Six mois après l’assassinat du Colonel Toussaint Bitala Madjoulba, ex-Commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR), les auteurs sont toujours en liberté. L’enquête confiée à Yark Damehame ne donne aucun indice d’avancement. Tout porte à croire que les assassins ne seront jamais connus.
Qui a assassiné le Colonel Toussaint Bitala Madjoulba dans son bureau ? La réponse à cette question cherche toujours preneur. Le 03 mai 2020, le Commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR) est assassiné. Son corps sans vie a été retrouvé le lendemain. C’était quelques heures seulement après le passage au 4ème mandat de Faure Gnassingbé. Effrayés, les officiers de l’armée togolaise renforcent leur sécurité et se bunkerisent. Il est aussitôt remplacé par le Lieutenant-Colonel Tchangani Atafaï.
Dans la préfecture de Doufelgou, localité d’origine du défunt, les populations organisent des manifestations pour exiger que la dépouille soit remise à la famille pour des cérémonies traditionnelles et que la vérité soit dite sur les circonstances de cette disparition tragique. Des cadres ressortissants du milieu ont été envoyés pour calmer leurs frères. Dans la foulée, Faure Gnassingbé a mis en place une commission d’enquête présidée par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Yark Damehame. Le Directeur Général de la Gendarmerie nationale (Colonel Yotroféi Massina), le Directeur Général de la Police nationale (Yaovi Okpaoul), le président de la FTF (Colonel Guy Akpovy), des officiers de la Police judiciaire et le frère du défunt, l’ambassadeur Calixte Madjoulba font partie de ladite commission.
Du côté de la famille de la victime, un membre a eu le courage de saisir le Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU par le biais de 3 avocats togolais résidant en Europe. La démarche du plaignant dont le nom n’est pas cité est d’amener le CDH à œuvrer pour que la lumière soit faite sur les circonstances de ce meurtre. Entre temps, des informations selon lesquelles des armes ont été récupérées auprès d’officiers et convoyées vers la France pour expertises balistiques ont été démenties par le ministre de la Sécurité. Cité par le journal Le Médium, le Général de brigade déclare que « Le Togo a effectivement demandé, dans le cadre de l’entraide pénale internationale, des expertises à la justice française. Mais la commission d’enquête n’a jamais envoyé des pistolets, mais des balles issues des tirs de comparaison et leurs étuis ».
Toutes ces actions peinent à porter des fruits. Six mois après ce drame, les assassins ne sont pas encore arrêtés et mis à la disposition de la justice. Ils sont toujours libres et trainent encore sûrement avec des armes à la ceinture. Sont-ils inquiétés ? Impossible d’y croire. Et pourtant, le fait que le meurtre ait eu lieu dans un camp de l’Armée réduit considérablement le champ des enquêtes. Les assassins du Colonel Madjoulba et leurs complices sont forcément des habitués des camps militaires, des gens pouvant avoir un accès facile à leur victime sans se faire contrôler. Le registre d’appels téléphoniques du défunt peut aussi être utile. Tous ces éléments doivent permettent à Yark Damehame et ses collègues d’avoir le portrait robot des assassins. Mais rien. Pas un seul communiqué pour dire que « les enquêtes se poursuivent », même si on sait que le président de la commission ne termine jamais ses enquêtes.
Ce silence conforte dans leur position ceux qui pensent qu’en réalité, Faure Gnassingbé a voulu étouffer l’affaire en mettant en place cette commission qui ne s’est peut-être jamais réunie. « Pour étouffer une affaire, il faut confier l’enquête à une commission », dit-on. D’ailleurs, la composition même de la commission montre que l’objectif poursuivie dans sa mise sur pied n’est pas de situer l’opinion, mais de la faire patienter indéfiniment. Sinon comment comprendre que le frère de la victime se retrouve dans cette commission. En cas d’enquête véritablement ouverte, ne va-t-il pas influencer le jugement de ses collègues ? Calixte Madjoulba qui est ambassadeur du Togo en France devrait-il abandonner son poste pour consacrer à l’enquête ? Et cette horde d’officiers, ne constitue-t-elle pas le premier cercle des personnes suspectes ?
G.A.
Source : Liberté