« La perversion, ça consiste à retourner toutes les valeurs et à appeler mal ce qui est bien ou noir ce qui est blanc » (Michel Tournier)
La vision de la CEDEAO est d’aller au-delà de la CEDEAO des Etats pour asseoir une CEDEAO des peuples susceptible d’impacter positivement les conditions de vie des citoyens dans l’espace. Mais cette vision, aussi noble soit-elle, peine à se traduire dans les faits. Les dirigeants du bloc sous régional ne sont guère préoccupés par l’épanouissement de leurs compatriotes. Ils ne perçoivent en fait que leurs propres intérêts.
« La CEDEAO continue à agir contre son propre slogan. Le statu quo actuel procure beaucoup de confort et de jouissance à quelques individus, ce qui continue de plomber le développement des pays et de retarder toute la sous-région », déplorait Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais.
Dans le syndicat des chefs d’Etat est né un nouveau club : les adeptes du troisième mandat présidentiel. Un club dirigé de main de maître par le jeune doyen Faure Gnassingbé qui a enregistré quelques adhérents et au portillon duquel se bousculent d’autres dirigeants. Le président togolais, chef d’orchestre du syndrome du 3ème mandat, se transporte de pays en pays pour assister à l’investiture des nouveaux membres comme pour leur donner son onction, sa bénédiction.
Le doyen des chefs d’Etat et chantre du troisième mandat trônait au premier rang au palais présidentiel d’Abidjan le 14 décembre 2020 à l’occasion de la cérémonie d’investiture d’Alassane Ouattara, nouveau membre du club, élu avec un score à la soviétique de 94,27%. « À78 ans, Alassane Dramane Ouattara, ADO, entame sa carrière de dictateur en Côte d’Ivoire, et il bat tous les records en Afrique francophone du nouveau millénaire. Oui, à 94,27%, même au Togo et en Corée du Nord, l’on trouvait le score de la présidentielle un peu trop exagéré », raille Pierre Adjété.
S’il est de notoriété que la présidentielle du 31 octobre était tout sauf démocratique, une brochette de dirigeants solidaires dans le mal s’étaient déplacés à Abidjan pour apporter leur soutien indéfectible au sous-préfet français.
Après Abidjan, Faure Gnassingbé a mis le cap sur Conakry où il a assisté également à la prestation de serment du vieux Alpha Condé. La présence du jeune doyen à ces cérémonials avait pour vocation de ceindre de lauriers le front de ses pairs comme membres à part entière du club du troisième mandat. Comme la présidentielle en Côte d’Ivoire celle qui a consacré l’octogénaire dictateur guinéen relève d’une entourloupe. En matière de parodie électorale, le jeune doyen togolais est un champion. C’est lui qui a initié les nouveaux syndiqués qui ont signé leur adhésion au club.
D’autres chefs d’Etat comme George Weah, Adama Barrow, Nana Akufo-Addo, Roch Marc Christian Kaboré ou encore Macky Sall ne verraient pas d’un mauvais œil l’opportunité d’adhérer à ce syndicat qui prône le troisième mandat, une tentation qui crée, selon le think tank Afrikajom, « le syndrome de la présidence à vie, nouvelle pathologie de la démocratie».
Adama Barrow et George Weah sont au cœur d’un fort soupçon de vouloir se représenter pour un troisième mandat. Nana Akufo-Addo qui s’est frauduleusement offert un second mandat pourrait nourrir le même dessein. Malheureusement pour lui, la Constitution est si cadenassée que « si le diable lui-même venait gouverner, certaines procédures l’empêcheraient de faire ce qu’il veut. »
Médard AMETEPE
Source : Liberté