Certains noms étaient attendus. D’autres, beaucoup moins. Depuis jeudi dernier, le gouvernement du Premier ministre Victoire TOMEGAH-DOGBE a été annoncé. Une équipe de trente-trois (33) ministres dont la moitié est issue du précédent exécutif. A l’analyse de ce gouvernement, la grosse surprise est qu’il n’y a pas eu un réel changement de cap. Décryptage !
Quatre jours après la nomination de Victoire Dogbé à la primature, la composition de l’équipe gouvernementale de 33 ministres dont trois (3) rattachés à la Présidence de la République, a été rendue publique dans la soirée du jeudi 1er octobre 2020. La nouvelle équipe compte 11 femmes, un record. Elle est aussi marquée par 15 nouvelles entrées (dont 5 femmes). Il s’agit notamment du Prof Dodzi Kokoroko, jusque-là Président de l’Université de Lomé, qui devient le Ministre des Enseignements primaire et secondaire, Myriam Dossou Directrice de l’Institut National d’Assurance Maladie (INAM), nommée Ministre du développement à la base ou encore Lamadokou Kossi, Secrétaire Général de la Fédération togolaise de football (Ftf) au Ministère de la culture et du tourisme.
D’autres anciens membres du gouvernement ont changé de portefeuille à l’instar de Affoh AtchaDédji qui prend les commandes du Ministère des transports, l’ancienne patronne de ce département, Zouréatou Tchakondo-Kassa-Traoré, quant à elle passe au Ministère des travaux publics, Antoine Lekpa Gbegbeni qui lui aussi quitte le département de l’eau pour le l’agriculture. D’autres ministres sont reconduits à leurs portes. C’est le cas, entre autres, de Robert Dussey, Ministre des affaires étrangères, Sani Yaya, Ministre de l’économie et des finances, Yark Damehame, Ministre de la sécurité et de la protection civile, Cina Lawson, Ministre de l’Economie numérique, Gilbert Bawara, Ministre de la fonction publique, Pius Agbétomey, Ministre de la justice. Remarque importance, le nouveau gouvernement n’a qu’un seul ministre d’Etat, Payadowa Boukpessi, Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement du territoire.
Et ce gouvernement « Dogbé I » a déjà de quoi faire couler beaucoup d’encre
Le faux bond du chef…
La liste des nouveaux ministres du nouveau Premier ministre a eu juste le mérite de prendre de revers ceux qui prennent plaisir en des rêves les plus utopiques. En effet, alors que certaines spéculations ont voulu miser sur l’entrée au gouvernement de certains responsables politiques et des technocrates au regard du déroulement du scrutin présidentiel du 22 février 2020 et la crise post-électorale qui s’en ai suivie, le duo Faure Gnassingbé-Victoire Dogbé en a tout simplement ricané. C’est une équipe des fidèles du président de la République et des « potes » de la première des ministres qui a été présentée aux Togolais. Une équipe dans laquelle même l’allié, l’Union des forces du changement (UFC) n’a pas eu ne serait-ce qu’un ministère délégué. Rien.
Alors que depuis dix ans (10) et ce, après la signature des accords du 26 mai 2010, le parti de Gilchrist Olympio était systématiquement présent au gouvernement. Mais cette fois, « Detia » n’a même pas les miettes qui lui avaient été réservées par Faure Gnassingbé et son entourage dans le précédent gouvernement. « Au-delà de cet exécutif qui n’est que conjoncturel, l’UFC devrait-elle, de par ce précédent, se préparer à prendre acte de la caducité de fait de l’accord politique !? », s’est interrogé Dr Foly Gada Ekue, Conseiller politique de Gilchrist Olympio.
Il faut dire qu’ils ne sont pas les seuls mécontents. Il nous revient que même dans le camp du parti au pouvoir, la composition du gouvernement ne plait pas à tout le monde. Tout d’abord, il y a les éjectés sur qui le prince aurait des suspicions sur leur loyauté. Aux rangs de ses mis en touche, certains caciques qui se voyaient récompenser après leurs efforts durant la campagne présidentielle.
Les lauréats de Pegasus
Les seuls membres- du parti Unir- survivants dans le nouveau gouvernement ne doivent leurs places qu’aux assez zènes relations qu’ils entretiennent avec le fils à Eyadema. Ces derniers seraient, confie une source, des lauréats de « Pegasus », ce logiciel qui permet au Prince d’espionner tant les leaders de l’opposition et les acteurs de la société civile mais aussi certains proches collaborateurs. De quoi lui donner des éléments d’évaluation de la confiance aux hommes de son entourage.
Mais là encore, certains caciques présents au gouvernement sont loin d’être sorti d’affaire. C’est le cas de Payadowa Boukpessi, Ministre d’Etat chargé de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires. Pendant qu’il est promu ministre d’Etat, le dadja (vieux) de Sotouboua se voit coller aux fesses l’un des fidèles de Faure Gnassingbé. Il s’agit de Essomanam Edjeba, qui quitte son legendaire fauteuil d’Attaché de cabinet, flanqué tout récemment de Directeur de cabinet adjoint pour celui de Ministre délégué chargé du développement des territoires. Une partition qui constitue l’essentiel du portefeuille de Boukpessi. Une technique d’élever pour prendre l’essentiel. Une façon de dire indirectement à Boukpessi si nécessaire qu’il l’a à l’œil.
Victoire Dogbé et sa galaxie…
C’est l’autre enseignement du nouveau gouvernement. Pour avoir un certain contrôle sur l’exécutif, Victoire Dogbé a fait appel à ses amis de longue date. De Myriam Dossou son successeur au développement à la base à Eke Odin, Ministre délégué auprès du ministre des enseignements primaire, secondaire, technique et de l’artisanat, chargé de l’enseignement technique et de l’artisanat en passant par Edem Kokou Tengue, Ministre de l’économie maritime, de la pêche et de la protection côtière ou encore Prof Komla Dodzi Kokoroko, Ministre des enseignements primaire, secondaire, technique et de l’artisanat tous étaient déjà dans la galaxie du premier Ministre. « Certains de ces ministres ont tellement bénéficié des largesses de l’ancienne Ministre du développement qu’ils sont obligés d’accepter des ministères qui sont clairement en dessous de leurs rangs », a commenté un observateur.
Il est aussi remarquable que cette bande « d’amis » qui gravite désormais autour du Premier Ministre était déjà dans les serials du pouvoir. Donc rien de surprenant. Mais en les propulsant sur la scène politique, Faure Gnassingbé a renforcé l’influence de son Premier ministre sur l’échiquier politique et lui ouvre, de ce fait, une porte vers la communauté internationale. Sachant que certaines proches de Victoire Dogbé sont « appréciées » dans les hautes sphères internationales. Il n’est donc pas à négliger que Dogbe pourrait constituer un plan medvedev pour le prince de Lomé 2 en cas d’option pour un simulacre d’alternance. A ceux qui ont l’appétit du pouvoir de se pencher sur cette piste.
Tout compte fait, le premier gouvernement de Victoire Dogbé n’a rien apporté de nouveau sous le soleil. Si non la confirmation que Faure Gnassingbé, retranché dans son palais, veut autour de lui des femmes et hommes qui lui vouent une allégeance totale et ne lui ne font pas ombrage. Et le jeu continue.
Source : FRATERNITE