Dans une communauté de nations, des critères rigoureux d’appartenance s’imposent, pour éviter que l’image de tous soit ternie par celles des brebis galeuses…
Terrorisme, changements anticonstitutionnels, conséquences de la pandémie de Covid-19 et de la crise russo-ukrainienne, autant de défis, que les populations africaines affrontent avec résilience, si l’on en croit les ministres de l’Union africaine, réunis pour préparer le sommet des chefs d’État, qui se tient, ce week-end, dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba.
Cette résilience n’est-elle pas, au fond, une source d’espérance ?
Il faut juste prendre garde à ne pas trop ancrer le destin de l’Afrique dans la seule capacité des peuples à encaisser les chocs, à s’y résigner, à s’adapter, en espérant éventuellement s’en relever. Une telle banalisation de la résilience des populations africaines serait malheureuse, si elle devait assigner ce continent aux caprices d’un sort maudit, alors que les autres peuples s’évertuent à tenir le monde sous leurs pas. Lorsque l’on évoque la question des changements climatiques et la situation humanitaire comme autant d’autres défis pressants pour l’Afrique, d’aucuns pourraient rétorquer qu’il en est ainsi depuis toujours, hélas !
L’on pourrait garder le silence, devant des discours aussi convenus, à la limite de la froideur, sur des fléaux qui tirent frénétiquement le continent vers le bas ; des maux et des urgences, que l’organisation panafricaine trouve à intervalles réguliers à son agenda, sans que jamais l’on annonce que l’Afrique en a fini avec ceux-ci ou est près d’en finir avec ceux-là. L’on aurait laissé passer ces indifférences, si ce sommet ne se situait à trois mois à peine du 60e anniversaire de la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) devenue, depuis, Union africaine. La résilience, ici, n’a rien réglé.
Mais, tout de même, l’organisation a beaucoup évolué en soixante ans ?
Peut-être se souviendra-t-on, aussi, qu’en mai 1963, l’OUA avait vu le jour dans le contexte du premier coup d’État sanglant perpétré sur le continent. À l’époque, le gouvernement issu de cet assassinat avait été exclu du sommet d’Addis-Abeba. Soixante ans plus tard, trois à cinq coups d’État font l’actualité de l’organisation, et rien ne laisse espérer une fin imminente de ces tragiques distractions, propres à plomber le continent.
Moins d’une décennie d’euphorie à l’indépendance, puis vingt à trente ans de dictatures, notamment militaires. Ensuite, l’on a cru qu’il suffisait de se débarrasser des dictatures pour éclore en démocratie. Erreur ! Les putschistes d’aujourd’hui tirent prétexte des fautes, souvent réelles, de politiciens mal préparés à la démocratie. Combien de candidats, battus, reconnaissent leur défaite et félicitent le vainqueur, sans chercher à mettre le pays à feu et à sang ? Combien de chefs d’État sortants admettent leur défaite et cèdent le pouvoir, sans vouloir tricher ? Le peuple du Cap-Vert, que nous aimons tant citer en exemple, ici, se remet au travail, dès le lendemain de chaque élection. Les vaincus, un peu tristes, mais nullement dévorés par l’envie de tout brûler. La démocratie ne s’improvise pas.
Elle est tout de même du ressort des nations, pas de l’Union africaine !
Observez donc les rappels à l’ordre de l’Europe aux États membres qui dévient des grands principes ! Pour espérer présenter au monde un profil respectable de l’Afrique, l’Union africaine a le devoir d’harmoniser, à l’échelle continentale, le bon usage démocratique. Sans quoi, le pire ne finira jamais d’altérer le meilleur. Et les populations continueront de renvoyer dos à dos les putschistes et tous les démocrates qui succombent à la tentation totalitaire ou à la corruption.
Dans une communauté de nations, des critères rigoureux d’appartenance s’imposent, pour éviter que l’image de tous soit ternie par celles des brebis galeuses, dont se servent comme alibi les putschistes et autres aventuriers, pour confisquer le pouvoir et enfoncer un peu plus les peuples et les nations.
Chronique de Jean-Baptiste Placca