Après plusieurs mois de fermeture, la morgue du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Sylvanus Olympio a repris du service au début du mois d’août. Une réouverture qui met fin aux tracasseries subies par les familles éplorées. Mais pas suffisant pour mettre un terme au débat sur la pertinence du choix des autorités de rénover la morgue plutôt que l’hôpital, le centre de santé de référence du pays en mauvais état depuis quelques années.
Annoncés pour trois mois, les travaux de rénovation de la morgue du CHU ont pris plus de temps que prévu. En effet, les travaux de réhabilitation de la morgue démarrés en juillet 2018 pour une durée de trois (3) mois, qui s’inscrivait dans le cadre d’équipement des structures sanitaires envisagés dans le projet de contractualisation des hôpitaux publics du Togo, se sont finalement étalés sur un an. « Pour la célérité des travaux, la morgue dudit CHU sera fermée pour trois mois », avait pourtant annoncé le Ministre de la santé, le Prof Moustapha Mijiyawa dans un communiqué. On était en juillet 2018. Pour ce faire, les populations ont été conviées à se référer aux morgues disponibles, notamment celles du CHR Lomé-Commune, CHR Tsévié, CHR Atakpamé, CHP Aného et autres pour d’éventuelles demandes de conservation de corps.
Cette situation n’a pas manqué de causer du tort à plusieurs familles endeuillées dont certaines ont dû se rabattre sur les morgues clandestines qui se sont alors créées de fait à Lomé. Mais après un an, la morgue de Lomé a rouvert ses portes avec un nouveau visage le 1er août dernier. Ce qui a eu le mérite de remettre sur le tapis, le débat qui s’est installé depuis l’annonce des travaux de rénovation de la morgue alors que le CHU végète dans l’insalubrité depuis plus d’une décennie.
C’est justement dans ce sens que la question se pose de savoir pourquoi les autorités ont choisi la morgue plutôt que l’hopital. Cette interrogation continue d’animer les débats. Et il se pourrait que les autorités aient fait un choix économique plutôt que social.
Une réhabilitation pour faire plus de recette…
Les sources officielles informent que la rénovation de la morgue aurait couté à l’Etat environ 524 555 000 FCFA. Le nouveau complexe dispose désormais de 304 places ou civières contre 194 auparavant, d’une zone de pré nettoyage des corps accidentés, d’une zone de conservation des corps de moins de 3 mois (d’une capacité de 272 civières) et d’une autre pour la conservation des corps de plus de 3 mois (d’une capacité de 32 civières). On note également l’aménagement des voies d’accès (entrées-sorties) et d’une salle d’autopsie totalement équipée pour les besoins de la médecine légale.
Et bien évidement, les tarifs ont été subtilement revus à la hausse. « Lorsqu’on a un corps et qu’on le garde moins longtemps, on paie moins cher. Pour une période allant du 1er jour au 8e jour, on paie un forfait de 14.000 F CFA pour la conservation. À partir du 8e jour, c’est par jour, et c’est 6 000 F CFA. Ainsi de suite», a déclaré le Lieutenant-Colonel Wiyao Adom. A ces tarifs, il faut additionner le prix de la formolisation avec les produits de conservations achetés sur place.
Avant, la formolisation coutait 3.500 F CFA le litre, à raison de trois à quatre litres de formol par corps… le tout pour un total de 38.500 F CFA environ pour les cinq premiers jours. A partir du 6ème jour, les frais de dépôts passent à 4.000 F CFA par jour et à partir du 11ème jour, à 6.000 F CFA par jour.
Pour faire court, les familles qui vont prendre la décision de garder un corps plusieurs jours jours à la morgue, risquent de se retrouver avec une facture salée.
En outre, à la morgue du CHU, chacun fait son business. De la vente de produits d’entretien et vestimentaires jusqu’au cercueil, le marché s’anime. Quoique certaines pratiques ne sont plus tolérées, « il y a toujours du business à la morgue », a indiqué une source du CHU.
En sommes, entre un hôpital qui ne rentabilise pas et qui de surcroit oblige l’Etat à puiser dans ses caisses pour investir dans les matériels de pointes pour répondre non seulement aux normes internationales mais aussi à la demande des populations, et une morgue qui alimente le trésor public, le choix est vite fait.
Source : Fraternité No.324 du 07 août 2019