Le concept de la croissance inclusive a fait son apparition à la fin des années 2000. Il désigne l’idéal selon lequel chaque personne devrait avoir la possibilité de contribuer à la croissance c’est-à-dire l’augmentation de la production ainsi que d’en bénéficier.
Il s’agit d’un nouveau paradigme social dont l’objet est de permettre essentiellement la restauration de la confiance du peuple dans la capacité des institutions démocratiques avec les avancées technologiques et l’intégration économique internationale (la mondialisation de l’économie) afin de soutenir le renforcement du progrès social et le bien-être pour tous. Ceci est dû au fait que ces dernières années, les inégalités sociales se sont renforcées et la répartition de la croissance économique est devenue un sujet à caution. De ce fait, une croissance est dite inclusive lorsqu’elle permet de créer des opportunités tout en garantissant à tous les segments de la population un accès équitable à ces opportunités.
Ainsi, pour réaliser la réduction des inégalités, il faut obligatoirement une réduction de la pauvreté. C’est dans ce paradigme que la gouvernance de Faure Gnassingbé a introduit la pratique de l’inclusion financière qui est devenue la pierre angulaire de l’existence du ministère du Développement à la Base depuis 2008, dont le principal objectif était, conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la réduction de la pauvreté de moitié à l’horizon 2015. A ce jour, la pauvreté est passée de 66% à 56% soit 10 points de moins en 2010. On se rend à l’évidence que les objectifs sont loin d’être atteints pour une raison évidemment.
En effet, après la dévaluation du franc CFA survenue le 12 janvier 1994, les pays africains de la zone franc ont entamé des réformes pour stabiliser leur déficit commercial sur la base d’un assainissement de leur système financier, malheureusement sans impact significatif sur le taux de bancarisation, considéré comme la solution pour la résilience de leur commerce international. De ce fait et malgré tous les efforts, beaucoup de personnes sont encore restées exclues du système bancaire formel, dont le rôle du secteur dans le domaine de la croissance économique se pose, et surtout en ce qui concerne les avantages de sa diversification. D’où la nécessité de l’inclusion financière préconisée comme la solution idoine.
L’inclusion financière se définit comme un meilleur accès et une utilisation plus intensive des services financiers. Cependant pour certains analystes, le secteur bancaire est perçu comme un secteur qui offre un accès restreint au financement et représente alors un frein à la croissance, tandis que pour d’autres, le secteur bancaire et financier développé, est la composante essentiel d’une économie car, il existe un lien direct entre le développement du secteur financier et la croissance économique. Ainsi donc, la question de fond, c’est de savoir comment simuler la croissance inclusive dans un pays à faible revenu c’est-à-dire réduire la pauvreté et réaliser l’inclusion sociale ?
Il est à noter que la multiplicité des banques n’entraîne pas le taux élevé de la bancarisation. C’est pour cela qu’il faut mettre en place un cadre comptable légal et institutionnel, un système financier adéquat pour favoriser une relation directe entre l’épargne locale et l’investissement, de même qu’un l’environnement macroéconomique favorable et incitatif.
Malheureusement dans notre pays, le ministère du Développement à la Base, qui devrait organiser ce cadre logique et jouer ce rôle institutionnel pour opérer les réformes nécessaires, et favoriser la mise en place d’un système de surveillance et de la réglementation des institutions de la micro finance plus accessible, afin d’encadrer et de recentrer le modèle de l’industrialisation en canalisant et encadrant l’énergie créative et transformatrice de la création industrielle, qui passe par la promotion des PME-PMI, puis à des grandes entreprises pouvant collaborer avec des entreprises multinationales, capables de créer de la valeur ajoutée(VA). Ces entreprises bien encadrées doivent être capables de s’intégrer dans le système de production mondiale et mieux gérer un appui financier de 100 milliards de FCFA de Fond National de Finance Inclusive(FNFI) et créer des milliers d’emplois pour des milliers de bénéficières des crédits FNFI dont la capacité de remboursement n’est pas évidente. Malheureusement, c’est tout le contraire qui a été fait ici avec une distribution tous azimuts des finances publiques à qui veut bien recevoir de l’argent frais de FNFI ou de AGRICEF, sachant bien que tout le monde ne peut pas être un capitaine d’entreprise et de ce fait, tout le monde ne peut pas gérer un emprunt surtout en période électorale. On préfère distribuer 100 milliards de FCFA à plus 3 000000 de personnes que de cautionner 30 000 entreprises capables de créer plus de 100 emplois chacune.
Le cas du Maroc est édifiant. En effet, avec un système bancaire et des assurances (qui en réalité sont des structures de renseignements et pour cela ne doivent être dans les mains des étrangers), restent la propriété de l’État, la première étape a consisté à former des ingénieurs en finance afin de créer des canaux d’investissement pour orienter l’épargne des nationaux y compris de la diaspora et, en deuxième étape, véhiculer ces masses d’argent pour développer des pôles de production par l’effet d’entraînement dans les secteurs productifs, surtout dans l’agro-industrie comme le secteur de base. En suite il a fallu organiser la création de structures de la production sur la base d’un encadrement à partir des études des avantages comparatifs et de la compétitivité par rapport au marché international. Malheureusement, notre pays a procédé par l’inverse en passant par la libéralisation et l’intégration financière sans pour autant avoir une maîtrise du taux d’intérêts qui aggrave le risque de faillite des PME. Cela impose alors une bonne politique de compensation de baisse des taux d’intérêt pour entraîner la hausse de la rentabilité sur les profits des investissements à partir des crédits bancaires, et insister à la transformation de l’épargne à travers l’accumulation du capital fixe c’est-à-dire l’investissement productif privé afin d’améliorer la productivité de travail, la compétitivité des produits sur le marché local et international et donc promouvoir la croissance économique. C’est à ce rôle qu’on attend du ministère du Développement à la Base.
Bien que notre pays a un taux de croissance de 5,8% cette année 2022 avec un taux de banalisation de 30,01% soit le deuxième le plus élevé de l’UEMOA derrière le Bénin à 34%, il est impossible de parler de la croissance inclusive. En réalité, plus de 80% de cette croissance du Produit Intérieur Brut(PIB) qui génère les exportations, provient du secteur primaire dont la capacité de la création de la valeur ajoutée est très faible et totalement extravertie car presque toute la matière première est exportée pour importer les produits finis avec l’effet des termes de l’échange toujours en sa défaveur. Ainsi la contribution de ce secteur à l’amélioration du bien être de la population, c’est-à-dire à l’inclusion sociale à savoir le niveau de santé, l’éducation, le sport et bien d’autres commodités de la vie, est presque inexistant. Au contraire, c’est le secteur qui cristallise les inégalités sociales de toutes sortes y compris la mauvaise répartition des revenus et un accaparement des richesses par une minorité bien connue.
Pour remédier à cette situation, l’État doit créer des opportunités à travers des pôles de développement agricole autour des grandes entreprises agricoles et agroalimentaires avec un investissement massif et une gestion rigoureuse et disciplinée pour éviter la répétition du cas de la société GMAG dans les années 70-80, dont la mauvaise gestion a conduit à la faillite et les tracteurs de marque EBRO ont été démantelés, la ferraille vendue à 8F/kg à la Société Nationale de Siderurgie (SNS), et le reste des carcasses vendu à 20 000 FCFA à des initiés. Comme quoi, « l’impunité des grands entraîne l’incivisme des petits.» selon un député sénégalais.
Face aux échecs répétés de tous les programmes d’aide au développement depuis les OMD au MCC en passant par l’initiative PPTE, on est en droit de se rendre à l’évidence que la croissance inclusive au Togo est de plus en plus une chimère. Et pourtant, ce ne sont ni le génie, ni l’énergie transformatrice, encore moins les talents qui manquent. La preuve, en 2020 et en 2021, le Togo a enregistré respectivement 9400 et 11200 nouvelles entreprises créées. A ce jour quel est leur sort, qu’est ce qui a été fait pour les accompagner et les rendre viables quand on sait que 90% des entreprises créées disparaissent après un an d’exercice ?
Comme on peut le constater, notre pays dispose de beaucoup d’atouts géographiques multiples et multiformes, un génie créateur et une énergie transformatrice qu’il suffit de bien organiser, bien canaliser avec un bon coaching administratif et le mirage sera transformer en une réalité.
OURO-AKPO Tchagnaou, Ancien député