On s’y attendait. Le miracle n’a pas eu lieu. Ce 1er octobre 2021, les députés de la 6ème législature ont encore joué leur rôle d’accompagnateurs inconditionnels du gouvernement. A l’unanimité, ils ont voté trois projets de loi soumis à leur appréciation. Il s’agit du projet de loi portant sur le code électoral, celui portant sur la décentralisation et les libertés locales, et, le dernier, sur les manifestations pacifiques publiques. Les trois projets de loi adoptés font partie des propositions d’amélioration du cadre électoral formulées par la fameuse Concertation nationale entre acteurs politiques (CNAP) dont les travaux se sont tenus de janvier à juillet 2021, dans une ambiance de rejet systématique des propositions émanant des vrais acteurs de l’opposition.
Que retenir de ces modifications ?
Relativement à la modification de la loi n°2012-002 du 29 mai 2012 portant code électoral, les changements introduits concernent, entre autres, les dispositions relatives à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la révision des listes électorales, l’authentification des bulletins de vote, le parrainage des candidats indépendants, l’élection présidentielle et les délais de dépôt des candidatures pour les élections régionales et municipales.
Les députés ont aussi modifié la loi n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales modifiée par la loi n°2018-003 du 31 janvier 2018 et la loi n°2019-006 du 26 juin 2019. Les principales modifications portent sur le nombre de conseillers par région et la composition du bureau exécutif du conseil régional, avec une augmentation du nombre de vice-présidents.
Selon l’ancienne mouture, notamment l’article 236, le nombre de conseillers par région est fixé comme suit : – vingt et un (21) pour les régions dont la population est inférieure ou égale à 1.000.000 habitants; – trente un (31) pour les régions dont la population est comprise entre 1.000.001 et 1.500.000 habitants; – quarante un (41) pour les régions dont la population est supérieure à 1.500 000 habitants. Aux termes du nouvel article, le nombre de conseillers par région est fixé comme suit : – vingt-cinq (25) pour les régions dont la population est inférieure ou égale à 900 000 habitants ; – trente un (31) pour les régions dont la population est comprise entre 900 001 et 1 400 000 habitants; – quarante-trois (43) pour les régions dont la population est comprise entre 1 400 001 et 2.000 000 ; – quarante-neuf (49) pour les régions dont la population est supérieure à 2 000 001.
L’article 274 qui stipule : « Le bureau exécutif du conseil régional est composé de : un président, un vice‐président, un rapporteur » a été aussi modifié. On lira désormais : « Le bureau exécutif du conseil régional est composé de : – Pour les régions de 21 conseillers : un président ; un vice-président ; un rapporteur. – Pour les régions de 31 conseillers : un président ; deux vice-présidents ; un rapporteur. -Pour les régions de 43 conseillers : un président ; trois vice-présidents ; deux rapporteurs. – Pour les régions de 49 conseillers : – un président ; – quatre vice-présidents ; – deux rapporteurs.
La troisième loi adoptée est celle portant modification de la loi n° 2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques publiques. Celle-là même qui a été modifiée en août 2019 et qui interdit quasiment la tenue des manifestations, surtout à caractère politique au Togo. Les modifications ont porté sur les articles 9-2, 12, 13 et 17. On retient que l’interdiction de manifestation dans certaines zones et sur certains axes n’a pas été supprimée. « L’objectif de la nouvelle proposition est de limiter le nombre d’axes et de zones pouvant faire l’objet d’interdiction systématique. Tout en conservant la possibilité d’interdire pour d’autres axes et zones si les circonstances l’exigent et ce au cas par cas », a déclaré Payadowa Boukpessi, ministre de l’Administration territoriale. Quant au début et à la fin des manifestations, les députés ont décidé que ce soit entre 8h et 17h. Le gouvernement avait proposé entre 8h et 18h.
Des modifications pour du néant
Les modifications tant chantées par le gouvernement comme l’innovation du millénaire ont été adoptées. Seulement, il est impossible de s’en réjouir puisqu’aucune amélioration n’a été apportée. En prenant par exemple la loi sur les manifestations, on se rend compte que le gouvernement campe sur sa décision d’interdire l’expression populaire à certains endroits du pays et à certaines heures. Une violation flagrante dénoncée depuis août 2019 par les partis politiques de l’opposition, la société civile togolaise ainsi que les organisations internationales de défense des droits de l’homme.
Il nous souvient qu’à la suite de la modification de la loi dite Bodjona, les Rapporteurs des Nations Unies sur les droits de l’homme ont demandé au gouvernement de procéder à une relecture de la loi. Dans une lettre adressé à Faure Gnassingbé et compagnie, les rapporteurs ont exprimé les inquiétudes de l’ONU par rapport aux restrictions introduites suite à la modification de la loi par l’Assemblée nationale. Ils ont indiqué que les dispositions de cette loi sont susceptibles de «restreindre considérablement la jouissance des droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, et à la liberté d’expression ».
Le silence du gouvernement par rapport à cette exigence a duré deux années. Ce n’est que dans le cadre du récent Examen périodique universel (EPU) que, craignant des remontrances, le ministre en charge des droits de l’homme, Christian Trimua s’est fait tout petit devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU en annonçant une relecture de la loi sur les manifestations pacifiques.
«Bonne nouvelle: devant le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, le Togo reconnait que les modifications de la loi sur les manifestations publiques sont contraires aux dispositions du Pacte international pour les droits civils et politiques. La délégation de l’Etat annonce même une réflexion en cours dans le sens d’une prochaine modification de ladite loi. Félicitations au gouvernement pour son désir de se conformer (enfin) aux standards. Félicitations aux ONG pour le plaidoyer en vue de mettre cette question à l’agenda des travaux du Comité », écrivait sur sa page Facebook André Kangni Afanou, Coordinateur Afrique Centrale et de l’Ouest du Centre pour les Droits Civils et Politiques (CCPR).
Avait-il raison de se réjouir ? Oui, si l’on considère qu’un membre du gouvernement ne devrait pas l’ouvrir pour dire des mensonges. Mais connaissant la crainte des manifestations par Faure Gnassingbé et ses collaborateurs, il fallait agir comme le disciple de Jésus du nom de Thomas. Tout compte fait, le gouvernement vient de montrer qu’en aucun cas, il ne cédera jamais de gré sur cet acquis que constitue l’interdiction des manifestations. Finalement, le Coordinateur Afanou s’était réjoui pour peu de chose.
G.A.
source : Liberté