Un jour j’ai voulu emprunter 10 millions (restez là-bas à croire que j’ai l’argent), j’ai été orienté vers une agence de microfinance dont je tairai le nom. Il fallait que je dépose en garantie le tiers de l’emprunt (soit 3 millions après palabres). Le taux d’intérêt était de 14% et je devais engager un terrain avec trois tampons au minimum. Les remboursements couvraient deux ans.
Refaisons le calcul. Je dépose 3 millions, je prends 10 millions, je paie un intérêt de 1,4 millions en plus de mon emprunt, et on me rembourse mes 3 millions au bout de deux ans. En fait, l’agence ne me prête que 7 millions, et si on rapporte les 1,4 millions d’intérêt sur les 7 millions , je me retrouve avec un taux d’intérêt absolu de 20 %. Ce qui est prohibitif.
Comme c’était pour un projet agricole. J’ai laissé tomber. J’expliquerai pourquoi.
Quelles sont les leçons à retenir de ceci ?
Primo . Seul un projet commercial à très forte marge bénéficiaire peut se permettre ce genre d’emprunt. Tu vas en Chine acheter des habits à 1000 f (prix de revient) , que tu revends à 4 000 à Lomé, ce prêt est pour toi. Tu vas à koussountou acheter du maïs à 200 que tu revends à 500 à Lomé, c’est bon pour toi. Beaucoup de nos mamans, qui ne tiennent pas de comptabilité, ne se rendent pas compte de ce taux d’intérêt énorme. Elle remboursent au jour le jour.
Les marges bénéficiaires généralement admises dans les entreprises oscillent entre 20 et 25 %. Donc vous avez intérêt à faire minimum 30 % pour ‘s’engager dans cette aventure. En production agricole, les marges sont très réduites. Dans l’ ordre de 4%. Voilà pourquoi il est defficile de réussir un projet agricole avec les crédits des microfinance. Sans compter que très peu de microfinance accordent un moratoire pour le début des remboursements. En fait, tu commences par rembourser ton prêt avec l’argent de ton emprunt. . Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais c’est rare et au prix de lourds sacrifices.
Secondo. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La rigidité du processus des banques, dont le taux d’intérêt oscille entre 8 et 10%, force les gens à se diriger vers la microfinance. En réalité, la microfinance initialement était supposée faire des microcredits pour les plus pauvres , mais on voit des gens prendre 100 millions dans les agences. C’est devenu un super business. Sur un milliard, c’est tout de même 200 millions de bénéfices.
La microfinance vient combler un maillon important des activités économiques, sachant que 70% de ces activités sont du domaine de l’informel.
Tertio. Les recouvrements sont musclés. Une pratique (pour moi malsaine) consiste à obliger les commerciaux à déposer une caution dans l’agence. En cas de non paiement du client, on puise dans la garantie. Résultat, les méthodes recouvrements sont terribles parfois. Ça va des descentes humiliantes à domicile aux convocations aux postes de police où gendarmerie. Parfois même, on saute du civil au pénal, avec des peines d’emprisonnement (il y a ‘a tant à faire).
Quarto. Ces taux d’intérêt viennent aussi compenser le non-remboursement ou les dégâts causés par les mauvais payeurs. Les microfinance prennent beaucoup de risques, et rapidement, la situation vire au drame. Les taux exorbitants viennent compenser car peu d’assureurs sont prêts à s’aventurer dans ces eaux troubles.
Quinto. La microfinance peut-elle soutenir le développement économique de nos concitoyens, et partant, de notre pays ? La réponse est non. Ce n’est d’ailleurs pas sa vocation. Les taux d’intérêt sur les très grands projets sont a 3%, et les grand projets, 5%. La microfinance pour moi est une rampe de lancement. Elle accompagne l’entrepreneur informel dans sa formalisation. Une fois formalisé, la banque traditionnelle doit prendre le relais. Ce qu’elles ne font pas suffisamment, l’accès au crédit étant le talon d’Achille de l’entrepreneuriat au Togo.
Voilà. Dites moi vos expériences avec les agences de microfinance et expliquez le rôle que vous croyez qu’elles doivent jouer.
Gerry
(c’est un texte publié il y’a trois ans, mais conserve toute son actualité)