Les rues vont recommencer à gronder cette semaine, sauf annulation de dernière minute ou empêchement, à la faveur des marches et des meetings programmés par la Coalition de l’opposition. Il s’agira d’une reprise des manifestations, après une pause qui aura duré deux mois environ. Tout compte fait, il y a de l’électricité dans l’air et l’on peut redouter un retour à la case départ…
C’est assez clair comme message ! | Photo :DR
Les manifestations maintenues
Les manifestations devraient reprendre ce mercredi et se poursuivre jeudi et samedi, sur toute l’étendue du territoire national. Trois jours de marches suivies de meetings donc. A Lomé, les manifestants sont censés partir de trois nouveaux points de départ et chuter sur l’esplanade du Collège du Plateau à Tokoin Casablanca.
Les revendications restent les mêmes: retour à la Constitution de 1992, réformes électorales, vote de la diaspora, déverrouillage des institutions de la République. Par cette reprise des manifestations, la Coalition de l’opposition entend dénoncer le maintien de l’Etat de terreur sur les villes de l’intérieur du pays, la non libération de tous les détenus politiques, la poursuite de la préparation unilatérale du processus électoral par le pouvoir malgré l’engagement pris de l’arrêter dans le cadre du dialogue et exiger le départ immédiat de la société ZETES spécialisée en fraudes électorales. Elle entend permettre, par ces manifestations, aux populations d’exprimer leur ras-le-bol et mettre en demeure le pouvoir.
Cette reprise de la pression populaire, ils sont nombreux, les Togolais à la souhaiter face au non-respect par le RPT/UNIR de ses engagements et à la poursuite de la préparation unilatérale du processus électoral. Mais tiendra, ou tiendra pas? La question se posait d’autant plus que c’est la troisième fois que la Coalition tenterait de manifester depuis le début du dialogue. Mais les deux premières fois, elle a fini par annuler le programme, sur requête du Facilitateur qui a demandé du temps pour faire entendre raison au pouvoir RPT/UNIR. Mais visiblement, cette fois-ci sera la bonne… En tout cas, la Coalition maintient les manifestations malgré tout.
Une délégation de la Coalition à Accra hier
Une délégation de la Coalition composée de sept (07) leaders était hier à Accra au Ghana. Il s’agit de Jean-Pierre Fabre de l’ANC, Brigitte Adjamagbo-Johnson de la CDPA, Yaovi Agboyibo du CAR, Dr Kossi Sama du PNP, Pr Komi Wolou du PSR, Nathaniel Olympio du Parti des Togolais et Nicodème Habia de Les Démocrates. Hasard de calendrier ?
L’information d’un déplacement de la Coalition sur la capitale ghanéenne circulait depuis la suspension de la séance des discussions le 23 mars dernier. Faut-il le rappeler, une délégation du pouvoir était à Accra la semaine qui a suivi, dans le cadre de la poursuite des consultations annoncée par le Facilitateur, et la Coalition y était aussi attendue. Mais son déplacement à Accra hier coïncide avec l’annonce de la reprise de ses manifestations cette semaine. Et certains voient légitimement une manœuvre du Facilitateur pour la dissuader à nouveau de reprendre la rue.
Ils sont nombreux à conseiller aux leaders de la Coalition de ne plus surseoir au programme des manifestations et voir en cette démarche répétée à la veille des marches une façon pour Nana Akufo-Addo de les couillonner, avec dans l’ombre le pouvoir de Lomé qui tire les ficelles. Comme ce compatriote sur la toile : « Mais pourquoi ces leaders de l’opposition s’obstinent à vouloir sciemment se faire mener en bateau? (…) En tout cas, ne revenez pas nous dire que le Président du Ghana a demandé une fois encore au peuple togolais de surseoir aux manifestations afin de…..je ne sais pas ».
Mais plus de peur que de mal, la Coalition a décidé de maintenir ses manifestations. Elle annonce même une conférence de presse pour ce matin au siège de la CDPA, pour faire le compte rendu de son déplacement sur Accra et confirmer la tenue des manifestations.
Retour à la case départ
Le signe particulier des manifestations de contestation tenues par la Coalition de l’opposition, c’est la répression qui les accompagne. La soldatesque est souvent déployée aux trousses des manifestants ou des populations en général, tire sur les citoyens à mains nues ; elle est aidée au besoin par les milices appelées avec euphémisme groupes d’autodéfense. Les morts se comptent déjà par dizaines. Il faut redouter des tensions, avec la reprise demain.
Dans le cadre de ces manifestations, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales a écrit le vendredi 6 avril dernier à la Coalition de l’opposition pour lui notifier une interdiction tacite, toujours au nom de la clause de suspension des manifestations durant le dialogue. « (…) Toutes les parties prenantes au dialogue doivent respecter les recommandations du Facilitateur en ce qui concerne la suspension des manifestations durant le dialogue. En conséquence, le gouvernement ne peut donc pas se rendre complice de la violation des recommandations du Facilitateur en laissant les manifestations, objet de votre lettre, se faire », a signifié Payadowa Boukpessi.
Comme depuis un moment, le pouvoir va sans doute se fonder sur ce prétexte pour empêcher les marches et meetings d’avoir lieu, comme il l’a fait avec les responsables du Front citoyen Togo Debout ce samedi, ou simplement déployer la soldatesque pour les réprimer. Mais au niveau de la Coalition de l’opposition, on ne compte pas se plier à ce coup de force. Concernant le déplacement d’Accra, il nous revient que, contrairement aux fois précédentes, c’est l’opposition elle-même qui aurait sollicité cet échange avec le Facilitateur, pour lui « signifier de vive voix le retrait de son engagement de ne pas manifester durant le dialogue » dont le pouvoir fait une disposition constitutionnelle qu’il oppose à toutes les organisateurs de manifestations publiques, et lui annoncer ses intentions de retrouver la rue.
On tend inexorablement vers un bras de fer entre le pouvoir et l’opposition, le retour des tensions politiques avec leurs suites, la case départ…Par voie de conséquence, les portes du dialogue sont en train d’être fermées. Tout cet arrêt observé et toutes ces tractations au registre des discussions n’auront donc servi à…rien.
Tino Kossi
Source : Liberté