Dans notre parution N°3767 du 23 décembre 2022, nous avons rappelé que l’année 2022 se terminait sans que les personnes assujetties à la déclaration des biens et avoirs n’aient sacrifié à l’obligation. Dans l’article consacré au sujet, nous avons relevé les différentes et longues étapes imposées à cette disposition constitutionnelle rejetée par ceux qui sont à la tête du pays. Le dilatoire se poursuit. Si on en arrive à initier une campagne à l’endroit des autorités, c’est dire la frilosité qui doit régner dans leurs têtes.
Il y a du nouveau en ce qui concerne la déclaration des biens. Non pas dans le sens que vous l’imaginez, mais dans un autre, plus bizarre. Et pour cause, le sujet relatif à la déclaration des biens et avoirs a été abordé ce mercredi 11 janvier 2023 lors du conseil des ministres présidé par Faure Gnassingbé. « Je préside, ce jour, la première réunion du conseil des ministres pour l’année 2023. Nous examinerons un avant-projet de loi, relatif au développement de l’écosystème d’innovation au Togo, ainsi qu’un projet de décret réglementant la redevance de régulation du système des contrats de partenariat public-privé dans notre pays. Le conseil écoutera également des communications portant notamment sur le déroulement à Lomé de la deuxième édition de l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) qui a connu un succès sans précédent et renforcé la position de notre capitale comme plate-forme financière de renom », a tweeté Faure Gnassingbé. Avant d’ajouter : « Sont également prévues au titre des communications, l’étude d’impact des véhicules lourds sur les infrastructures et la campagne nationale d’information et de sensibilisation sur la déclaration des biens et des avoirs ».
Une campagne nationale d’information et de sensibilisation sur la déclaration des biens et des avoirs. Quelle ingéniosité de ce gouvernement qui a promis en octobre 2020 gouverner autrement ! Après avoir passé plusieurs années à trainer des pieds, à faire du surplace et à opérer des marches à reculons, le gouvernement sort une nouvelle trouvaille de sa boîte à imaginations. « Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de contourner la loi », devrait-on dire. Il n’y a que dans un pays comme le Togo où le respect d’une disposition constitutionnelle constitue de la mer à boire. En réalité, il n’est aucunement nécessaire de faire une campagne d’information et de sensibilisation pour amener les assujettis à déclarer leurs biens. Ceux qui sont concernés par cette disposition le savent très bien. Les assujettis ne sont pas des analphabètes, ce sont des gens qui savent qu’ils doivent déclarer leurs biens, mais n’attendent que le chef de l’Etat pour s’exécuter eux-aussi. Mieux, les assujettis ne sont pas des SMICARDS et gagnent leur vie.
Comme il est manifeste depuis plusieurs années, Faure Gnassingbé et ses acolytes ne savent pas où donner de la tête en ce qui concerne la déclaration du patrimoine. Mieux, aucun d’eux ne veut se plier à cette obligation. Il faut donc trouver les astuces pour renvoyer aux calendes grecques la mise en œuvre de ce processus. Ce dilatoire a contribué à créer une série d’étapes aussi inutiles que vaines ; pourtant, en 24 heures, les textes peuvent être réajustés et rendus exécutables. Si en 2005, les gens ont pu passer de simple député à président de l’Assemblée nationale puis président de la République par intérim en quelques heures, le fait d’annoncer aujourd’hui une campagne nationale d’information et de sensibilisation sur la déclaration des biens et des avoirs montre à quel point le sujet dérange et menace de déclencher des urticaires aux premiers assujettis qui doivent montrer la voie.
Cette campagne de diversion qui s’annonce va simplement servir à retarder l’échéance, mais surtout à dilapider de l’argent pendant que le pays est constamment à la recherche de moyens pour financer son budget. Le Togo ira régulièrement sur le marché régional pour solliciter près de 574 milliards francs CFA cette année. Aussi, faut-il noter que la campagne annoncée par Faure Gnassingbé ne devrait pas constituer un alibi pour se soustraire durant un moment à l’obligation de déclaration des biens. Jusqu’à preuve du contraire, la loi sur la déclaration des biens ne dit pas qu’une étape de sensibilisation est obligatoire.
Sur des sujets d’importance tel le 5ème recensement général de la population et de l’habitat (RGPH5) bâclé du début jusqu’à la fin alors qu’il concernait toute la population togolaise, le gouvernement n’a pas cru bon de faire une campagne de sensibilisation. Mais lorsqu’il s’agit de respecter une disposition qui permet de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite, sports favoris des dirigeants, on crée le dilatoire en annonçant une séance folklorique.
Une chose est certaine, si Faure Gnassingbé déclare ses biens, dans les minutes qui vont suivre, ses ministres et autres collaborateurs vont lui emboiter le pas. Puisqu’ils savent que leur mentor est réfractaire à cet exercice, tous refusent de le faire et attendent qu’il commence. Ainsi va la gouvernance au Togo.
G.A.
Source: Liberté / libertetogo.info