La prestation de serment du 3 mai dernier vient achever le processus de l’élection calamiteuse du 22 février 2020. Une élection riche en contorsions constitutionnelles qui ravive la douloureuse mémoire de profondes blessures encore ouvertes.
Ce 3 mai, comme les trois précédentes fois, dans le décorum des ors de la République, vous vous êtes une fois de plus présenté devant le peuple pour prononcer la formule consacrée de prestation de serment qui vous ouvre la voie à l’exercice d’un quatrième mandat.
Pourtant, de manière clairement exprimée, une grande majorité de vos concitoyens ne vous
reconnaissent pas de victoire aux élections présidentielles de 2005, 2010, 2015 et de 2020.
Que voulez-vous encore faire de ce pouvoir dont l’exercice est bien loin de respecter la dignité du peuple et s’écarte de ses attentes légitimes les plus élémentaires ?
L’article 58 de la loi fondamentale fait du Président de la République le garant du respect de la
Constitution. Nul ne peut se prévaloir de ce titre et parallèlement violer cette même Constitution qui confère ces pouvoirs. Un tel rapport à la Constitution se résume à une usurpation de titre.
Vous ne respectez pas l’article premier de la Constitution qui dispose que notre République est un Etat de droit. Les droits les plus élémentaires des citoyens sont continuellement bafoués. L’égalité devant la loi n’est pas assurée pour tous, contrairement à ce que dit l’article 2 de la Constitution.
Vous ne protégez pas vos concitoyens, contrairement à ce que stipule l’article 21 de la Constitution qui sacralise la personne humaine et affirme son inviolabilité. Sous vos mandats, des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction, abusent de la violence d’Etat dont ils sont légalement dépositaires en perpétrant sur des citoyens innocents des actes inhumains et dégradants qui provoquent parfois des décès.
Depuis quinze ans, vous violez allègrement la Constitution que vous avez à plusieurs reprises prêté le serment de respecter et de protéger. Vous violez la Constitution, car, sauf une fois en quinze années, vous ne respectez pas l’article 74 qui vous impose pourtant de vous adresser une fois par an au Parlement sur l’état de la Nation.
Par ces violations flagrantes et répétées de la Constitution, vous désacralisez la fonction de la
Magistrature suprême et vous fragilisez l’Etat et la souveraineté du pays.
La crise du COVID-19 vient cruellement rappeler à la population dans quelle détresse vous la confinez depuis quinze ans et met davantage en exergue un exercice du pouvoir incapable de faire face aux enjeux primordiaux de sécurité sanitaire et alimentaire. C’est pourtant ce qui aurait dû être le cas d’une personne ayant pris l’engagement de produire un mieux-être à son peuple, car véritablement choisie et portée par lui.
De plus, aucun indicateur sérieux ne vient présager d’une gouvernance différente de ce qui a été fait depuis les quinze dernières années.
Doit-on dire Président de la République ?
Non Monsieur ! Au vu de tous ces éléments, vous ne méritez pas le prestigieux titre de Président de la République !
Non Monsieur ! Vous ne faites pas un usage du titre de Président de la République avec l’auréole de la dignité intrinsèque qui fonde son prestige. Il s’en trouve dévalorisé et dépouillé de l’honneur qui lui est dû.
Comme certains autres sur le continent, qui s’octroient le pouvoir d’Etat sans passer par la jouissance de la légitimité populaire que confère une élection gagnée dans la transparence de la vérité des urnes, vous êtes – tout au mieux – un Chef d’Etat, séquestrant le pouvoir entre ses mains !
Nathaniel Olympio