«Qu´il la promulgue ou pas, cette modification, nous ne l´accepterons ni aujourd´hui, ni demain. Même si nous ne sommes que 5 députés, nous organiserons la résistance. Nous n´accepterons pas que notre pays coule ainsi parce que quelqu´un veut demeurer président à vie au Togo. Nous n´accepterons jamais quoi qu´il arrive demain.» (Me Paul Dodji Apévon).
Ça y est, nous voilà, ou nous revoilà, avec la même situation, avec le même recommencement perpétuel, avec les mêmes contradictions togolaises, côté opposition. Nous voilà comme à la veille des fameuses élections législatives et régionales, où nous avons, avec d autres, à plusieurs reprises averti du caractère contre-productif d´aller à des élections avec le régime de dictature d´en face. Aujourd´hui, après des élections scandaleuses et après que des résultats pré-fabriqués, humiliants pour l´opposition et le peuple togolais, soient publiés, et que tout le monde est en colère et reconnaît enfin que les élections sont très loin d´être une solution au drame togolais, un nouveau débat au pays et dans la diaspora bat son plein: les 5 députés de l´opposition, tolérés par Faure Gnassingbé et son entourage, doivent-ils aller sièger dans une assemblée nationale de la honte contre 108 du pouvoir de dictature? Quelle est la meilleure attitude à adopter face à une telle humiliation et surtout face à une telle provocation de la part du régime Gnassingbé? Comme pour la participation ou non aux élections, les arguments des partisans d´une participation soutenaient le fait qu´on ne devrait pas laisser le terrain politique à l´adversaire comme si on était dans un pays normal où on pourrait vraiment parler de débat démocratique. Après le caractère sauvage des fraudes qui ont émaillé ces dernières élections, tout le monde est aujourd´hui d´accord qu´au Togo nous n´avons pas affaire à des adversaires politiques, mais plutôt à des ennemis du peuple qui, pour le pouvoir, sont prêts à cracher sur leur dignité, s´ils en ont encore une. Au vu de cette malheureuse expérience, nous croyions et espérions que les partisans d´une participation aux élections dans une dictature, comme celle que nous vivons au Togo, avaient enfin appris et compris la leçon.
Il est aujourd´hui question des cinq (5) deputés « élus» par la volonté du pouvoir. Vont-ils accepter aller sièger dans un parlement presque totalement aux couleurs du RPT-UNIR pour faire de la figuration, ou vont-ils refuser d´y aller, pour protester contre la manière dont les élections se sont déroulées, contre les résultats attribués à l´opposition qui constituent une grande humilation, contre surtout le changement unilatéral de la constitution togolaise qui fait passer notre pays d´un régime sémi-présidentiel à un régime parlementaire? C´est ce que le bon sens, dans un pays malmené depuis plus d´un demi-siècle par une dictature familiale, devrait susciter de la part d´une opposition qui n´a connu jusqu´à aujourd´hui qu´humiliations et persécutions. Si nous étions dans un autre pays où les dirigeants ne s´accrochaient pas vaille que vaille à leur pouvoir sans égard pour l´intérêt des populations, l´opposition devrait demander l´annulation pure et simple du scrutin qui n´en était pas un, mais de véritables mascarades organisées à l´aide de méthodes de voyous. Mais à écouter les uns et les autre argumenter, à entendre le seul élu de la formation FDR, Monsieur Dodji Apévon, sur les ondes et sur les réseaux sociaux, qui promet de ne rien lâcher en allant organiser la résistance, même s´ils ne sont que 5, nous avons commencé à nous faire des soucis quant au comportement d´une opposition qui, chaque fois qu´elle se trouve à la croisée des chemins, n´a jamais su s´entendre pour faire le bon choix. Certes, pour le moment, c´est Monsieur Apévon seul qui s´est clairement exprimé sur sa volonté d´aller sièger. Qu´en est-il des autres? Qu´en est-il de Monsieur Jean-Pierre Fabre, également le seul élu de sa formation ANC, dont il est le premier responsable? Qu´en est-il du Professeur Aimé Gogué de l´ADDI, désormais chef de file de l´opposition avec deux députés? De Madame Brigitte Johnson Adjamago, l´unique élue de la DMP? Au cours de sa conférence de presse, organisée tout juste au lendemain de la proclamation des résultats, elle avait déclaré y réfléchir encore. S´est-elle déjà définitivement décidée? «Même si nous ne sommes que 5 députés, nous organiserons la résistance.» Dans sa déclaration, Me Apévon parlait des 5 députés de l´opposition qui organiseraient la résistance. Se sont-ils déjà concertés, les 4 partis politiques, ADDI, ANC, DMP et FDR avec leurs 5 députés pour aller sièger?
Les quelques responsables politiques proches des états-majors des partis concernés par le nouveau parlement, avec lesquels nous avons parlé au pays, nous ont dit être encore au stade des concertations. Mais au vu des argumentations des uns et des autres pendant nos discussions, ajoutées à notre intuition personnelle, il serait fort probable que les 5 «élus» de l´opposition aient l´intention de sièger au parlement taillé sur mesure pour le pouvoir, à l´aide de fraudes massives. Ce qui serait une énorme catastrophe pour l´opposition elle-même d´abord, et pour le peuple togolais ensuite. Mais nous ne désespérons pas qu´au dernier moment une bonne décision, qui consisterait à boycotter cette assemblée nationale qui ne représente pas les Togolais, sera prise. Autrement, si les 5 siègeaient vraiment, l´opposition togolaise, du moins, celle qui est concernée par les législatives et leurs résultats, aura touché le sommet de la contradiction dans son éternelle lutte contre le régime de dictature, et personne n´y comprendrait plus rien. Au lendemain des fameuses élections, avant et surtout après la proclamatioin des soi-disant résultats par la CENI caporalisée, c´était la grande colère chez tous les leaders des formations politiques ayant pris part au scrutin; tant les fraudes, en direct sur les réseaux sociaux, organisées par le parti au pouvoir, et les «résultats» attribués aux candidats de l´opposition étaient tellement révoltants et humiliants. Rappelons que c´était en pleine campagne électorale que le parlement, dont le mandat avait officiellement pris fin il y a plusieurs mois, avait procédé au changement de la constitution, faisant passer le Togo de la 4e à la 5e république, sans consulter le peuple. Le pouvoir de fait autour de Faure Gnassingbé s´était donc arrangé pour que les opposants, qui s´étaient décidés pour les élections, aient plusieurs fers au feu, pour qu´ils ne puissent rien faire correctement. Il y avait la contestation contre la nouvelle constitution en préparation et il y avait également la campagne pour les législatives et les régionales. Rappelons, qu´entre-temps, la fameuse nouvelle constitution qui fait désormais de Faure Gnassingbé le monarque du Togo, est promulguée par ce dernier, malgré les nombreux appels à la sagesse, de l´intérieur comme de l´extérieur du Togo.
Donc si l´opposition, avec ses 5 députés, décident contre le bon sens, d´aller sièger dans ce parlement que nous qualifions de la honte, elle aura: 1/ reconnu la validité les élections calamiteuses dont elle a elle-même dénoncé les fraudes massives. 2/ elle aura reconnu le score que le parti au pouvoir s´est attribué, (108 députés), acceptant par là que le RPT-UNIR, un régime contesté et vomi par les Togolais depuis des décennies, est populaire et capable d´avoir une telle majorité. 3/ elle aura reconnu les résultats, pré-fabriqués, (5 députés) à elle attribués. 4/elle aura surtout reconnu la nouvelle constitution, changée unilatéralement et taillée sur mesure pour Faure Gnassingbé, pour qu´il ne quitte jamais le pouvoir. Alors, pour quoi cette opposition, si elle y va vraiment, s´est battue depuis des décennies, pour, du jour au lendemain, se renier, renier la raison qui donne le sens à l´existence d´une opposition dans un pay comme le Togo? Les fraudes que les leaders dénonçaient avec colère, il y a quelques jours, n´ont-elles donc jamais existé? Faire du tapage au lendemain des élections, sur les réseaux sociaux, sur les chaînes de radio nationales, comme internationales, parce que révolté par la tenue scandaleuse du scrutin et par les résultats fantaisistes préparés pour l´opposition, et peu de temps après, la queue entre les pattes, décider d´aller rigoler, dans un parlement totalement acquis à Faure Gnassingbé, avec des gens qui ne sont que des ennemis du peuple togolais par leur comportement. Nous sommes sûrs que la majorité des Togolais, aussi bien au pays que dans la diaspora, ne le comprendrait et ne le tolérerait pas. Une telle attitude couperait l´herbe sous les pieds des Togolais qui continuent à dénoncer, à résister, à demander la tenue des assises nationales et une transition, comme Nathaniel Olympio et beaucoup d´autres dans la diaspora. Un tel comportement contribuerait, comme nous l´avons averti pour la participation aux élections, à aider le pouvoir de Faure Gnassingbé à continuer à brandir cette démocratie trompe-l´oeil à la Togolaise, à l´extérieur. Quels arguments l´opposition extra-parlementaire a-t-elle encore pour continuer la lutte, quand le régime togolais peut dire que l´opposition est au parlement et qu´il n´y a aucun problème?
Nous comprenons que le pouvoir en place dispose insolemment des moyens colossaux de l´état et que l´opposition, financièrement parlant, tire le diable par la queue. Nous comprenons donc que des gens veuillent récupérer pour renflouer les caisses de leurs formations politiques. Mais cela devrait-il se passer à n´importe quel prix? Même s´il faut pour cela aller révigorer l´image un régime aux abois, en enterrant pour longtemps le rêve d´un changement au sommet de l´état? Monsieur Apévon nous dit qu´ils iraient organiser la résistance, même s´ils ne sont que 5. Nous voyons très mal par quelle magie 5 députés pourraient résister face à 108 individus arrivés là non pas parce qu´ils sont élus, mais désignés pour leur méchanceté au peuple, pour leur cupidité et surtout pour leur volonté de faire en sorte que quelqu´un ne quitte jamais le pouvoir. Et ce qui serait encore plus grave, en allant siéger, on prouve par là qu´on est incapable de s´entendre pour organiser le peuple à la résistance. Les populations togolaises, fatiguées du régime Gnassingbé et très en colère dans toutes les régions de notre pays, n´attendent qu´une petite étincelle pour en découdre avec l´oppresseur, comme on l´a vu avec les derniers évènements dans la Kozah qui avaient failli dégénérer. Et c´est à ce moment précis qu´une certaine opposition décide de démissionner en allant rendre fréquentable le régime de dictature qu´elle est censée combattre. Les partis politiques de l´opposition qui iraient sièger au parlement fantoche de Faure Gnassingbé, seraient-ils alors prêts à participer à toutes les élections futures dans les mêmes conditions que le scrutin calamiteux du 29 avril 2024, puisqu´ils refuseraient, en siègeant, de continuer le combat pour réclamer des assises, donc des réformes qui refondraient la république? Pour l´amour pour notre pays, nous espérons à la fin nous être trompés, et que les 4 partis politiques, ADDI, ANC, DMP et FDR, avec leurs 5 députés, prendront la sage décision que tout le monde attend, pour que la flamme de la résistance et de la lutte reste allumée.
Samari Tchadjobo
Allemagne