Un communiqué signé d’un ministre d’Etat pour donner une ampleur nationale à l’anniversaire de la disparition, le 05 février 2005, de feu Gnassingbé Eyadema. Celui que ses courtisans appellent « père de la nation ».
Le communiqué rappelle que le Togo est toujours sous le joug du régime cinquantenaire des Gnassingbé. Le 29 janvier dernier, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires a communiqué les dispositions prises pour la célébration du 16ème anniversaire de la disparition du Général Eyadema. « Pour tenir compte de la lutte contre la propagation de la pandémie à la Covid-19, le 16ème anniversaire du rappel à Dieu du père de la nation feu Gnassingbé Eyadema, de vénérée mémoire, sera célébré cette année de la façon suivante : Vendredi 5 février 2021 : Prière musulmane à 13 h dans les mosquées des chefs-lieux de préfectures en mémoire du père de la nation. Dimanche 7 février 2021 : Prière chrétienne dans les églises et temples des chefs-lieux de préfectures pour la même intention. Pas de veillée le 4 février 2021. Pas de célébration publique au Palais de Congrès de Kara », a-t-il écrit, demandant que les dispositions énoncées soient respectées.
En effet, il y a 16 ans, disparaissait feu Gnassingbé Eyadema, président du Togo de 1967 à 2005. Le natif de Kara a passé 38 ans à la tête du pays avant de passer le témoin à son fils Faure Essozimna Gnassingbé. Ce long règne aurait mérité des honneurs si le Togo était un royaume. Peut-être aussi des honneurs si durant ses 38 ans de règne, le Général avait travaillé à hisser le Togo parmi les pays développés, respectés et respectueux des droits de l’homme. Les faits nous enseignent que c’est tout le contraire. Un pays financièrement assiégé par un clan, une gestion approximative, la Constitution et les droits de l’homme constamment violés sur fonds de propagande diplomatique, bref, un semblant de démocratie. Comme le clamait Christian Trimua sur les médias internationaux, durant son règne au long cours, feu Gnassingbé Eyadema a laissé « un pays socialement délabré, économiquement exsangue et politiquement divisé ».
C’est au nom de ce bilan très peu reluisant que ceux qui jouent les prolongations depuis 2005 tentent de faire passer l’anniversaire du décès du Général Eyadema pour une fête nationale. Un communiqué passé une semaine avant l’événement pour lui donner un semblant de solennité, des mots panégyriques décrivant l’ancien président et des festivités dans les chefs-lieux de préfectures pour donner une ampleur nationale à la célébration. Et pourtant, le régime est resté la dictature qu’il était depuis le règne du Général présenté comme « père de la nation ». A croire qu’avant son accession au pouvoir, la nation togolaise n’existait pas.
Pendant ce temps, le deuil lié à l’assassinat du premier président du Togo, Sylvanus Olympio, celui-là même qui a prononcé le discours de la naissance du Togo indépendant qui devrait revêtir d’une aura nationale, n’a jamais été célébré. Depuis plus de 50 ans, le régime en place a tenté de gommer de l’histoire du pays ces pages glorieuses qui relatent les luttes pour l’accession à la souveraineté nationale et le leadership de feu Sylvanus Olympio. Le 13 janvier, jour de son assassinat, a été décrété fête de la libération nationale. Pourtant, c’est à partir de ce jour que le joug du colon a été remis à sa place et consolidé au fil des années. A ce joug s’est ajouté celui d’un régime vomi par le peuple, mais qui, grâce à l’armée omniprésente sur la scène politique, a réussi jusqu’ici, à se maintenir au pouvoir.
La mort d’Eyadema demeure une triste nouvelle. Mais son bilan et celui de son fils laissent à désirer. Son héritage est marqué par la gabegie, une armée militante, la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l’homme qui ont fait leur lit au Togo. Pour que la mémoire du père soit vénérée ou que les Togolais se rappellent le moins possible ce passé douloureux, il faut que le fils agisse bien, en tenant compte des aspirations exprimées de la grande majorité des Togolais qui ont manifesté ou soutenu de diverses manières les manifestations de 2017. Il est encore temps.
G.A. / Liberté N°3317 du 01-02-21