«Mgr Philipe Fanoko Kpodzro: Exilé politique jusqu’à ce que mort s’ensuive? Est-ce le plan de Faure Gnassingbé?
Ni son âge avancé, 93 ans presque, ni ses services rendus à la nation, ni surtout son statut de prélat ne les ont aucunement dissuadés de lui réserver un tel traitement. Mgr Kpodzro, en choisissant le camp de l’opposition, donc du peuple, pour dénoncer la dictature, la malgouvernance, les massifs détournements de fonds publics, les nombreuses violations des droits de l’homme, et demander un peu plus de liberté et de démocratie pour son peuple, était devenu persona non grata sur sa terre natale, comme beaucoup d’autres citoyens togolais, civils comme militaires, comdamnés à une mort précoce, à la prison ou à un exil forcé pour leurs opinions politiques…»
Voilà ce que nous publiions le 31 octobre 2022 dans le quotidien «Liberté» sur le départ forcé de Monseigneur Kpodzro de son pays pour des raisons politiques, et sur le grand risque qu´il courait, vu son âge avancé, de finir ses jours loin de la terre qui l´a vu naître; et ce à cause de la persécution de Faure Gnassingbé et son régime. Un peu plus d´un an après cette analyse de notre part, la triste prémonition est devenue réalité, hélas! Nous apprenons effectivement que le prélat qu´on ne présente plus a rendu l´âme mardi 9 janvier 2024 dans son exil suédois. Que son âme repose en paix et que la terre lui soit légère. Il avait 93 ans.
S´il était au Togo, s´il n´avait pas pas connu la persécution à cause de ses idées politiques qui ne plurent pas au régime qui prétend diriger le Togo, et qui a juré sa perte, nous aurait-il quittés à 93 ans, ou aurait-il vécu un plus longtemps? Personne ne peut répondre avec exactitude à cette question. Mais c´est une certitude que feu Monseigneur Philipe Fanoko Kpodzro n´avait pas vécu dans les conditions normales et séreines ces dernières années avant sa mort, comme il l´aurait fait s´il avait continué à vivre au Togo en toute liberté. Nous pouvons donc conclure sans risque de nous tromper que les conditions difficiles de l´exilé politique qu´il fut, surtout pour un personnage de son envergure et d´un tel âge, habitué à être entouré et respecté, auraient beaucoup joué sur le moral et surtout sur la santé physique de l´homme de Dieu. Et ceux qui l´avaient contraint à l´exil, savaient très bien ce qu´ils faisaient. Le pouvoir, rien que le pouvoir pour eux seuls, n´est-il pas devenu leur slogan tacite qui explique toute cette haine, cette négation des autres Togolais qui pensent autrement, et toutes ces violations des droits humains faites de persécutions, d´emprisonnements et d´assassinats politiques? Qu´on ne vienne pas alors aujourd´hui nous dire que le défunt prélat s´était exilé de son propre gré, qu´il n´était persécuté par personne, et que s´il avait voulu, il aurait pu revenir vivre librement au Togo. Les tenants du régime Gnassingbé, par leur soif du pouvoir absolu, ayant décidé d´exclure les autres citoyens togolais de la gestion du pays, organisent, ni plus ni moins, une chasse à l´homme à l´encontre de tous ceux qui, à leurs yeux constitueraient une menace pour leur pouvoir usurpé qu´ils veulent à vie.
Et c´est dans ce schéma macabre que nous pouvons classer le cas de Monseigneur Kpodzro qui, bien conscient du danger qu´il courait, avait pris sur lui de dénoncer les dérives du pouvoir dictatorial des Gnassingbé et de chercher sa fin. Et pour atteindre son objectif, qui est également celui des populations togolaises dans leur majorité, le prélat n´avait appelé personne à prendre les armes, mais il n´avait fait que suivre ce que dit la constitution togolaise, comme d´ailleurs toutes les constitutions de tous les pays qui se respectent et respectent leurs populations; à savoir, le pouvoir au sommet de l´état s´acquiert à travers des élections libres et démocratiques. C´est pourquoi, en sa qualité de citoyen togolais, jouissant de tous ses droits civiques, il avait décidé en toute liberté de soutenir un candidat contre celui du pouvoir aux élections présidentielles de février 2020. Agbéyomé Kodjo fut donc le candidat adoubé par le mouvement politique composé de partis politiques et d´associations de la société civile togolaise qui porte son nom, la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK). Et c´est connu que le régime Gnassingbé, depuis Éyadéma le père, jusqu´à Faure le fils, n´a jamais gagné aucune élection, étant minoritaire et impopulaire dans le pays à cause de sa gestion catastrophique sur tous les plans. Et ce n´était pas en février 2020 que les Togolais vont se mettre à voter massivement pour un régime qui est la source de leur malheur depuis plus d´un demi-siècle. C´est pourquoi ce qui devait arriver arriva, avec la victoire écrasante du candidat de Monseigneur Kpodzro, Agbéyomé Kodjo. Un crime de lèse-majesté dans un pays comme le Togo où la force brute et l´impunité ont depuis remplacé les lois de la république.
Et en bon régime de dictature qui se respecte, impopulaire, minoritaire et haï par son peuple, et qui reste fidèle à ses méthodes antidémocratiques d´un autre âge, il ne restait plus à Faure Gnassingbé et à son entourage que la formule de la carotte ou du bâton pour espérer sauver les meubles et donner l´impression d´être réelu. Mais connaissant très bien les méthodes pas très catholiques de la maison, pour y avoir travaillé avant de prendre ses distances, et connaissant encore mieux Faure Gnassingbé pour sa soif maladive du pouvoir et son mépris du peuple togolais, soutenu par Monseigneur Kpodzro, Agbéyomé Kodjo refusa naturellement la carotte. En effet, selon les propres termes du candidat de la DMK, Faure Gnassingbé lui envoya un ministre bien connu de la république pour lui faire des propositions alléchantes afin de trahir les électeurs togolais qui ont donné leur confiance, en laissant tomber toutes ses revendications relatives à sa victoire aux élections de février 2020. Son refus de trahir fut la goutte d´eau qui fit déborder le vase chez les tenants de l´ancien ordre, et il était alors temps de sortir le bâton pour faire voir de toutes les couleurs à ce «récalcitrant» et à son vieux prélat qui n´ont pas encore compris qu´on ne lorgne pas impunément le pouvoir des Gnassingbé. Commença alors la chasse à l´homme contre Agbéyomé Kodjo et son mentor Monseigneur Kpodzro qui avait commencé à alerter les représentations diplomatiques à Lomé sur le drame togolais sur lequel tout le monde ferme hypocritement les yeux. Ce qui ne plut pas naturellement aux tenants de la dictature Gnassingbé.
Voilà les évènements qui menèrent aux déboires de l´homme de dieu, aujourd´hui disparu, avec le régime togolais, qui plus tard furent la cause de sa galère en tant que réfugié politique, et peut-être de sa mort. Monseigneur Philipe Fanoko Kpodzro mort, est-on entrain aujourd´hui de jubiler du côté du RPT-UNIR, ou sont-ils encore capables d´une prise de conscience pour savoir que les choses ne peuvent plus continuer comme ça, et qu´il est temps de cesser cette politique de la négation des autres Togolais? Agbéyomé Kodjo, Salifou Tikpi Atchadam, Olivier Amah, François Boko, et tous les autres réfugiés politiques, civils comme militaires, doivent retrouver la terre de leurs aïeux en toute liberté. Tous les prisonniers politiques, avec à leur tête Kpatcha Gnassingbé, le propre frère de Faure Gnassingbé, doivent recouvrer la liberté. Le régime togolais, aussi bien pour le retour en toute sécurité des réfugiés politiques, que pour la libération sans conditions de tous les prisonniers politiques, dont le malade Jean-Paul Omolou, doit montrer sa bonne volonté pour une vraie réconciliation entre Togolais. Et surtout une prise de conscience et le rejet de la haine de l´autre, au sein des leaders de ce qui reste de l´opposition togolaise, devrait être à l´ordre du jour; car Monseigneur Philipe Fanoko Kpodzro ne doit pas s´être sacrifié pour rien.
Samari Tchadjobo
Allemagne