Le dimanche 24 janvier, comme chaque année depuis 1974, la crème de l’Exécutif togolais s’est retrouvée à Sarakawa, dans la préfecture de la Kozah. Ceci, pour faire respecter la tradition. L’attentat de Sarakawa. Au regard des moyens financiers mobilisés, couplés aux enjeux et défis de l’heure, la question se pose aujourd’hui sur la pertinence d’une telle commémoration.
Attentat de Sarakawa… tradition respectée
À la tête, le Chef de l’État, entouré, pour la circonstance, du Premier ministre, Victoire Tomegah-Dogbe et des membres du gouvernement, de la Présidente de l’Assemblée nationale, Tsegan Yawa Djigbodi et des députés, puis des présidents des institutions de la République et diverses autorités administratives et politiques. Tous ont honoré, de leur présence, ce fait historique qui consacre, selon la philosophie qui sous-tend cette célébration, «la libération économique du Togo». Quarante sept (47) ans après donc, le Togo célèbre encore et fidèlement, cette catastrophe aérienne prise officiellement et contée, de génération en génération, pour victoire du nationalisme sur la force impérialiste.
Retour sur les faits
L’accident aérien est survenu le 24 janvier 1974, à proximité de la petite localité de Sarakawa, non loin de Kara. Ce jour, le Douglas C-47 Skytrain effectuant la liaison entre les villes de Lomé et de Pya, localité originaire du Gal Eyadema s’écrase en pleine brousse. À bord, plusieurs personnalités politiques et militaires togolaises dont le président de la république Gnassingbé Eyadéma. Si le président d’alors, lui, sort indemne, il n’en sera malheureusement pas de même pour trois de ses collaborateurs, du pilote de l’appareil, Jean Cattin, et de son copilote Bertrand Delaire. Survenu lors d’une période de refroidissement dans les relations entre la France et le Togo pour des raisons commerciales, le Togo ayant décidé de créer quelques jours auparavant un Office Togolais des Phosphates (Otp), concurrençant ainsi directement la Compagnie Togolaise des Mines du Bénin (Ctmb), à capitaux majoritairement français, société spécialisée dans l’exploitation du minerai), cet accident est vite vu par le Président Eyadema comme un sabotage organisé par les autorités françaises aux fins de l’assassiner. Mais plus tard, contrairement à la première distillée au sein de l’opinion, une autre version viendra évoquer une panne technique comme cause de cet accident.
Qu’à cela ne tienne, cette situation aura conduit à la prise, par le régime militaire de Lomé, de mesures drastiques dont la nationalisation de la Ctmb.
Entre mythe et réalité, cette célébration sur fond de folklore a réussi à traverser le temps et l’espace. Mais 47 ans après les faits, fussent-ils réels, la question se pose, tout de même, de savoir en quoi réside l’urgence ou encore la pertinence dans la commémoration d’un tel événement. Autrement, quelle plus value cette commémoration apporte au Togo d’aujourd’hui à la croisée du développement.
Et si Faure épargnait les togolais de ce folklore?
De toute analyse faite, il en ressort que dans un contexte tout particulier comme celui-ci où sonne l’urgence de développement, il est du devoir des gouvernants de tourner dos aux célébrations inutiles pour des actions concrètes, susceptibles d’impacter le quotidien des citoyens.
En effet, face à l’équation Pnd, dans toutes ses déclinaisons, nécessitant des moyens (plus de 1600 milliards FCFA pour sa réalisation), il paraît contradictoire, sinon inutile pour un gouvernement qui pense «gouverner autrement» de se complaire encore dans de telles commémorations. En effet, une telle politique dite d’envergure qui nécessite objectivement l’assainissement du trésor public, conjugué à la chasse aux investissements privés, semble visiblement noyée dans la paranoïa de Faure et de son Exécutif qui ont du mal à se défaire de cette célébration. Laquelle qui, tout comme bien d’autres célébrations, autrefois en vogue au temps du Rpt, sont non seulement budgétivores, mais aussi mettent en mal la cohésion sociale et la réconciliation nationale entre les fils et filles du Togo.
Même si c’est un centime qui participe à son organisation, dans le contexte actuel, la commémoration du 24 janvier est une dépense de trop et inutile pour l’État. Tout comme les dates du 13 janvier et 30 août, considérées comme des dates de célébration jusqu’à la mort du Président Eyadema en 2005, mais supprimées à son arrivée au pouvoir, pour des raisons de réconciliations nationales, Faure Gnassingbé doit encore avoir le même courage pour supprimer de l’agenda républicain, le 24 janvier qui, aujourd’hui, se veut plus qu’une kermesse.
Source : Fraternité No.388 du 27 janvier 2021