Le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies a réclamé la remise en liberté de l’opposante et ex-ministre, condamnée en décembre dernier à vingt ans de prison pour « financement du terrorisme ».
Les termes de l’avis rendu le 2 novembre par le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU et dont JA pris connaissance sont sans ambiguïté : l’organisme onusien juge que « la privation de liberté de Reckya Madougou est arbitraire ». Il demande donc au gouvernement béninois de « libérer immédiatement » l’opposante béninoise qui s’était lancée dans la course à la présidentielle d’avril 2021 face à Patrice Talon avant de voir sa candidature rejetée par la Commission électorale nationale autonome, faute d’un nombre suffisant de parrainages.
Sans « base légale »
Arrêtée le 3 mars 2021, Reckya Madougou a été condamnée à vingt ans de prison pour « financement du terrorisme », le 11 décembre dernier. Les juges de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) avaient alors donné foi au procureur spécial Mario Mètonou, qui accusait l’ancienne ministre de la Justice de Thomas Boni Yayi d’être entrée en contact avec un colonel de police à la retraite à qui elle aurait confié la mission de mener des assassinats politiques dans le but de déstabiliser le pays à la veille du scrutin présidentiel.
Les avocats de l’opposante – Mes Renaud Agbodjo et Nadine Dossou à Cotonou et Me Antoine Vey à Paris – avaient, avant même que la condamnation ne soit prononcée, porté l’affaire devant plusieurs instances internationales, parmi lesquelles le groupe de travail sur la détention arbitraire.
Dans son avis, ce dernier juge que la détention est « dépourvue de base légale », Reckya Madougou ayant été arrêtée sur instruction du procureur spécial près la Criet et sachant que « le gouvernement ne justifie pas pourquoi un juge d’instruction ne pouvait pas être saisi pour décerner un mandat d’amener ». Les experts assurent également que « le gouvernement n’a fourni aucun procès-verbal de témoignages, d’échanges téléphoniques ou autre document à l’appui de ses déclarations quant à l’implication présumée de Reckya Madougou dans une entreprise de financement d’assassinats ».
Ils estiment également qu’en raison des propos tenus par Patrice Talon dans un entretien accordé à RFI le 30 avril 2021, ainsi que compte tenu de la rapidité de son procès – elle a été condamnée en moins de vingt-quatre heures, Reckya Madougou « n’a pas bénéficié du droit à la présomption d’innocence ».
À l’heure où nous publions cet article, le gouvernement béninois, contacté par Jeune Afrique, n’avait pas encore réagi.
Matthieu Millecamps