Soupçonné d’avoir monnayé une intervention dans un dossier d’immigration, l’ancien secrétaire d’État Kofi Yamgnane a contesté tout trafic d’influence ce mardi, au premier jour d’un procès à tiroirs impliquant pas moins de 19 prévenus.
Après un faux départ lundi, le tribunal a commencé à examiner ce mardi une affaire complexe aux multiples ramifications, dont le volet le plus retentissant implique l’ancien patron de la police judiciaire parisienne, Bernard Petit, soupçonné d’avoir fait fuiter des informations.
Dans la première partie du dossier, à l’origine de toute la procédure, « l’escroc des stars » Christophe Rocancourt et son ancien avocat, Marcel Ceccaldi, sont soupçonnés d’avoir tenté, moyennant rémunération, de faire régulariser deux sœurs marocaines sans-papiers en 2014.
« Je n’ai pas demandé un centime pour intervenir ! »
Le premier a sollicité l’officier de gendarmerie Christian Prouteau, fondateur du GIGN ; le second a demandé l’aide de Kofi Yamgnane.
À 76 ans, l’ancien secrétaire d’État socialiste à l’Intégration entre 1991 et 1993 reconnaît à la barre être intervenu auprès de la préfecture, pour permettre à l’une des sœurs d’aller voir son « père malade » au Maroc.
Mais il l’assure : « Je n’ai pas demandé un centime pour intervenir ! Je suis intervenu pour des milliers de personnes en France » sans « jamais » être rémunéré, clame celui qui a aussi été maire et député du Finistère.
« Je ne mange pas de ce pain-là »
« Quand (le président François) Mitterrand m’a appelé pour entrer au gouvernement, je lui ai demandé : Qu’attendez-vous de moi ? Il m’a dit : J’attends de vous de réconcilier les Français avec leurs espoirs. C’est ce que j’ai essayé de faire pendant les trois ans où j’ai été au gouvernement, et ensuite », poursuit-il.
« Je suis outré d’être là devant vous pour parler de ça, parce que je ne mange pas de ce pain-là », s’insurge le prévenu, costume noir et lunettes à montures rouge, la tête ceinte de cheveux gris.
Une enveloppe de 3 000 euros
Les investigations ont montré qu’il avait perçu, le 29 janvier 2014, une enveloppe contenant 3 000 euros de la part de l’une des sœurs, à qui il a dédicacé son livre : « Pour Asmaa, en fraternité, en souvenir de cette belle soirée ».
L’homme politique franco-togolais admet avoir perçu cet argent – « 15 billets de 200 euros ». Mais il affirme n’avoir ouvert l’enveloppe que le lendemain et, surtout, que l’argent était pour lui un don visant à financer sa candidature à la présidentielle au Togo (prévue en 2015).
La somme ne le « choque pas », la Marocaine lui ayant été présentée comme étant « d’une extraction de bonne famille » et vivant près des Champs-Élysées – ce qui s’avérera faux.
Pour obtenir des papiers
Dans des écoutes téléphoniques entre Christophe Rocancourt et Marcel Ceccaldi, les deux hommes parlent de « Kofi », l’avocat assure qu’il a un « rendez-vous avec Cazeneuve ». Pendant l’instruction, Asmaa K. a déclaré avoir versé cette somme dans le but d’obtenir des papiers.
« Cette intervention auprès de Bernard Cazeneuve, elle a eu lieu ? », interroge le président Benjamin Blanchet.
« Jamais », assure Kofi Yamgnane. Il affirme avoir renoncé à rencontrer le ministre de l’Intérieur de l’époque, qu’il connaît « très très bien », quand il a appris que le mari de la Marocaine était en prison pour trafic de stupéfiants.
« Réputation dans la boue »
Kofi Yamgnane admet néanmoins avoir laissé croire à Marcel Ceccaldi qu’il allait rencontrer Bernard Cazeneuve : « une faiblesse », selon lui.
« Dans toute cette usine à gaz, je ne connais qu’une personne, Me Ceccaldi ! », s’énerve-t-il, s’indignant d’être « mélangé » aux 18 autres prévenus. « Je suis bafoué, on a traîné ma réputation dans la rue, dans la boue, je ne peux pas l’admettre ».
« J’affirme, il ne m’a jamais rien demandé »
Interrogé plus tard, Marcel Ceccaldi, avocat depuis 51 ans, répond aux questions en plaidant.
« J’affirme, il ne m’a jamais rien demandé. J’affirme, il n’a jamais rien demandé à Asmaa K. Si j’avais eu ces 3 000 euros à l’époque, je lui aurais donnés, je ne les avais pas », insiste-t-il. « Jamais il n’a été question d’une rémunération de son intervention à la préfecture ».
Dans d’autres facettes de l’affaire, Marcel Ceccaldi est poursuivi pour recel de corruption et blanchiment de l’exercice illégal de la profession de banquier par Christophe Rocancourt. Suite du procès mercredi.