Après le premier tour de l’élection présidentielle qui s’est déroulée le 14 mai dernier en Turquie, un face-à-face s’impose entre le président sortant Recep Tayyip Erdogan et son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu, arrivé deuxième. Aucun des deux candidats n’ayant obtenu la majorité des voix, tout est à refaire, et tout est encore possible tant du côté du président islamo-conservateur (qui a mieux fait qu’annoncé dans les sondages), que du côté du social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, cet ancien haut fonctionnaire de 74 ans que les instituts de sondage donnaient gagnant au premier tour et derrière qui se sont rangées six formations de l’opposition. Pas de bol, il lui faudra, avec ses 45% des voix du premier tour, la jouer fine durant les campagnes du second tour afin de coiffer au poteau le 28 mai prochain un Erdogan qui n’a pas dit son dernier mot. Il n’empêche que ce scrutin est salué de part et d’autre, à l’instar des présidents de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du Conseil européen Charles Michel. Quand la première salue la «très forte participation» de ces élections, gage d’une «victoire» pour la démocratie en Turquie, le second, lui, n’a pas manqué de féliciter les citoyens turcs. Le ministre togolais des Affaires étrangères ne pouvait pas ne pas ajouter son grain de sel dans ce concert de réactions, diplomatie oblige.
Robert Dussey a exprimé son « admiration pour la maturité démocratique de la nation turque, qui a été prouvée par le taux de participation élevé aux élections » avant de souhaiter «le succès aux deux candidats qui participeront aux élections du 28 mai ». Quoi de plus normal pour un diplomate d’apprécier une démocratie, toute turque qu’elle est ? Mais une telle assertion venue d’un ministre des Affaires étrangères d’un pays sans cesse en délicatesse avec la démocratie, voilà qui peut faire perdre la tramontane. Non pas que la déclaration elle-même soit fausse, mais parce que celui qui affirme ces belles choses n’est rien moins que l’un des bras armés de la république bananière qui continue de retarder les Togolais dans leur marche vers l’alternance politique, autrement dit vers la « maturité démocratique de la nation » turque dont il tresse des lauriers en homme qui connaît les bonnes choses sans travailler à leur réalisation chez soi. L’ironie de l’histoire veut que le même Robert Dussey qui fait son diplomate à deux balles sur le globe, soit l’auteur d’un essai au titre on ne peut plus évocateur : L’Afrique, malade de ses hommes politiques. Robert Dussey, c’est ce bon vieil apothicaire qui connaît ses breuvages par cœur, en maîtrise les vertus comme personne, mais qui a du mal à les prescrire à ses proches quand ceux-ci viennent à tomber malades. Un apothicaire en carton-pâte pour être gentil. C’est pour le moins pathétique, pour un docteur en philosophie politique.
DKM
Source: Le Correcteur / lecorrecteur.info