Parmi les convives au couronnement de Charles III, quelques souverains africains, dont l’importance et le prestige suscitent un réel respect et une grande estime, de la part de la Couronne britannique.
À Buckingham Palace, ce jeudi 4 mai, les photographes ont pu capter les images d’un fou rire contenu de Charles III, tandis que le roi des Ashantis y allait de bon cœur.
Belle complicité, dans un respect mutuel entre ces deux souverains, qui se connaissent bien. Peut-on considérer que la Couronne britannique traite le royaume ashanti sur un pied d’égalité ?
Leurs relations semblent sincères.
En effet, ni la défunte reine Elizabeth ni son fils Charles ne regardent de haut cette dynastie ashanti, dont l’influence s’étend sur l’ensemble du grand peuple Akan, que l’on retrouve au Ghana, en Côte d’Ivoire et même un peu au Togo.
Il faut entrer dans son palais royal de Manhyia, à Kumasi, pour comprendre que ce souverain n’est nullement un roi de pacotille.
En plus, depuis des décennies, ceux qui accèdent à ce trône sont des personnalités d’envergure, formées dans les meilleures universités britanniques, avec, généralement, un parcours professionnel brillant. Ainsi de Otumfuo Osei Tutu, l’actuel, formé dans ce que l’on appelait jadis Polytechnic of North London, aujourd’hui London Metropolitan University. Il a fait carrière, notamment dans une grande compagnie d’assurances à Toronto, au Canada.
Il se trouve que, dans la plupart de ses colonies d’Afrique, l’empire britannique avait pour interlocuteurs de véritables souverains, qu’elle a appris à respecter. Le sultan de Sokoto, au Nigeria, par exemple, règne sur un empire fondé par Ousman Dan Fodio, illustre figure de la grande histoire africaine.
Même lorsqu’elle a pu être en conflit avec ces souverains, l’Empire britannique a toujours eu pour eux les égards qu’elle-même attendrait des autres. Cela résulte de la nature de cette colonisation.
En quoi la colonisation britannique se distinguait-elle de celles connues par d’autres peuples du continent ?
Elle s’intéressait d’abord aux richesses des pays, pour les exploiter en faveur de la métropole, sans nécessairement tenir à régenter au quotidien la vie des peuples colonisés.
C’est ce que l’on appelle l’Indirect Rule. La conséquence la moins malheureuse de ce type de colonisation a été le niveau de formation des élites politiques.
À l’indépendance, ces anciennes colonies britanniques étaient, pour la plupart, dirigées par une élite formée au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou simplement dans de grandes universités africaines.
D’ailleurs, Fourah Bay, la plus ancienne université d’Afrique noire (sur le modèle occidental) a été fondée en 1827, en Sierra Leone, et était célèbre pour ses facultés de médecine, de droit, de philologie, où venaient se former des étudiants de toutes les colonies britanniques de l’Ouest africain.
Cette excellence a-t-elle servi à la bonne gestion des États dans ces ex-colonies britanniques ?
Chacun de ces pays a commis ses propres erreurs. Et, en général, il en a tiré les leçons. Beaucoup se plaisent à rappeler, aujourd’hui, que les pays anglophones s’en sortent mieux que les francophones, les lusophones et autres hispanophones. Il faut toujours se garder des jugements définitifs sur la globalité d’un groupe. Mais, il est certain que le type de colonisation subie contraignait les anglophones à s’assumer, pleinement.
Où l’on revient à la Zone franc, avec, jusqu’à il y a peu, cette assurance tous risques de la France. Certains gouvernements de cette zone laissaient le Trésor français couvrir leurs fins de mois difficiles.
Pendant ce temps, lorsque le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone ou la Gambie commettaient des erreurs, ils en payaient immédiatement les conséquences, souvent douloureuses.
En 2017, John Dramani Mahama, chef de l’État ghanéen, a échoué à se faire réélire pour un second mandat, simplement parce que la monnaie nationale, le cedi, avait perdu plus de 30% de sa valeur.
Dans la zone Franc, un très mauvais gestionnaire pouvait, en bon resquilleur, masquer ses erreurs et son incompétence derrière le paravent de ce qu’un ancien ministre ivoirien qualifia naguère de monnaie de riche.
Jean-Baptiste Placca