« Les élections sont des parodies qui se servent des grands mots : démocratie, peuple, nation, république, souveraineté, mais qui cachent mal le cynisme des gouvernants; il s’agit pour eux d’installer et de maintenir en place une tyrannie soft qui produit un homme unidimensionnel comme jamais aucune dictature n’a réussi à en produire » (Michel Onfray)
Cette année 2020 finissant a été une année électorale riche en Afrique de l’Ouest. Après le Togo, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Ghana, c’est au tour du Niger de se lancer dans les joutes électorales. Le premier tour de la présidentielle est prévu le 27 décembre prochain. Une élection pour laquelle le président sortant Mahamadou Issoufou, contrairement à certains de ses homologues, a décidé de ne pas rempiler.
Le président nigérien avait à maintes reprises réitéré qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandat. « Ainsi que je l’ai affirmé à plusieurs reprises, je respecterai scrupuleusement les dispositions de la constitution de la République du Niger. Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu, ce sera ma plus belle réalisation, ce sera une première dans l’histoire de notre pays depuis son accession à l’indépendance », réaffirmait Mahamadou Issoufou.
Et d’ajouter : « J’ai beau chercher, je ne trouve aucun argument qui justifierait que je me sente irremplaçable ou providentiel. Nous sommes 22 millions de Nigériens, pourquoi aurais-je l’arrogance de croire que nul ne peut me remplacer ? » Le chef de l’Etat nigérien a mis un point d’honneur à respecter sa parole donnée. C’est ça qui fait la grandeur de l’homme. On en connaît qui, à cause de leur soif inextinguible du pouvoir, ont risqué leur honneur d’homme d’Etat, se passant pour les seuls garants de la prospérité et de la stabilité de leur pays. « Un chef d’Etat qui dit : je suis le seul à pouvoir empêcher cette nation d’éclater. Cela signifie qu’il a échoué à construire une véritable nation », rétorquera Barack Obama.
Dans l’espace communautaire, les élections se suivent et se ressemblent. Ceux qui sont au pouvoir se sont donné les moyens de ne pas perdre les élections. Faisant ainsi leur cette assertion de feu Omar Bongo Ondimba selon laquelle « on n’organise pas les élections pour les perdre. »
Le constat, malheureusement, c’est que toutes ces élections n’ont pas permis de faire un saut qualitatif sur le plan de la démocratie. Comme le rappelle CIVICUS Monitor, un outil de recherche qui fournit des données quantitatives et qualitatives sur l’état des libertés civiques dans 196 pays, les élections en Afrique de l’Ouest ont été très peu démocratiques et ont marqué un recul de l’espace civique et des droits humains.
En effet, les processus électoraux en Guinée et en Côte d’Ivoire notamment ont été entachés de fraudes massives, mais aussi des violences et des dizaines de morts. Dans son dernier rapport « Marcher et mourir », Amnesty International fait état d’au moins 50 personnes tuées en un an en Guinée, au cours des manifestations de contestation du 3ème mandat d’Alpha Condé qui se sont succédé depuis octobre 2019. Un bilan macabre auquel s’ajoutent les 21 personnes tuées selon le pouvoir, (27 selon l’opposition) dans les violences post-électorales.
Le tableau est tout autant sombre du côté de la Côte d’Ivoire. Selon le bilan officiel, au moins 87 personnes sont mortes dans des violences liées à l’élection présidentielle du 31 octobre.
Même le Ghana dont le dynamisme et la vitalité démocratique ont été de tout temps salués, a vu son image écornée et écorchée après le scrutin présidentiel du 7décembre. Cinq personnes ont été tuées dans les violences électorales et les résultats donnant Nana Akufo-Addo vainqueur avec 51,59% des voix ont été rejetés par l’opposition.
Médard AMETEPE
Source : Liberté