Après avoir participé à une enquête de la chaine de télévision française BFMTV sur la société militaire privée russe dont les mercenaires sont déployés dans le pays, Malick Konaté a reçu une avalanche de menaces.
L’affaire illustre, une fois de plus, ce qu’est devenue la liberté de la presse au Mali. Après l’expulsion d’un envoyé spécial de Jeune Afrique en février dernier, après la suspension de France 24 et Radio France international (RFI), puis celle de la chaîne d’information Joliba TV news pour deux mois après un éditorial critique envers les autorités de transition, voilà un confrère malien gravement menacé pour avoir participé à un documentaire sur Wagner au Mali.
Cette enquête « Ligne rouge: Wagner, les mercenaires de Poutine » a été diffusée sur la chaîne d’information française BFMTV, le 31 octobre. Elle revient notamment sur les activités de la société militaire privée russe au Mali, où ses mercenaires sont déployés depuis décembre 2021 à la demande de la junte au pouvoir.
Messages haineux
Malick Konaté, 32 ans, journaliste freelance très suivi sur les réseaux sociaux maliens, et quil collabore à plusieurs médias étrangers, a travaillé avec un confrère de BFMTV – lequel n’a jamais obtenu l’autorisation de se rendre à Bamako. Depuis la diffusion, il est la cible de nombreux messages haineux et de menaces sur les réseaux sociaux, le qualifiant – entre autres – de « traître », d’ « espion », ou encore d’ « agent de la France ». I| est directement menacé au téléphone, par appels et messages anonymes.
Le 3 novembre, des policiers de la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ) en civils se sont présentés à son domicile de Bamako, dont il était absent. Victime d’intimidations récurrentes ces derniers mois, comme lorsque sa voiture a été caillassée devant son bureau, en juillet, par deux hommes cagoulés à moto, il vit depuis plusieurs semaines dans un pays voisin.
Le lendemain, le journaliste a reçu un appel d’un membre de la BIJ, lui indiquant que son commandant souhaitait « échanger avec lui » sans fournir davantage d’explications. Le surlendemain, 5 novembre, des hommes de la BIJ se sont représentés à son domicile pour s’assurer qu’il était bien absent et hors du pays.
Condamnations et soutiens
Dans un communiqué publié le 5 novembre, BFMTV a condamné « les contenus sur les réseaux sociaux incitant à la haine contre Malick Konaté », et dénoncé « la campagne de dénigrement virulente » faite de « messages de désinformation et de propagande », dont il fait l’objet.
Le journaliste a reçu le soutien de plusieurs organisations de la presse malienne. La Maison de la Presse, dont la posture ambigüe à l’égard des autorités soulève des critiques dans la profession, « condamne les menaces et agressions verbales dont fait l’objet » Malick Konaté. Chahana Takiou, le président du Groupe patronal de la presse, s’est lui montré plus offensif. « Aucune approche différente de celle des dirigeants actuels n’est tolérée (…) Cette situation est inacceptable. Notre liberté, notre pluralité, notre diversité doivent être respectées », écrit-il dans un communiqué
Jeune Afrique