L’information n’est pas encore officialisée, mais elle ne fait l’ombre d’aucun doute. Les autorités vont décréter un couvre-feu sur le District du Grand Lomé pendant la période des fêtes de fin d’année. Cette mesure est annoncée dans un contexte où certaines organisations de la société civile s’apprêtent à mobiliser les populations pour la libération des prisonniers politiques.
A la suite d’une réunion avec les maires et les leaders religieux de Lomé, le ministre de l’Administration territoriale a fait cas de l’intention du gouvernement d’imposer un couvre-feu à la capitale du 18 décembre au 03 janvier prochain. Il courra de 22h à 05h ou de 23h à 06h. Les messes et cultes se dérouleront, quant à eux, soit de 18h à 21h ou de 19h à 22h les 24 et 31 décembre. Pour ces deux jours, un réaménagement du couvre-feu devrait être effectué afin de laisser de la marge aux fidèles ayant participé aux messes ou aux cultes de rentrer chez eux. Aussi, les 50.000 bars installés sur le territoire national dont 30.000 à Lomé resteront fermés entre 18h et 06h.
« N’importe quoi !, « c’est pathétique et triste », « incroyable », sur les réseaux sociaux, les réactions qui ont suivi l’annonce du couvre-feu pour la période des fêtes de fin d’année résument le ressentiment de la majorité des Togolais, plus particulièrement les habitants de Lomé. Les micros-trottoirs orchestrés sur la Tvt n’en ont rien pu. Et pour cause, les motivations de cette mesure sont loin de convaincre.
L’autorité avance que sa décision est prise pour éviter une flambée de cas de Covid-19 après les fêtes de fin d’année comme ce fut le cas après la fête de Tabaski dans certaines régions du pays. « La situation que nous vivons actuellement avec la pandémie n’est pas une situation ordinaire. Ces périodes de fêtes qui viennent ne seront pas des fêtes ordinaires. Nous devons nous organiser pour que ces fêtes puissent avoir lieu sans augmentation de contamination. Ce qui nous permettra d’arriver
à la ligne de la victoire », avait déjà indiqué une semaine plus tôt, le Médecin- Colonel Djibril Mohaman, en charge de la Coordination nationale de la gestion de la riposte contre la Covid-19 au Togo.
Une mesure curieuse…
L’autre raison principale qui a conduit à cette mesure, selon le Cngr Covid 19, est la situation « un peu inquiétante » de Lomé où désormais on recense plus de 90% des tests positifs au coronavirus.
Mais pour nombre d’observateurs, cet argument ne tient pas debout. « Depuis plusieurs mois, on assiste à des rassemblements à Lomé. Les gens organisent des funérailles, des mariages et des remises de diplômes comme en temps normal. Ces différents événements rassemblent beaucoup de monde et la plupart du temps, les gestes barrières sont mises au second plan. Même constat dans les bars où les gens se livrent à des comportements pourtant interdits en ces périodes. Tout cela se passe au vu et au su des autorités mais rien n’a été décidé avant. Alors pourquoi prendre cette mesure maintenant ? », s’interroge un observateur. Et d’ajouter « pendant ce temps dans les pays en l’occurrence européens où la situation est encore alarmante, des aménagements sont prévus pour permettre aux gens de partager un peu de bonheur en cette période éprouvante ».
L’argument brandi par le pouvoir se trouve ainsi battu en brèche. Les motivations sont donc ailleurs. Et dans un contexte où le pouvoir est acculé de toute part après l’arrestation des deux leaders de la Dynamique Mgr Kpodzro et que des actions sont annoncées, le couvre-feu semble être une échappatoire pour le régime de Faure Gnassingbé.
Aujourd’hui, malgré les 72% des voix attribuées au Chef de l’Etat lors de la présidentielle de février, la capitale Lomé porte entièrement le terreau de l’illégitimité du pouvoir de Faure. Ainsi, réduire au silence Lomé signifie sans aucun doute, couper l’herbe sous le pied des organisations de la société civile dont l’appel à manifester pourrait être suivi par la population. Ce couvre-feu, présenté comme un enjeu sanitaire, semble être une décision de peur politique qui confirme que le contentieux électoral issu du 22 février 2020 qui pose clairement la question de légitimité du pouvoir de Faure. Ces risques restent entiers comme l’a si bien analysé le journal Fraternité dans sa parution de la semaine dernière.
FRATERNITE