Onze jours après la commémoration du 60ème anniversaire de l’assassinat de Sylvanus Olympio, le pouvoir célèbre le 49ème anniversaire de l’attentat de Sarakawa. Deux célébrations qui marquent la profonde division d’un pays présenté comme réconcilié.
Le 13 janvier 2023, a été commémoré le 60ème anniversaire de l’assassinat du père de l’indépendance du Togo, feu Sylvanus Epiphanio Kwami Olympio. Dans le cadre de cette célébration, une messe a été dite à la Cathédrale Sacré-Cœur de Lomé par Monseigneur Nicodème Barrigah-Bénissan, Archevêque de Lomé. Dans son homélie, le leader religieux a rappelé que Sylvanus Olympio était un panafricaniste visionnaire dont le nom figure, en bonne place, sur la liste des hommes politiques intrépides qui ont su défendre notre continent. « Les problèmes actuels d’insécurité que nous peinons à combattre de manière efficace, de pauvreté endémique de notre continent, de corruptions tentaculaires qui alimentent les conflits sur nos terres ou encore de dignité bafouée contre laquelle se dressent nos populations confirment bien sa vision d’une Afrique unie et forte, enracinée dans les valeurs qui font les grands peuples ; une Afrique fière de marcher vers son avenir », a souligné l’Archevêque.
De nombreux responsables politiques, principalement ceux de l’Union des Forces de changement (UFC) et de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) ainsi que du Mouvement du Peuple pour la Liberté (MPL) ont pris part à cette action d’hommage. La diaspora togolaise y était également représentée. Le lendemain, une autre messe a été dite en hommage à l’illustre disparu, à l’initiative des partis et associations membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) et leurs alliés. Certaines organisations de la société civile togolaise ont marqué l’événement par des rencontres de réflexions. Bien évidemment, c’était le silence du côté de ceux qui semblent porter l’héritage de cette disparition.
Une fois encore depuis le fameux accord RPT-UFC, le régime s’est pour sa part abstenu de toute manifestation en ce jour qui était jadis fêté comme journée de la libération nationale par feu Gnassingbé Eyadéma. Une dizaine de jours après la commémoration de l’assassinat de Sylvanus Olympio, celui qui est présenté, selon diverses sources, comme son assassin sera lui aussi célébré. Ce 24 janvier 2023, Faure Gnassingbé est annoncé à Kara, sa ville d’origine, dans le cadre de la célébration du 49ème anniversaire de l’attentat de Sarakawa. « Le 24 janvier 1974, le DC3 dans lequel se trouve le président Gnassingbé Eyadema s’écrase à Sarakawa. Un sabotage imputé aux milieux financiers étrangers hostiles au projet de nationalisation de la société des mines de phosphates. La réaction est immédiate. Le 2 février 1974, Gnassingbé Eyadema, sorti miraculeusement indemne du crash, annonce la nationalisation de la Compagnie togolaise des mines du Bénin. Le Togo, dès lors, va plus que jamais s’affirmer soucieux de son indépendance économique et, plus généralement, de son authenticité. Au nom de ce retour aux sources, les noms de certaines villes sont africanisées et de nombreux togolais renoncent à leurs prénoms étrangers – Français principalement – au profit de prénoms typiquement africains. Ainsi, le président lui-même abandonne Etienne au profit d’Eyadema. L’année 1974 est qualifiée de ‘trois glorieuses’ dans l’histoire du Togo », raconte republicoftogo dans un article consacré au sujet.
Selon les informations, cheffe et membres du gouvernement ainsi que responsables des institutions de la République et des forces armées togolaises (FAT) sont attendus. Députés de la région de la Kara, maires et adjoints aux maires, préfets et chefs traditionnels sont invités, entre autres. Le dépôt de gerbe se fera sur place, mais aussi dans les différentes villes du pays. Une célébration aux allures de fête nationale. Il ne manquait que la déclaration de la journée comme fériée, chômée et payée pour donner un caractère national à cette commémoration. Celle de Sylvanus Olympio n’a pas suscité autant de mobilisations de la part des officiels.
Dans tous les cas, il s’agit de deux célébrations en l’espace de deux semaines avec deux « héros » différents par deux différentes parties des composantes de la société togolaise. Si l’un est indéniablement un héros, l’autre pose toujours une équation irrésolue. Au moins dans le sens d’une contribution positive à la vie de la nation togolaise. Bref, à chaque bord politique ou à chaque togolais sa fête. Et au-delà de tout ce que ces célébrations peuvent susciter en termes de réactions, elles renseignent sur l’échec du processus de réconciliation mis en œuvre par le pouvoir en place.
De la création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) à la mise en place du Haut-Commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN) en passant par la publication du livret blanc, le processus de réconciliation a été un véritable fiasco. Les Togolais sont de plus en plus divisés. Sylvanus Olympio et Gnassingbé Eyadéma ont été tous deux dirigeants de ce pays, avec des bilans et fortunes divers. Dans un pays réconcilié, l’évocation de leurs noms ne devrait pas susciter des réactions de tension. Mais ce qui se passe au Togo montre que nous sommes encore loin de cet idéal qu’est la réconciliation. Et les actes que pose l’exécutif ne participent pas à l’apaisement.
G.A.
Source : Liberté