« L’engagement dans la gouvernance est une forme pastorale et les chrétiens doivent être des missionnaires de la bonne gouvernance » Roger Ekoué Folikoué/Charles Ayetan
L’Église (a célébré) le mois de la mission qui (s’est achevé) dimanche 22 octobre sous le thème « Soyons des baptisés aux cœurs brûlants et aux pieds en marche pour la mission ». Un événement qui interpelle tous les chrétiens, en l’occurrence les laïcs qui sont « missionnaires dans la cité ». Quels sont les défis de la mission des laïcs en politique ?
Dans l’histoire politique récente du Togo, des autorités religieuses et des fidèles chrétiens laïcs ont réagi et manifesté publiquement pour dénoncer la mauvaise gouvernance et le retour à l’ordre constitutionnel. C’est l’exemple d’une marche pacifique du clergé et des laïcs dans les rues de Lomé pour demander le report de l’élection présidentielle d’avril 2005.
Mais aujourd’hui, le laïcat catholique togolais souffre de l’absence d’un modèle d’engagement social et politique. Dans ce contexte, plusieurs concitoyens s’interrogent sur le recul, voire la perte de l’influence que l’Église avait sur l’opinion publique nationale. Cette situation préoccupe particulièrement les fidèles chrétiens. « La voix des fidèles laïcs est très inaudible en termes d’impact et nous travaillons à relever ce défi qui est à la fois individuel et collectif pour tous les laïcs », a déclaré Ambroise Abalo, président du Mouvement des cadres catholiques du Togo (1).
Pour certains, ce problème est dû à l’absence d’une coordination nationale depuis une dizaine d’années avec des conséquences négatives sur le degré d’engagement des laïcs dans la gestion des affaires de la cité. C’est le point de vue de Jude (2) qui explique que « l’absence d’un bureau national du laïcat est l’un des principaux défis à relever pour renforcer l’engagement des fidèles en politique ».
S’engager véritablement en politique
Cet avis est partagé par plusieurs Togolais, catholiques ou non, qui accusent souvent l’Église d’un silence complice face aux crises sociales et politiques liées à la gouvernance du pays. « Auparavant, c’est le Conseil national du laïcat au Togo qui coordonnait les actions des fidèles au plan national et organisait la Journée nationale du laïcat chaque année en février », se souvient Marie-Louise, une fidèle à Sokodé, à 340 km au nord de la capitale togolaise.
Interrogé par La Croix Africa sur ce sujet, l’évêque chargé des fidèles laïcs au sein de la Conférence des évêques du Togo, Mgr Isaac Jogues Gaglo Gaglo, évêque d’Aného, rappelle que l’engagement dans le temporel est lié à la vocation du fidèle en citant un document du concile Vatican II intitulé Lumen Gentium et l’encyclique Christifideles laici du pape Jean-Paul II. Puis, il interpelle en ces termes : « C’est fondamental, les laïcs doivent s’engager avec discernement et détermination dans les affaires de la cité ».
Missionnaires de la bonne gouvernance
Mais il y a déjà de nombreux chrétiens dont des catholiques dans la gouvernance au Togo, rétorquent certains. En effet, « il y a beaucoup de catholiques en politique mais le problème est que cette présence est inefficace ou réduite inconsciemment à des activités dites de Dieu », constate Roger Ekoué Folikoué, philosophe et universitaire togolais. « L’engagement politique véritable, souligne-t-il, fait recours à des valeurs chrétiennes telles que la justice, la vérité, la solidarité, le partage des biens, l’honnêteté, la responsabilité, l’exercice du pouvoir comme service et non domination ».
Par ailleurs, pour que les chrétiens laïcs s’engagent efficacement dans la cité, il faut d’abord qu’ils soient formés et occupent des responsabilités dans l’Église. « Il ne s’agit pas de nommer un prêtre comme aumônier de la pastorale de gouvernance mais de faire des laïcs des aumôniers de ce secteur », propose ce catholique actif en politique. Car, dit-il, « l’engagement dans la gouvernance est une forme pastorale et les chrétiens doivent être des missionnaires de la bonne gouvernance ».
Source : africa.la-croix.com
(1) « La voix des fidèles laïcs est très inaudible et nous travaillons à relever ce défi » (https://africa.la-croix.com/la-voix-des-fideles-laics-est-tres-inaudible-et-nous-travaillons-a-relever-ce-defi)
(2) Certains noms dans cet article sont modifiés pour raison d’anonymat.