Yawo Alibo n’est plus le préfet de Yoto. Depuis vendredi, il a été limogé par Faure Gnassingbé et remplacé par le Lieutenant-colonel Sodokpo Afan Kodjo. Malheureusement, le chef de l’Etat ne se comporte pas de la même manière envers les criminels de sang et ceux économiques. Il les protège en se murant dans un silence complice.
Début décembre 2020. La vidéo d’un couple en train de se donner du plaisir a fait le tour des réseaux sociaux. Dans la vidéo qui était très courte mais suffisante pour identifier ces amoureux, on y voit le préfet de Yoto en train de doigter une élue locale. Quelques jours après la publication malencontreuse – c’est ce qu’a dit la femme se trouvant sur la vidéo – de cette sextape, l’intéressée a été présentée comme l’épouse du préfet Yawo Alibo et avec qui il s’est lié par le mariage. Le certificat de mariage a été même publié sur les réseaux sociaux. Dans un message audio, l’élue locale s’est excusée d’avoir publié la vidéo alors qu’elle tentait de la supprimer de son téléphone. Malgré toutes les excuses, le mal est déjà fait.
Sans surprise, le préfet, représentant de l’administration centrale a été limogé. « Sur rapport du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement du territoire », Payadowa Boukpessi, le Chef de l’Etat a décidé de nommer un nouveau préfet. Son choix a été porté sur un militaire, en l’occurrence le Lieutenant-colonel Sodokpo Afan Kodjo. L’intime du désormais ex-préfet de Yoto est, elle, restée à son poste, ayant été couverte par un mandat électif. Si elle occupait un poste nominatif, elle aurait naturellement subi le sort de son amant de mari. Dans tous les cas, le limogeage de Yawo Alibo ne peut être désapprouvé.
Dans cette affaire d’atteinte aux mœurs, Faure Gnassingbé a pris une décision pour sévir, en l’espace d’une semaine. Une promptitude qu’il faut saluer, mais qui révèle également sa partialité vis-à-vis des autres écarts –beaucoup plus graves- qui se commettent dans le pays. Depuis son arrivée au pouvoir en 2005, le chef de l’Etat ne s’est pas montré rigoureux dans la gestion des ressources du pays. De nombreux rapports et des révélations des médias ont suffisamment montré l’ampleur de la corruption et des détournements de fonds dans le pays. De nombreux scandales financiers émaillent sa gouvernance mettant en cause ses collaborateurs, mais aussi ses proches. Le plus grand scandale du moment est celui dit Pétrolegate, en lien avec les détournements au sein du Comité de suivi de fluctuation des prix des produits pétroliers (CSFPPP) sous le règne des Adjakly. Les révélations contenues dans ce dossier font état de centaines de milliards de FCFA détournés. L’ancienne ministre du Commerce et présidente du CSFPPP à une certaine époque a, elle, reçu indument plus de 500 millions de FCFA, le plus souvent en liquide. Elle se la coule douce, sans être inquiétée. Elle est Essossimna et membre du parti au pouvoir, Unir avant tout.
Plusieurs mois après ces révélations et malgré les conclusions du rapport d’audit qui, selon nos sources, accable les membres du CSFPPP, les personnes incriminées ne sont guère inquiétées. Au contraire, elles sont chouchoutées par la Justice togolaise qui déroule devant elles le tapis rouge. Cette justice s’illustre par la réquisition du procureur général contre le confrère L’Alternative que l’on cherche à condamner pour avoir révélé ce scandale. Cette impunité s’étend malheureusement à tous les crimes économiques commis au Togo. Aujourd’hui, on réalise que c’était par « erreur » que Faure Gnassingbé avait déclaré lui-même en avril 2012 qu’une minorité accapare les richesses du pays.
Et que dire des criminels de sang ? Le Togo est l’eldorado de tous ceux qui s’adonnent aux assassinats. Dans notre pays, les criminels de sang sont souvent bien identifiés, mais jamais, ils n’ont fait l’objet de poursuites. Dans les manifestations des élèves en 2013, Douti Sinalengue et Anselme Sinandare ont été abattus à Dapaong. Jamais, leurs crimes n’ont fait l’objet de poursuites et de procès. Dans les manifestations pacifiques, de nombreux militants de l’opposition ont perdu la vie. Jamais, ces victimes n’ont eu droit à la justice. Au contraire, leurs proches sont étiquetés et souvent menacés de représailles en cas d’actions devant la justice. Les plaintes d’organisations de défense des droits de l’homme sont simplement à l’étape primaire depuis plusieurs années. Les résultats des autopsies sont toujours frappés du sceau du secret défense. Durant le couvre-feu instauré en avril 2020 pour lutter contre la propagation du coronavirus, de nombreuses victimes civiles ont été enregistrées du fait de la barbarie de certains hommes en treillis. Ces criminels n’ont jamais été poursuivis et le silence du chef de l’Etat n’est autre qu’un encouragement à poursuivre dans la voie de la répression aveugle et injustifiée.
Ce qu’il faut comprendre de la duplicité de Faure Gnassingbé devant les actes répréhensibles, est qu’il faut que tout fait concoure à l’enracinement de la dictature et à la conservation de son pouvoir. Si le préfet avait commis un acte allant dans le sens du maintien de Faure Gnassingbé au pouvoir, il n’aurait jamais été inquiété. Malheureusement pour Yawo Alibo, son doigt n’a pas « fouillé », à la recherche d’éléments pour que règne à vie le fils de Gnassingbé Eyadema.
G.A.
Source : Liberté