En attendant de trouver les voies et moyens pour relancer la lutte politique, l’opposition togolaise continue de ressasser le passé. Et c’est l’époque du Collectif Sauvons le Togo (CST) qui est au centre des attentions. Me Zeus Ajavon qui s’attaquait à Agbeyome Kodjo dernièrement a eu la réponse immédiate du MPDD, le parti présidé par le candidat de la Dynamique Mgr Kpodzro à la dernière élection présidentielle. Et toujours au sujet du CST, l’on apprend que Me Ajavon a négocié une transition avec Faure Gnassingbé.
Nous sommes en 2012. Le Collectif Sauvons le Togo (CST), constitué vers la fin de l’année 2011, a réellement démarré ses activités. Ce regroupement avait en son sein des partis politiques tels que l’Alliance nationale pour le changement (ANC, de Jean-Pierre Fabre), le parti OBUTS, devenu le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD, d’Agbeyome Kodjo), le MRC de Abass Kaboua, le Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), l’Alliance des démocrates pour un développement intégral (ADDI, d’Aimé Gogué), notamment.
Le CST comptait également dans ses rangs plusieurs organisations de la société civile dont la Ligue togolaise des droits de l’homme, le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) présidé à l’époque par Me Zeus Ajavon. Et pour éviter les guéguerres entre les leaders de l’opposition togolaise, rongés par un conflit de leadership, les initiateurs de cette coalition ont décidé de mettre Me Zeus Ajavon à la tête de la lutte.
Le 12 juin 2012, le CST devrait opérer sa première grande manifestation de rue. La sensibilisation a été telle qu’aucun échec n’était envisageable. L’objectif était d’investir les rues jusqu’au départ pur et simple du pouvoir de Faure Gnassingbé, dont la réélection en 2010 pour un 2e mandat était contestée tous les samedis par le Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) ayant soutenu Jean-Pierre Fabre à la présidentielle de 2010. Le FRAC avait été rejoint dans les rues aux lendemain du scrutin par Agbeyome Kodjo et son parti.
De l’autre côté, le CAR, la CDPA, le NET, le PDP, Santé du Peuple, le MCD, l’UDS-Togo… avaient formé à leur tour la Coalition Arc-en-ciel qui prenait également part au débat politique de l’époque.
Très confiant pour la réussite de la manifestation du 12 juin 2012, Me Zeus Ajavon, alors Coordonnateur du CST, a pris l’initiative d’aller discuter avec Faure Gnassingbé. Cette rencontre est revenue au-devant de l’actualité depuis quelques jours.
Transition démocratique ou gouvernement d’union
Dans un communiqué des forces du consensus démocratique en date du 23 février 2020, Me Zeus Ajavon avait reconnu la « victoire » d’Agbéyome Kodjo à la dernière élection présidentielle. Mais réagissant 6 mois plus tard sur le sujet, l’ancien Professeur des Universités togolaises a émis ses doutes au sujet de « cette victoire ». Il a aussi envoyé quelques pics à l’ancien Premier ministre mettant en doute son engagement au sein du CST.
Le MPDD a rapidement réagi indiquant que Me Zeus est celui qui a vendu la lutte en allant discuter secrètement avec Faure Gnassingbé quelques jours avant les monstres manifestations de juin 2012. Cette position est soutenue par une actrice de la société civile qui était l’un des artisans de la création du CST.
Si Me Zeus Ajavon ne nie pas cette rencontre avec Faure Gnassingbé, il rejette toute accusation de pacte avec l’ »ennemi ».
« Les gens disent qu’on m’a donné de l’argent. Si je n’ai pas pris l’argent du feu Gnassingbé Eyadema, est-ce que c’est celui de son fils que je vais prendre ? Je n’ai pas pris de l’argent avec son père. Eyadema m’en a offert, mais je n’ai pas pris. Ce que je n’ai pas pu prendre avec le père, est-ce que c’est avec le fils je vais prendre ça ? Que les gens arrêtent de dire n’importe quoi. Personne ne sera jamais suffisamment assez riche pour acheter ma liberté », se défend l’avocat.
Revenant sur le fond des échanges avec Faure Gnassingbé, l’ancien président du CACIT affirme avoir proposé à Faure Gnassingbé de travailler ensemble avec l’opposition pour « arranger le pays ».
« … Il m’a reçu en tête à tête. Je lui ai dit : Monsieur le président s’il vous plait, on va se mettre ensemble pour arranger notre pays. Il m’a regardé sans rien dire. Alors j’ai dit : Monsieur le président, si vous ne dites rien, nous irons à Deckon. Et il m’a répondu : Vous n’irez pas à Deckon. Je lui ai répondu : Monsieur le président, on ira à Deckon. Et je suis parti », a révélé Me Zeus Ajavon.
Selon plusieurs autres sources bien introduites au sein du pouvoir UNIR, nous apprenons que Me Ajavon avait clairement proposé à Faure Gnassingbé de consentir à engager « le pays sur la voie d’une transition démocratique ou tout au moins à former un gouvernement d’union nationale » pour mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et institutionnelles réclamées à l’époque.
Les propositions de Me Zeus Ajavon n’ont pas prospéré. Mais la rencontre entre Gnassingbé et Ajavon n’a pas fini de livrer tous ses secrets.