« Le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n’éteint que les petits » Elsa Triolet
Le président de la république du Togo ne s’est pas adressé à la nation à l’occasion de la nouvelle année. Et alors ! Il s’agit d’un banal non-événement aux ressorts politiques assez logiques. L’étonnement viendrait plutôt de ce qu’on s’émeuve du silence d’un tyran. S’attend-on à ce que Faure Gnassingbé parle ? Pour quoi dire ? À qui ? Pour quel bilan ? Dans quelle perspective ?
Le chef d’État togolais est à la tête d’un régime dictatorial érigé contre le peuple. Imposé de l’extérieur, il s’est consolidé par la force des armes sur un territoire, en razziant les attributs du pouvoir d’État : un drapeau, un hymne, une armée clanique, la bourse des finances publiques. Il n’a jamais réussi à rallier le peuple qu’il a embrigadé par le mensonge, la violence et la fraude électorale. Il a pu cependant compter sur des partisans, des militants et des nervis, collaborateurs zélés de l’entreprise de mise à mort de la nation togolaise.
M. Gnassingbé n’a rien à dire à un peuple qu’il sait ne pas représenter. Par conséquent, il n’en a cure du citoyen indifférent à la source de sa « légitimité ». Il a certainement envoyé des vœux à ses soutiens étrangers. Sans nul doute les a-t-il présentés à ses nervis et soutiens inconditionnels.
Que le peuple dont il usurpe violemment la direction n’est pas le sien, ne fait plus aucun doute. M. Gnassingbé nous le dit par le choix du réseau social X pour exprimer des vœux frelatés à une nation virtuelle. Il nous dit surtout l’aporie grandissante à laquelle est confronté le pouvoir de Lomé.
Faure Gnassingbé a choisi de ne s’adresser qu’à son « peuple » d’élection, celui qui a su participer au dépeçage en accédant au niveau social critique du réseau X. Exit l’immense majorité du peuple togolais dont il revendique pourtant 70 % des suffrages au cours du gangstérisme électoral de 2020.
L’autre versant de la problématique, est l’étonnement récurrent d’une certaine frange d’observateurs face à ce qu’ils présentent comme l’apathie et même la résignation du peuple face au sort funeste multi-décadaire que les Gnassingbé lui font. Malgré tout, ce peuple a su montrer à travers l’histoire sa résilience et sa bravoure. Les marches, les révoltes et les contestations ont rythmé sa marche historique. Loin d’être l’expression d’une couardise généralisée, le silence du peuple est bruissant de menace. Il est l’expression d’un profond divorce ontologique avec les autorités qui le gouvernent. Le silence de Faure Gnassingbé est l’écho antithétique et vide de l’abyssale béance entre le peuple et lui. Les efforts d’une certaine presse stipendiée pour imposer aux forceps un panafricanisme de façade n’y feront rien. Ces plumitifs, exécuteurs de basses besognes, d’une presse dévoyée qui appelle nécessairement l’anti-presse salvatrice des valeurs de liberté.
La nature du régime politique et les aspirations du peuple sont non miscibles. Après les illusions démocratiques, rapidement perdues par dilapidation des acteurs dits de l’opposition, le peuple a tiré les leçons. Il retrouve l’élan spiritualiste de son expression face à la nature bourgeoise d’un régime politique à la dérive.
La césure originelle est devenue cassure. Le régime togolais est d’essence ploutocratique. Il ne peut plus se réformer. Il ne tient plus que par la perpétuation des mêmes fossoyeurs, des mêmes accumulateurs tristes de richesses volées à la collectivité. Lomé 2 est un repaire de prédateurs dont le credo est de prendre, toujours plus pour priver le peuple des ressources de son bien-être. Il faut s’accaparer avec frénésie des ressources financières dont on ne sait plus quoi faire. Convaincus que seul un peuple affamé est à portée de gouvernail, Faure Gnassingbé et ses thuriféraires entretiennent avec cynisme le fier destin du coq sur son tas de fumier putride et nauséabond. Regardez-les attentivement et vous verrez la mort portée en bandoulière. Vous entendrez sûrement dans leurs discours, le triste sanglot de l’âme fourvoyée. Un satanisme assumé, au sens de la participation au projet de destruction du genre humain.
Est-ce cette réalité que M. Gnassingbé devrait partager avec le peuple à la faveur des vœux de fin d’année ? Les Togolais ne connaissent que trop la nature profondément démoniaque de ceux qui usurpent la noble mission de les diriger. Leur bruyante et médiocre expression n’inspirent plus que mépris et commisération dans le meilleur des cas.
Faure Gnassingbé est le continuateur du projet mortifère inauguré en 1963. Ce régime pseudo démocratique est un grossier miroir aux alouettes. Dessillé, le peuple affamé et mal soigné, sait que la vie est ailleurs. Seuls les égarés vouent encore de l’admiration à ces hommes compromis jusqu’à la moelle, maladivement bouffis du malheur du peuple. On les trouve aussi bien dans la majorité usurpée de Lomé 2 que dans la supposée opposition. Reconnaissable au premier regard, la bourgeoisie compradore prend d’assaut toutes les situations susceptibles d’apporter une part du butin. Ces prébendiers sont vomis par un peuple désormais tourné vers son essence spiritualiste. Elle est nette la ligne de partage entre la fausse piste démocratique qui mène à l’embourgeoisement d’élites corrompues et la recherche spiritualiste d’un mode inculturé de dévolution du pouvoir, issu des entrailles des nations. La gestion de la cité au profit de la multitude est l’horizon apodictique des Togolais. On est bien loin du désir d’un insipide discours logorrhéique de Faure Gnassingbé comme principe axiologique de libération du Togo.
On se plaît à opposer le peuple togolais à ses voisins du Burkina, du Niger et même du Mali. N’est pas loin l’accusation implicite de veulerie des Togolais par rapport à la bravoure de ses voisins. Il n’en est rien ? La seule différence, réside dans le temps de maturation et l’opportunité de l’expression de la vision spiritualiste des peuples africains. La démocratie de La Baule est une mystification, un naufrage que les peuples africains francophones n’ont pas encore fini de payer. Elle aboutit nécessairement à un régime ploutocratique. Elle ne saurait être le réceptacle efficace des aspirations du peuple. À présent l’horizon est le panafricanisme, perçu comme l’expression politique de la Mâât en ses composantes de solidarité, de vérité et de justice. Le panafricanisme dans ses diverses dimensions politiques, sociales, sociétales et spirituelles, est l’aspiration profonde du peuple africain, le reflet de la spiritualité des nations africaines. Le peuple intègre d’ores et déjà ce paradigme qui permet de renouer avec la chair vivifiante de la cosmogonie des nations africaines. Une véritable lame de fond. Il n’est donc pas étonnant que Lomé 2, ennemi juré de toute évolution du peuple togolais, enfourche l’expression puissante d’une réalité qui mute d’une sous-culture longtemps confidentielle vers une contre-culture politique, pour mieux la conjurer. Peine perdue. Le régime togolais sera également balayé par la puissante vague panafricaniste qui ne manquera pas de rugir en tsunami libérateur.
En définitive, Faure Gnassingbé ne dit rien parce qu’il n’a plus la parole. Il a grillé invariablement tous les jokers que ce peuple patient et résilient lui a complaisamment donnés malgré les tares d’un régime brutal, arrivé par effraction sanglante à la tête de l’État. Le peuple lui a tourné le dos. Définitivement. Le roi solitaire est à présent nu. Il constate à ses dépens qu’il a « joué » dans une arène qui n’a jamais correspondu aux aspirations des Togolais.
Les jeux sont faits. Plus rien ne va. Le peuple a toujours le dernier mot. La seule inconnue demeure la forme que prendra la vague.
Jean-Baptiste K.