« L’armée est une nation dans la nation : c’est un vice de nos temps » (Alfred de Vigny)
Le Togo est l’un des Etats les plus militarisés sur le continent. L’institution militaire est incontournable dans la vie politique togolaise. Elle est considérée comme le pilier du régime togolais. La véritable détentrice du pouvoir, de l’avis de nombreux observateurs. Si depuis presque 60 ans, le Togo n’a jamais connu d’alternance démocratique, faisant de ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest, la plus vieille dictature sur le continent, cette situation inédite, on la doit en priorité à l’armée souvent saluée pour son homogénéité ethnique et sa forte cohésion.
Cependant, nombre d’officiers supérieurs des Forces Armées Togolaises (FAT) qui forment un cercle de sécurocrates autour du pouvoir de Faure Gnassingbé, très influents du régime, sont tombés en disgrâce. Ils se voient poussés vers la porte de sortie du palais de Lomé, lorsque ce n’est pas vers la prison.
Le cas le plus étonnant est celui de l’ancien chef d’état-major général des FAT, le général Félix Abalo Kadanga, considéré jusque-là comme la figure militaire la plus influente et bras armé du régime, qui a connu une chute fracassante. Très actif lors de la crise sociopolitique de 2017, ses ennuis ont commencé quand un haut gradé de l’armée, le lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, commandant du 1er Bataillon d’intervention Rapide (BIR), avait été retrouvé mort, baignant dans son sang dans son bureau au camp, le 4 mai 2020.
Début décembre 2020, le général Félix Abalo Kadanga a été brutalement démis de ses fonctions et sorti du premier cercle présidentiel. Le 13 janvier 2023, il sera finalement neutralisé. La nouvelle de sa mise aux arrêts s’est répandue comme une trainée de poudre à travers tout le pays. Si officiellement aucune raison n’est avancée pour expliquer son interpellation, dans l’opinion, on laisse libre cours aux supputations et aux commentaires. Si certains lient sa chute à l’assassinat du Colonel Madjoulba, d’autres pensent au contraire que son interpellation ferait suite à des soupçons de déstabilisation. Peut-être qu’on ne saura jamais les raisons véritables pour lesquelles ce sécurocrate très proche du chef de l’Etat a été arrêté.
Très régulièrement des mutations interviennent, comme un jeu d’échecs au sein de la grande muette très redoutée autant par les gouvernants que les populations civiles. Fin décembre 2022, plusieurs mouvements ont été opérés au sein des FAT. La ministre des Armées, Marguerite Gnakade et le chef d’état-major général des FAT, le général de Brigade Dadja Maganawé ont été évincés. Le ministère a été rattaché à la présidence de la République, tandis que le Colonel Tassounti Djato, chef d’état-major de l’Armée de l’air, a été promu dans la foulée général puis chef d’état-major général des FAT.
Si aucune explication n’a été fournie aux Togolais comme dans le cas du général Abalo Kadanga, certaines sources cependant établissent le lien avec la situation dans l’extrême nord du pays en proie à de récurrentes attaques terroristes et surtout aux soupçons de détournements qu’on prête au haut commandement militaire.
Plusieurs officiers ont également connu des promotions, notamment le Colonel Oyomé Kokou Kemence nommé chef d’état-major général adjoint des FAT, le Colonel Kodjo Ekpé Apedo promu chef d’état-major particulier du Président de la République. Il remplace à ce poste, le général de Brigade Komlan Adjitowou. Des changements, nominations, promotions et arrestation qui suscitent beaucoup d’interrogations.
Médard AMETEPE