Ce traitement préventif contre le VIH ne doit pas se substituer aux autres moyens de préventions, alerte le docteur Cédric Arvieux.
Le Truvada, médicament combinant deux antirétroviraux, était jusqu’alors prescrit dans le cadre des soins thérapeutiques contre le VIH. Un comité d’experts a recommandé, jeudi 10 mai, sa mise sur le marché aux Etats-Unis en tant que traitement préventif. De fait, une étude réalisée en 2007 dans six pays dont l’Afrique du Sud, le Brésil et les Etats-Unis a fait apparaître une réduction de 44% du risque d’infection chez les hommes homosexuels. Une autre a mis en évidence une chute de 75% des risques chez les couples hétérosexuels dont un partenaire est séropositif.
Pour autant, les personnes qui se traitent ne doivent pas se sentir « faussement protégées », souligne Cédric Arvieux, médecin infectiologue au CHU de Rennes et président de la Coordination régionale de lutte contre le VIH – Bretagne (Corevih).
Une avancée médicale incontestable
« Le Truvada est un médicament bien toléré par les patients, ce qui le distingue des lourds traitements trithérapiques [nausées à court terme, modifications du métabolisme à long terme, NDLR] », indique Cédric Arvieux. Il a par ailleurs une durée d’action plutôt longue et ne nécessite pas plusieurs prises par jour. En France, l’étude « iPrEx » (Prophylaxie pré-exposition) est menée actuellement par des spécialistes et pourrait également aboutir à une mise sur le marché.
Les patients susceptibles de se traiter au Truvada sont les homosexuels séronégatifs, les personnes qui manifestent des conduites à risques par leurs activités sexuelles, ainsi que les couples hétérosexuels dont l’un des partenaires est séropositifs. « Chez ces derniers, le traitement pourrait également diminuer les risques de contamination dans les cas de grossesses, notamment lors de l’ovulation », souligne Cédric Arvieux.
Les risques
Premier risque : la baisse de vigilance des patients que pourrait engendrer ce traitement préventif inquiète les spécialistes. Les essais cliniques réalisés en 2007, qui démontraient la réduction les risques d’infections, étaient très encadrés médicalement ; rien à voir avec la vraie vie : « Les comportements sont différents dans la vie réelle. Des personnes risquent de se sentir faussement protégées et de multiplier les rapports sexuels à risques, insiste l’infectiologue. Il faudra observer en détails l’attitude des patients ». A commencer par le port du préservatif, qui ne doit en aucun cas être négligé.
Le second danger concerne les personnes qui se traitent au Truvada sans savoir qu’elle sont séropositives : « Inconscientes de l’infection, elles ne prennent pas d’autres médicaments. Le virus risque alors de développer une résistance au traitement », indique le docteur Arvieux.
Un coût très élevé
Le prix du médicament varie entre 12.000 et 14.000 dollars par an. Des médicaments génériques fabriqués en Inde existent certes, mais ils sont strictement destinés aux pays en voie de développement. Qui paiera ? Selon Cédric Arvieux, « les assureurs américains pourraient réfléchir à un remboursement si le prix de ce traitement préventif s’avère moins coûteux que des soins administrés toute sa vie à une personne séropositive ». Ce qui reste à prouver.
Effets secondaires
De nombreux experts s’interrogent enfin sur les risques de toxicité engendrés par une prise de Truvada sur le long terme, qui pourrait provoquer « des fragilités osseuses et reinales », précise Cédric Arvieux. A mettre en regard avec les effets secondaires des trithérapies.
Adrien Maillard – Le Nouvel Observateur
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