigneur» Faure.
FRATERNITE