Chez les Gnassingbé, la médiation est une affaire de famille. L’implication à tous crins dans les crises du continent est sans conteste le trait qui fait ressembler le plus Faure à son défunt père Eyadéma.
Du plus loin qu’on se souvienne, Gnassingbé Eyadéma avait tant bien que mal écumé les pays voisins en conflits, dans le but de mettre ses talents de « médiateur » au service des partis fâchés.
Son fils n’en perpétue pas moins cette tradition souvent, si ce n’est toujours, couronnée par le plus lamentable des échecs.
Comme son père, Faure Gnassingbé n’est pourtant pas homme d’État à se laisser abattre par ces résultats pas vraiment satisfaisants qui concluent chaque tentative de règlement de conflit. Il ne s’embarrasse pas de vergogne pour servir son ambition qui se trouve ailleurs que dans ces médiations qui, au reste, ne sont que des prétextes tout trouvés pour asseoir son règne qui n’a que trop duré. Au dam des Togolais.
De son temps, on présentait Gnassingbé Eyadéma, au vu de l’implication du général-président dans la résolution des crises sur le continent, comme l’homme de toutes les médiations en Afrique. Il n’y avait pas de conflit en Afrique dans la résolution duquel celui qui est mort en 2005 n’eût pas été sollicité.
Ici, « ses sages conseils » étaient prisés, là on n’en avait que pour ses décisions. Développement, démocratie, bonne gouvernance en Afrique, Gnassingbé Eyadéma ajoutait toujours son grain de sel de médiateur, sans pour autant prêcher d’exemple.
Personne n’aurait parié que dix-sept ans après sa disparition, son fils perpétuerait cet héritage, au point de dépasser celui qui lui a donné le jour en cette matière. Faure Gnassingbé, n’en déplaise aux esprits grincheux, a si bien marché dans les pas de son feu président de père, qu’on ne peut pas faire sans lui quant au règlement de plus d’une crise ici ou là. Il compte faire de vieux os, à voir le volet sécuritaire qui a comme pris en tenaille une bonne partie du continent.
La médiation au Tchad où Faure travaille à donner une issue plus que brillante au Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) lancé le 20 août dernier, rappelle étrangement celle menée dans le même pays par Eyadéma en 1979 entre Goukouni Weddeye et Hissène Habré.
Lors de la crise qui avait secoué la Côte d’Ivoire en 2002, Gnassingbé Eyadéma avait été nommé par la Communauté économique de États d’Afrique de l’Ouest. On lui avait offert de coordonner une médiation entre rebelles et gouvernement.
Aujourd’hui, son fils se retrouve l’arbitre entre le Mali et la Côte d’Ivoire dans l’affaire des 46 militaires détenus depuis le 10 juillet au Mali.
Reçu le 6 octobre dernier par Alassane Ouattara, tous les « belligérants » sont suspendus à la geste de celui qui est présenté comme l’interlocuteur privilégié dans le dossier des 46 soldats détenus au Mali.
Autant de médiations que d’échecs
Une constante surnage pourtant dans toutes ces médiations et du père et du fils : l’un n’a pas plus engrangé de succès que l’autre, dans quelque pays où ils se rendent. Eyadéma s’était heurté à une impasse sans nom autant dans la crise ivoirienne que dans celle centrafricaine, comme d’ailleurs dans toutes les médiations dans lesquelles il se jette avec armes et bagages.
Un échec prévisible, car le « sage » qui se piquait d’apporter la guérison chez ses voisins souffrait d’un déficit de légitimité, lui qui avait coché toutes les cases de la mal gouvernance.
Faure Gnassingbé n’a pas fait plus de progrès. Malgré son engagement au Tchad et ce que cet engagement coûte aux Togolais, le Dialogue national inclusif et souverain a été boycotté par deux des trois mouvements rebelles les plus puissants ainsi que par la principale coalition d’opposition du pays.
Même combat au Mali où malgré la troisième réunion du Groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali (GST-Mali) tenue le 6 octobre dernier à Lomé en vue « d’une sortie de crise au Mali », bien malin qui dira comment prendra fin cette transition malienne toujours rythmée par des soubresauts sécuritaires. Ces médiations au succès terne ou, pour être plus juste dire, au succès inexistant, n’ont pas empêché Faure d’accueillir le désormais ex-chef de la junte burkinabè Paul-Henri Sandaogo Damiba, renversé le 30 septembre. Il fait le beau au Togo, nourri et logé aux frais du contribuable. Là encore la médiation pour le meilleur et surtout pour le pire est passée par là.
Que le fils ressemble à s’y méprendre au père n’est pas seulement ce qui frustre, mais que ces gymnastiques diplomatiques soient toujours organisées pendant que les Togolais vivent dans la dernière précarité, voilà qui fait le plus de mal. On ne peut que regretter que Faure Gnassingbé en soit arrivé à continûment saigner l’économie du pays, davantage que ne l’avait fait son père, à seule fin de s’offrir une légitimité qu’il n’aura pas même dans ses plus beaux rêves.
Ces médiations jamais couronnées d’aucun panache, d’aucun mérite ni d’aucune estime, loin de refléter l’esprit de cohésion sociale qu’on lui prête, sont avant tout effectuées dans le but d’assouvir les appétits propagandistes d’un gouvernement qui a lui-même besoin de guérison, sinon de délivrance. Un gouvernement illégitime qui prétend apporter la légitimité chez ses voisins est tout ce qu’il y a de plus ridicule. Faure Gnassingbé n’a rien à battre du fait que ses médiations ne soient couronnées de succès, ce qui compte pour lui est qu’il soit sous le feu des projecteurs.
Patrice Talon qu’on voit moins, va bientôt boucler deux mandats au cours duquel il aura réalisé ce qu’en plus de trois mandats le satrape togolais n’a pas été fichu de réaliser.
Qui pis est, cette éternelle envie d’être sous le feu des projecteurs n’est pas sans attirer des ennuis sur le plan sécuritaire, et sans doute est-ce l’implication du Togo dans une lutte terroriste qui ne le concerne pas qui a occasionné des actes terroristes constatés récemment au Nord du pays ? Faure Gnassingbé gagnerait à quitter le manteau des médiateurs.
Sodoli Koudoagbo
Source : Le Correcteur / lecorrecteur.info