« La question du troisième mandat nous révèle la part la plus obscure des êtres qui nous gouvernent » (Tierno Monénembo)
Le Sénégal est sous tension à un an de l’élection présidentielle. Entre le procès annoncé d’Ousmane Sonko, l’une des figures de proue de l’opposition et l’ambition nourrie pour un 3ème mandat de Macky Sall, la situation dans ce pays ressemble à la nitroglycérine dont l’explosion risque de faire d’énormes dégâts.
Le 17 janvier 2023, la justice sénégalaise a signé une ordonnance d’Ousmane Sonko devant un tribunal criminel pour viols et menaces de mort. Le leader du parti PASTEF est accusé par une jeune Sénégalaise, Adji Sarr, employée d’un salon de beauté où Ousmane Sonko se rendait régulièrement, de l’avoir violée à plusieurs reprises.
Cela fait deux ans que cette affaire défraie la chronique dans le pays. L’arrestation de l’opposant avait déclenché en mars 2021 plusieurs jours d’émeutes meurtrières, de pillages et de destructions qui avaient fait une douzaine de morts. Ousmane Sonko dénonce une machination ourdie par Macky Sall pour l’écarter du prochain scrutin présidentiel pour lequel il a déjà fait acte de candidature.
Ousmane Sonko a d’ailleurs assuré que son renvoi devant un tribunal ne l’empêcherait pas d’être candidat à la présidentielle de 2024. Il dénonce une «vraie fausse affaire judiciaire, une affaire strictement politique, instrumentalisée par le pouvoir de Macky Sall dans le dessein exclusif d’écarter un candidat qui, de loin, semble être un des mieux placés pour remporter la prochaine élection présidentielle».
Le Sénégal est un pays de longue tradition démocratique. Mais avec l’avènement de Macky Sall, le pays est sur une pente glissante. Démocratiquement parlant. Des leaders de l’opposition ont toujours eu maille à partir avec Macky Sall. Le président est régulièrement accusé d’instrumentaliser la justice pour régler des comptes à des adversaires politiques. Avant Ousmane Sonko, il y eut les cas de Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, et de Kalifa Sall, ancien maire de Dakar, opportunément envoyé en prison par une inspection d’Etat commanditée par la présidence de la République.
« L’élimination d’opposants politiques de la course aux élections présidentielles est une constante de la scène politique ouest-africaine. Les moyens sont hélas bien connus : accusation de détournement de deniers publics ou de fraude fiscale, remise en cause de la nationalité du candidat, exils, bannissements, emprisonnements, mandats d’arrêt internationaux, instrumentalisation de la justice et du parlement. La panoplie est vaste et l’imagination de nos gouvernants en ce domaine est fertile », décrit l’universitaire et écrivain sénégalais Felwine Sarr.
Par ailleurs, arrivé au pouvoir en 2012, Macky Sall est fortement soupçonné de vouloir se représenter pour un troisième mandat pour la présidentielle de 2024 que la Constitution lui interdit pourtant. Il alimente lui-même ces suspicions en adoptant une position ambigüe sur le sujet.
Mi-décembre 2022, à l’occasion du sommet États-Unis – Afrique, le président Sénégalais avait accordé un entretien au New York Times au cours duquel la question lui a été de nouveau posée. Il est resté énigmatique et sur la défensive. « Que je sois candidat ou non, c’est ma décision.Quand je me déciderai, je le ferai savoir au peuple sénégalais », avait-il déclaré.
En octobre 2022, des militants des organisations de la société civile sont montés au créneau pour appeler le Président à ne pas briguer un 3ème mandat, afin d’éviter au Sénégal un scénario du chaos dont les conséquences pourraient être dramatiques.
« Respecte ta parle d’honneur, respecte ton serment et quitte le pouvoir par la grande porte pour bien servir le Sénégal et surtout le Continent africain qui a soif d’un grand récit », lui conseille pour sa part Alioune Tine, président du Tink-tank Afrikajom Center. Macky Sall entendra-t-il raison ?
Médard AMETEPE
Source : Liberté