Cela fait une semaine que les journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou sont détenus à la prison civile de Lomé après une publication erronée sur les réseaux sociaux. Reporters sans frontières (RSF) condamne une privation de liberté abusive et appelle les autorités à les libérer immédiatement, et à cesser la répression contre les journalistes.
Deux journalistes togolais sont détenus depuis déjà une semaine pour une publication sur les réseaux sociaux. Le directeur de publication du journal le Flambeau des démocrates, Loïc Lawson, et le journaliste indépendant Anani Sossou sont poursuivis pour « diffamation », « atteinte à l’honneur » et « incitation à la révolte » à la suite d’une publication sur les réseaux sociaux. Le premier a écrit sur son compte X (ex-Twitter) que le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, Kodjo Adedze, s’était fait voler 400 millions de francs CFA (environ 600 000 euros) chez lui. Le second a repris ce montant et s’est également interrogé, sur Facebook, sur la provenance de cet argent.
Le ministre, qui avait lui-même déclaré le cambriolage dont il avait été victime à la police, sans rendre le montant public, est à l’origine de la plainte contre les journalistes.
Convoqués le 13 novembre 2023 à la brigade de recherches et d’investigation (BRI) à Lomé, les deux journalistes ont tous deux reconnu avoir publié l’information du vol avec une surestimation du montant subtilisé. Ils ont été incarcérés à la prison civile de Lomé deux jours plus tard. La date de leur audience n’est pas encore connue.
La détention de ces deux journalistes depuis une semaine pour des publications sur les réseaux sociaux est en tout point abusive. Les délits de presse comme la diffamation ne devraient jamais être passibles d’emprisonnement. Outre cette accusation de diffamation, le recours à celle de l’incitation à la révolte est gravement disproportionné. RSF appelle les autorités à libérer immédiatement Loïc Lawson et Anani Sossou. La répression contre les professionnels des médias doit cesser.
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Bien que le Code de la presse ne prévoit plus de peine privative de liberté depuis 2004, les réseaux sociaux restent exclus de son champ d’application, permettant ainsi aux propos diffusés par ces journalistes de relever du Code pénal et de ne pas pouvoir bénéficier des garanties des textes sectoriels.
Les journalistes dans le viseur des autorités
Les journalistes et les médias critiques sont régulièrement dans le viseur des autorités au Togo. En mars dernier, les journalistes Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du média en ligne L’Alternative, avaient été obligés de fuir le pays après avoir été arrêtés et intimidés. Ils ont été condamnés par contumace à trois ans de prison ferme pour “outrage à l’autorité » et « propagation de propos mensongers sur les réseaux sociaux » à la suite de plaintes de deux ministres.
Ferdinand Ayité fait également partie des journalistes ciblés par les autorités togolaises et surveillés par le logiciel espion Pegasus. Son journal avait été suspendu début 2021 sur plainte d’un ministre, et en mars 2020 après celle de l’ambassadeur de France. Cette même année, le journaliste et sa publication avaient été condamnés à une amende de quatre millions de francs CFA (un peu plus de 6 000 euros) après avoir révélé des détournements colossaux d’argent dans l’importation du carburant au Togo, une affaire plus connue sous le nom de “Pétrole-gate”.
Début 2021, l’hebdomadaire Indépendant Express avait, lui, été interdit de parution sous toutes ses formes à la suite d’un simple article relatant des vols présumés de “cuillères dorées” par des ministres. Son directeur de publication, Carlos Ketohou, avait déjà été arrêté et détenu illégalement après la publication de cet article.