La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) doit avoir honte toujours de recevoir leçons sur leçons en termes de lutte contre la corruption. La dernière en date vient du Ghana, pays ami dont le procureur anti-corruption, Martin Amidu, vient de montrer à la face du monde qu’il a du caractère.
Nommé pour lutter contre la corruption par Nana Akufo-Addo, ce qui n’est pas rien, l’homme n’a pas hésité à refuser son état. La raison ? Il accuse le président ghanéen d’ingérence politique dans son travail, lui qui s’est dit convaincu qu’il « n’était plus en mesure d’exercer en toute indépendance » son travail.
« Vous avez, à tort, pensé que je pourrais exercer ma fonction de procureur comme votre caniche », a-t-il écrit dans la lettre relative à sa démission. Les termes utilisés par Martin Amidu, quoique d’une sévérité implacable, sont la preuve qu’il ne doit rien à personne si ce n’est aux Ghanéens. Il est vrai que le président ghanéen s’est défendu d’avoir invité le procureur à suspendre ses enquêtes sur l’accord sur les redevances d’or, autrement appelé Agyapa Mineral Loyalties, mais cette démission témoigne de l’énergie vitale institutionnelle dont dispose un Ghana qui se trouve à des années lumières du Togo sur le plan de bonne gouvernance. Quand les institutions sont fortes, personne ne se prévaut des rênes de l’Etat, et chacun se garde bien de s’impatroniser dans une fonction qui a valeur républicaine au point de perdre de vue ses devoirs.
Au Togo, comme les dirigeants se sentent pousser des ailes et se prennent pour des Ali Pacha, ils nomment qui ils veulent, quand, et comment, cela dans un concubinage aux airs d’inceste. Et celui qui est nommé, pour ne pas se voir ravir le poste qu’il prend pour son gagne-pain, se conduit en toutou, devient le porteur d’eau du président et des ministres en qui il reconnaît ses créateurs. Ça fait tout simplement mal au cœur de savoir que Wiyao Essohana ne soit pas capable de faire bouger les lignes dans un pays où les structures étatiques sont devenues le corridor de la tentation, cette galerie voltairienne où beaucoup de prétendants à l’emploi de haut receveur du roi Nabussan, dansèrent avec lourdeur et moins de grâce (conf. Zadig), pace qu’ils s’étaient rempli les poches dans une galerie obscure par où ils devaient passer avant d’entrer au salon dédié au bal. Ainsi nos dirigeants s’en mettent plein les poches, oubliant qu’ils sont là pour servir moins leur propre personne que le peuple. Et au lieu de porter remède à la chose, Wiyao Essohana se conduit en serviteur de Faure Gnassingbé, parce que celui-ci est son créateur. On ne peut tomber plus bas. Et c’est malheureux pour nos institutions.
Source : Le Correcteur N° 963 du 23 novembre 2020