Violences de 2005, présidentielle de 2015 et impunité au Togo
. Un coup de pousse au dossier des plaintes des victimes de 2005
Me Zeus Ajavon, avocat au Barreau du Togo admis parmi les avocats de la prestigieuse Cour pénale internationale (Cpi), le cauchemar des dictateurs « nègres ». L’information a été révélée depuis la fin de semaine dernière. Voilà de ces nouvelles qui devraient faire la fierté des Togolais qu’un compatriote (de plus) connaisse une telle promotion. Mais elle ne devrait pas réjouir tout le monde, surtout du côté du pouvoir Faure Gnassingbé. Simple geste, mais grande portée, devrait-on résumer.
Une nouvelle occultée par les caisses de résonance du pouvoir
Une telle annonce devrait faire la fierté de tous les Togolais, disions-nous, d’autant plus que n’est pas admis parmi les avocats de la Cour pénale internationale (Cpi) qui veut. C’est simplement la reconnaissance mondiale des compétences et des qualités intrinsèques de l’avocat togolais, n’en déplaise à un JMP (Journaliste en mission pour le pouvoir) qui l’a peint comme un vaurien – suivez les regards. Zeus Ajavon vient ainsi s’ajouter à son confrère et compatriote, Jil-Benoît Afangbédji qui l’a précédé quelques mois plus tôt dans cette cour.
Avec ces bonnes nouvelles, ces deux avocats élèvent simplement le Togo et devraient mériter tous les honneurs. Mais comme dans le cas de Me Jil-Benoît Afangbédji, la nouvelle de l’admission de Me Zeus Ajavon a été savamment occultée par les caisses de résonance du pouvoir ; alors que de pareilles informations de promotion d’autres compatriotes dont des juges proches du pouvoir dans les instances internationales ont été bien rapportées. C’est le contraire qui devait étonner, car il s’agit là des opposants au pouvoir en place.
La portée de l’admission de Zeus Ajavon à la CPI
Des avocats admis sur la liste des conseils de la Cpi, ce n’est pas un événement dans certains pays qui en comptent peut-être des dizaines. Mais s’agissant du Togo, c’en est un que d’enregistrer des compatriotes parmi les avocats de cette prestigieuse (sic) cour qui poursuit les gens pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, torture et autres. Et Zeus Ajavon, le dernier admis n’est pas qu’un avocat.
Il s’agit aussi du Coordonnateur du Collectif « Sauvons le Togo », un regroupement de partis politiques et d’associations de la société civile en lutte pour la promotion de l’Etat de droit, du respect des droits de l’Homme, de la promotion de la bonne gouvernance dans tous les domaines, l’organisation des élections transparentes et équitables au Togo. Parlant des droits de l’Homme, on a là un (ancien) président du Collectif des associations en lutte contre l’impunité au Togo (Cacit). Et c’est à ce niveau que son admission parmi les conseils de la Cpi est intéressante (sic).
Il n’est plus à la tête de la structure depuis décembre 2012, mais en est toujours membre actif, et les actions entreprises dans le sens de la lutte contre l’impunité devront suivre leur cours. On se rappelle, c’est sous sa présidence que plein d’initiatives ont été prises, nommément dans le sens de la poursuite des auteurs des violences électorales d’avril 2005 qui ont coûté la vie à un millier de compatriotes. Le Cacit avait récupéré le dossier et déposé un certain nombre de plaintes au nom des victimes. Devant l’inaction des tribunaux togolais, la structure est allée jusqu’à en déposer à la Haye auprès de l’« épouvantable » Cour pénale internationale. « Naturellement, nous avons déposé des plaintes (à la Cpi, Ndlr). Puisque les juridictions togolaises ne veulent rien faire en ce sens. Il n’y a pas le moindre indice d’évolution. Il y a eu des velléités à Atakpamé, mais le juge a été muté. A Lomé, rien. A Amlamé, les choses ont semblé bouger et puis, plus rien. Cela veut dire qu’il y a une volonté politique manifeste de mettre fin au processus. Devant cette situation, nous avons recouru aux instances judiciaires internationales, notamment la Cour Pénale Internationale», avait déclaré en mars 2011 Me Zeus Ajavon. Et de répondre à ceux qui évoquent le fait que le Togo n’ait pas signé le Statut de Rome pour faire croire que ces plaintes ne sauront être instruites : « Vous savez, ça me fait rire. C’est une interprétation erronée de la chose. Il vaut mieux signer les statuts de Rome que de ne pas les avoir signés. Il y a certaines catégories de crimes qui, quelle que soit la situation du pays par rapport à la Cour pénale internationale, nécessitent l’intervention de celle-ci. Ce sont des crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les crimes de génocide. Tout ce qui est de nature à troubler la paix et la sécurité internationales. Or les crimes que nous avons identifiés et qui font objet de la présente plainte se retrouvent parmi ces catégories de crimes. Du coup, que le Togo ait signé ou non les statuts de Rome, la Cour va intervenir ».
Des observateurs relevaient un problème réel ou supposé de non maitrise des procédures de la Cpi pour justifier le fait que les plaintes déposées auprès d’elle par les victimes des violences de 2005 par le biais du Cacit ne soient pas instruites jusqu’à présent, alors que des dossiers récents comme ceux de Laurent Gbagbo et compagnie connaissent déjà des suites. Que ces allégations soient fondées ou non, il est évident qu’avec l’admission de Me Zeus Ajavon sur la liste des conseils de la Cpi, il va mieux maitriser les rouages de l’administration de cette Cour et donc ses procédures. Toute chose qui participera à booster l’instruction des plaintes du Togo relatives à ces violences déposées devant ses instances, surtout que l’homme est avocat des victimes. Au finish, ce sont les assassins et leurs commanditaires qui doivent avoir le feu au c…« Les victimes de l’élection présidentielle de 2005 ont déjà monté un dossier que j’ai envoyé à la CPI par d’autres avocats. J’irai vérifier moi-même l’état d’avancement de ce dossier », a déclaré ce mardi Me Zeus Ajavon sur les ondes de Victoire Fm. Et d’ajouter que son admission «va faciliter l’accès des Togolais qui veulent saisir la Cour pénale internationale. Si un Togolais se sent lésé dans ses droits relevant de la compétence de la CPI, désormais, il lui sera plus facile de saisir la CPI par un avocat togolais que d’aller saisir un avocat béninois, belge, français. L’avocat togolais est sur le territoire togolais et il est plus facile d’aller saisir un avocat togolais que d’aller en France le faire ».
Contexte et présidentielle de 2015
Coïncidence ? La bonne nouvelle concernant Me Zeus Ajavon tombait quelques jours seulement après une sortie du Cacit. La structure en lutte contre l’impunité au Togo rencontrait en effet les professionnels des médias le 11 mars dernier pour porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale, des informations relatives à l’accompagnement des victimes de violations des droits de l’homme lors de la période électorale en 2005.
C’était l’occasion pour ses responsables de rappeler que le Cacit a déposé soixante-douze (72) plaintes devant les tribunaux à Lomé, Atakpamé et Amlamé, pour le compte de certaines victimes de 2005 et mené des actions de plaidoyer pour leur instruction. Mais c’est avec amertume qu’ils ont informé le public que jusqu’alors, « les 72 plaintes n’ont pas connu un début d’instruction ». Et ce, malgré le recours à la Cour de justice de la Cedeao qui avait demandé, elle aussi, une instruction des plaintes déposées. Le Cacit a voulu simplement « rappeler l’engagement de l’Etat à respecter les décisions de la cour communautaire », et l’inviter à tout faire pour « instruire instamment » les plaintes. « Nous nous inscrivons dans la logique de la réconciliation. Et une réconciliation ne peut se faire sans la justice », a indiqué Spéro Kodjo Mahoule, le président du conseil d’administration du Cacit. « Le Cacit demande à l’Etat togolais d’ouvrir les dossiers des victimes de 2005 », a requis Me Ata Zeus Ajavon, avocat des victimes.
Une sortie et une nouvelle d’admission de Zeus Ajavon qui tombent à pic car coïncidant avec des informations suspectes et alarmantes se situant dans le cadre des préparatifs de la très cruciale élection présidentielle de 2015. Il s’agit de la militarisation de la Gendarmerie nationale, avec le déploiement de huit (08) officiers des Forces armées togolaises (Fat), et l’envoi de gendarmes pour suivre des formations militaires à Kpéwa. Tout ceci en perspective de la présidentielle de 2015. Le hic ici, c’est qu’il y a dans le lot des officiers impliqués dans la répression de 2005. Au même moment, des indiscrétions parlent de la résurrection de milices du pouvoir, toujours en perspective de ce scrutin. Et quand on a à l’œil le millier de morts causées en 2005 et se rappelle que c’est l’impunité totale pour les bourreaux, on a toutes les raisons de se faire du mauvais sang.
Tino Kossi
Liberté Togo
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