L’opposant revient sur son positionnement et celui de son parti au sein de l’Assemblée nationale, sur son expérience de député, mais aussi sur ses regrets. Et explique comment il se prépare aux prochaines législatives… En attendant la présidentielle de 2030.
Élu député lors des législatives de 2018, Gerry Taama, le fondateur du Nouvel engagement togolais (NET, 3 sièges) préside le groupe parlementaire NET-Parti des démocrates panafricains (PDP, 1 siège). À 48 ans, l’ancien officier revient pour Jeune Afrique sur son premier mandat au sein de l’Assemblée nationale, sur le positionnement et le rôle de son parti au cours de la législature qui s’achève et explique comment il entend changer la donne en préparant les prochaines législatives qui doivent se tenir d’ici à la fin de l’année 2023.
Jeune Afrique : Que retenez-vous de l’action de votre parti au cours de cette Vie législature ? Gerry Taama : Le bilan est mitigé. Nous sommes entrés à l’Assemblée nationale avec l’envie de faire en sorte que, pour une fois, elle soit à l’initiative de propositions de loi. Nous en avons introduit trois qui, malheureusement, n’ont pas quitté le bureau de l’Assemblée. C’est un véritable regret. Néanmoins, nous sommes les députés qui ont le plus souvent interpellé le gouvernement, avec 39 interpellations en près de cinq ans.
Que retenez-vous de votre première expérience de député ?
Que tout est à apprendre, car il n’y a pas d’école où l’on s’initie à la légistique. J’ai appris à entretenir des relations avec mes collègues députés appartenant à d’autres obédiences politiques et, surtout, à composer et à faire des concessions avec la majorité présidentielle – l’Union pour la République (Unir), qui compte 59 députés sur 91.
« Pour certains, le simple fait d’avoir participé aux législatives de 2018 est une traîtrise »
Je m’attendais à ce que, avec une présidente de l’Assemblée et des présidents de groupes jeunes, les débats soient plus dynamiques. Mais ce n’est pas le cas. Ce qui ne nous a cependant pas empêchés de travailler, chacun avec les particularités de son parti.
On a eu des moments difficiles au départ, mais on a appris à se connaître et à se respecter. Et nous avons travaillé pour trouver des compromis, souvent hors de la sphère de l’Assemblée, avant des plénières. J’ai gagné en maturité et je retiens que l’on peut obtenir un minimum qui peut agir sur le maximum : c’est le cas des amendements que nous avons apportés aux projets de loi du gouvernement.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que les députés, en particulier ceux du NET, sont des « satellites » de la majorité présidentielle ?
Pour certains, le simple fait d’avoir participé aux législatives de 2018, alors qu’une coalition de partis d’opposition [l’alliance C14] estimait que les conditions n’étaient pas réunies, est une traîtrise. Je ne leur en tiens pas rigueur.
Mais il est important de prendre en compte les élections locales de 2019, auxquelles ont participé ces mêmes partis politiques qui soutiennent que les conditions d’un scrutin transparent ne sont pas réunies. Pourtant, les règles n’ont pas évolué. Dans les circonscriptions, nous avons affronté ces partis, ainsi que le parti présidentiel, et avons obtenus 33 sièges de conseiller municipal, ce qui fait du NET le troisième parti de l’opposition en nombre d’élus locaux.
« Nous envisageons de dépasser le seuil de dix députés aux prochaines législatives »
Donc, cinq ans plus tard, dire que des députés sont « nommés » ou « opportunistes » parce qu’ils auraient profité du boycott des élections n’a plus de sens. En outre, depuis le début de cette législature, c’est le NET, en l’occurrence moi, Gerry Taama, qui fait l’opposition dans notre pays. Je peux même être considéré comme son chef de file « virtuel », en attendant les prochaines législatives.
Justement, qu’attendez-vous de ce scrutin, auquel devraient participer presque toutes les formations ?
Depuis 2018, nous organisons des activités politiques et sociales et nous sommes sur le terrain au quotidien – pendant la pandémie de Covid-19, nous avons même transformé le siège de notre parti en atelier de couture. Nous sommes toujours en campagne. Pour ces prochaines législatives, nous envisageons de dépasser le seuil de dix députés et, pour les régionales, nous comptons atteindre le seuil de 10% des conseillers.
Si votre parti obtenait la majorité à l’issue des législatives, que changeriez-vous ?
D’abord, nous voulons renforcer le contrôle de l’action parlementaire en constituant des commissions d’enquête parlementaires, ce qui n’a jamais été fait – et qui aurait pu l’être sur le rapport de gestion de la crise liée au Covid-19, dans lequel la Cour des comptes a relevé plusieurs irrégularités. Ensuite, pas plus de la moitié des textes de loi ne doit émaner du gouvernement, pour que le rôle des élus ne se réduise pas à lever la main.
Enfin, nous allons insister sur les actions de terrain des députés, avec une clause permettant à l’Assemblée de se rendre dans des communautés avec les députés de cette circonscription. Nous souhaitons aussi multiplier les sessions délocalisées (il n’y en a eu que deux en cinq ans).
Vous voyez-vous président de la République en 2030 ?
Oui, c’est possible si je regarde la progression de mon parti. Il est né en 2012 et a depuis participé à toutes les élections, sauf à la présidentielle de 2020. D’ici à 2025, nous devrions représenter 25 % de l’électorat et, avec le passage à la présidentielle à deux tours, nous pourrons atteindre 35% en 2030 et avoir toute l’opposition derrière nous pour prendre le pouvoir.