Après un mandat, le président George Weah organise l’élection et reconnait sa défaite
A ce propos, un ami me disait ceci : « Ce qui vient de se passer au Libéria est très instructif. L’Afrique de l’Ouest n’est pas autant mal en point pour ce qui concerne la démocratie et l’alternance ». Il n’a pas tort en parlant de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, cette réalité cache une grande disparité. L’Afrique de l’Ouest, c’est 15 pays dont 8 francophones, 5 anglophones et 2 lusophones.
Les pays où la démocratie fonctionne assez correctement et permet des alternances ces dernières années, ce sont essentiellement, le Bénin (même s’il y a quelques crispations ces derniers temps), le Cap-Vert (lusophone et vraie démocratie), le Ghana, le Libéria, le Nigéria, la Sierra Leone. On voit clairement que ce sont pour la plupart des pays non-francophones.
Quand on regarde les autres pays francophones, le tableau n’est pas brillant. Le Togo détient la palme d’or avec une dictature dynastique. C’est le seul pays de la zone n’ayant jamais connu d’alternance depuis 56 ans. Le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Guinée, 4 pays francophones sur 8, sont empêtrés dans les turbulences des coups d’Etat militaires et leurs conséquences. Concernant la Côte d’Ivoire, elle n’a jamais connu de changement pacifique à la tête de l’Etat, depuis l’indépendance. Quant au Sénégal enfin, le seul pays à n’avoir jamais connu de coup d’Etat militaire et qui a joui de plusieurs passassions de pouvoir de manière constitutionnelle, il vient d’échapper de justesse au syndrome du 3ème mandat avec son lot de victimes. On le voit nettement, en matière de démocratie et d’alternance, les pays francophones tirent la sous-région vers le bas.
Quand on regarde les pays non-francophones, avec un bilan de démocratisation relativement acceptable, et qu’on considère la situation instable dans les pays francophones, on ne peut donc pas exclure que ce qui pose aussi problème, c’est le modèle mis en place dans ces pays après la colonisation, notamment le soutien de l’ex-puissance coloniale, la France, à des dictateurs qui piétinent l’Etat de droit, les droits humains et les libertés. Ce qui a créé une culture du pouvoir absolu et illimité.
Mon ami a raison. La reconnaissance par le président George Weah de sa défaite est un geste instructif pour les pays francophones, alors que les pays anglophones et le Cap-Vert en ont l’habitude. Ce n’est en effet pas la première fois que ça se produit dans les pays non-francophones. Par exemple, cela a été le cas au Ghana avec le président John Dramani Mahama qui n’a fait qu’un seul mandat, et qui a pourtant reconnu sa propre défaite en félicitant son successeur Nana Akufo Addo. Sans compter tous les cas où les présidents quittent tranquillement le pouvoir après leur second et dernier mandat, favorisant ainsi une rotation démocratique du pouvoir. En la matière, les pays non-francophones donnent donc l’exemple et tire la région vers le haut.
Il a encore raison, mon ami, en disant que l’Afrique de l’Ouest n’est pas autant mal en point pour ce qui concerne la démocratie et l’alternance. En revanche, il faut préciser que les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest sont mal en point. C’est la conséquence de toutes les promesses de démocratie non tenues. Cette situation débouche finalement sur les coups d’Etat militaires à répétitions, eux-mêmes étant l’émanation directe des coups d’Etat constitutionnels et électoraux orchestrés par les chefs d’Etat eux-mêmes. C’est aussi de tout cela que découle la crise de confiance entre la jeunesse de l’Afrique de l’Ouest francophone et l’Etat Français.
Je considère que le geste d’élégance politique du président George Weah est une leçon. Celle d’un ancien footballeur, entré par effraction en politique, adressée aux grands professeurs et aux grands économistes, où simplement à tous les professionnels de la politique qui deviennent les premiers fossoyeurs de la démocratie, une fois au pouvoir.
Il n’est pas certain que « les présidents à vie » soient ouverts à cette leçon de leur pair. Néanmoins, plus il y aura dans la zone ce genre de fair-play, plus les récalcitrants seront isolés et soumis à une pression croissante. Les chefs d’Etat qui s’accrochent au pouvoir mènent un combat d’arrière-garde. S’ils persistent, ils seront tôt ou tard balayés, d’une façon ou d’une autre.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président du Parti des Togolais