«Le problème du Togo est loin d´être un problème de constitution. Notre problème qui n´est pas né avec la nouvelle constitution n´est pas la nouvelle constitution. Pas du tout. On n´est pas dans une démocratie menacée par le président de la république, mais dans une dictature militaire, s´il vous plait. Comment libérer le Togo de la monarchie militaire absolue de fait depuis 2005, et de droit avec la nouvelle constitution à partir de 2025? Voilà la problématique qui, par elle-même révèle le combat à mener; à savoir, chasser pacifiquement Gnassingbé Faure du pouvoir avant qu´il ne soit beaucoup trop tard.» (Salifou Tikpi Atchadam,le 31 mars 2024).
Beaucoup se demandaient depuis fort longtemps ce que devenait le leader du Parti National Panafricain (PNP), Salifou Tikpi Atchadam, et pour cause! L´homme du 19 août 2017 ne s´est plus exprimé depuis un bout de temps. Mais par son adresse à ses compatriotes à travers un message-audio de 47 minutes, le 31 mars dernier, le neveu des princes de Tchaoudjo a rappelé à ceux qui douteraient encore, qu´il est là et bien là. Égal à lui-même, n´ayant rien perdu de son mordant et surtout de son amour pour sa terre natale, le Togo, en souffrance depuis plus d´un demi-siècle, à cause de la méchanceté d´une minorité de Togolais au pouvoir sans foi ni loi.
Rappelant les différentes étapes, depuis 1993 jusqu´à nos jours, des mascarades électorales avec leurs lots de morts, de blessés, de prisonniers et d´exilés, le chef du parti rouge en exil n´a pas manqué de souligner que les Togolais sont victimes, et ce depuis 61 ans d´«une dictature militaire dynastique sanglante», inaugurée par l´assassinat de Sylvanius Olympio le 13 janvier 1963. Une fois que les Togolais et les Togolaises se sont mis d´accord qu´ils ont affaire, ni plus ni moins, à «une monarchie absolue d´essence machiavélique» qui leur dénie jusqu´au droit à la vie, Salifou Tikpi Atchadam estime que le peuple togolais souverain est le seul à savoir prendre le taureau par les cornes pour se libérer définitivement du règne de dictature du régime Gnassingbé. L´orateur n´avait pas oublié de saluer ce peuple martyr qui, malgré la terreur et l´impunité, résiste à main nue, aussi bien au pays que dans la diaspora, pour reconquérir sa liberté, son indépendance et sa souveraineté confisquées. Sur ce chapitre de lutte acharnée des Togolais pour leur libération, qui mieux que le leader du Parti National Panafricain (PNP) peut évoquer le soulèvement populaire du 19 août 2017, un mouvement révolutionnaire populaire, organisé et exécuté par ses soins, et qui a failli emporter le régime togolais décrié sur tous les plans par ses propres compatriotes? Aussi bien la terreur militaire, surtout dans la région natale du premier responsable du PNP, de la part du dictateur, que des incohérences et comportements inadéquats, des uns et des autres, au sein de l´opposition togolaise regroupée dans la coalition des 14 (C14), étaient à la base de l´échec du mouvement, intelligemment préparé.
Aujourd´hui, presque sept ans après l´épisode de 2017 qui a conduit à son départ en exil, Salifou Tikpi Atchadam est toujours convaincu de l´efficacité de sa méthode face à un tel régime barbare que nous subissons au Togo. La méthode du nombre et du sérieux pour faire partir le dictateur et jeter les bases d´une nouvelle nation. En football on dit souvent qu´on ne change pas l´équipe qui gagne. Pourquoi changerait-on, dans le cas de la lutte des Togolais pour leur libération, la méthode qui a marché en 2017 et qui avait failli faire partir le régime inhumain des Gnassingbé? L´acharnement et les menaces de mort sur la personne du leader du PNP, qui étaient à la base de son départ en exil, sont un signe que cette méthode ferait mouche si l´opposition togolaise se retrouvait pour parler d´une voix et l´appliquer. C´est pourquoi ce n´est pas surprenant que dans son message du 31 mars dernier Atchadam s étonne et rejette la position actuelle de certains partis de l´opposition qui ne jurent que par des élections législatives et régionales bien que notre pays vive sous une dictature. «Nous somme tombés parfaitement d´accord que dans un pays où règne la dictature avec des partis politiques de contribution, de collaboration et de participation, notamment aux mascarades électorales…l´opposition constitue la vis de sécurité de la dictature…Nous partageons la conviction qu´une dictature n´évolue pas pour devenir une démocratie. Et qu´elle ne se réforme que dans le seul et unique but de se renforcer et de se durcir de plus en plus.»
Le premier responsable du Parti National Panafricain (PNP), concernant le coup de force constitutionnel que tente de fomenter Faure Gnassingbé pour ne jamais partir, estime que c´est une manière habile pour le dictateur togolais, qui aurait peur du peuple et conscient de l´illégitimité et de l´illégalité de son pouvoir, pour fuir lâchement le suffrage universel direct. De même que des élections, quelles qu´elles soient, n´ont aucun sens dans une dictature, le leader de la formation à l´emblème du cheval estime que le débat de droit constitutionnel en cours aujourd´hui sur la nouvelle constitution de Faure Gnassingbé serait une perte de temps au peuple togolais, «un faux combat sur une fausse piste». Il rappelle que Gnassingbé Éyadéma n´avait pas eu besoin d´une constitution taillée sur mesure pour rester au pouvoir pendant 38 ans; et c´est de la même manière que son successeur et fils Faure n´en a pas eu besoin pour être au pouvoir depuis 19 ans, c´est pourquoi c´est pour lui un faux problème. La vraie problématique du Togo consisterait à chercher les voies et moyens pour chasser pacifiquement Faure Gnassingbé du pouvoir. Et Monsieur Atchadam a à plusieurs reprises répété et insisté sur l´adverbe «pacifiquement»; ce qui voudrait dire que le peuple bien organisé est bien capable de venir à bout du regime de dictature les mains nues, sans trop de dégâts. Et c´était la philosophie de lutte qui avait animé les initiateurs, dont lui-même, du 19 août 2017; «assi gbalo», «nouzi yem». C´est justement fort de cette philosophie que le président du PNP nous rappelle que nous sommes presqu´à la veille de 2025 et que la victoire du peuple togolais doit être garantie au plus tard à la fin de décembre 2024; car il ne serait pas acceptable que Faure Gnassingbé franchisse 2024. C´est pourquoi selon lui, les mascarades électorales législatives et régionales à venir, auxquelles des partis politiques de l´opposition veulent participer, ne constituent qu´un écran de fumée pour brouiller d´autres mascarades qui se préparent pour février 2025. «Le participationnisme n´est pas une stratégie de lutte contre la dictature, mais une caution, une validation du systeme. C´est un mépris, une trahison des martyrs parmi lesquels les otages politiques en prison.»
Plusieurs fois dans son message Salifou Tikpi Atchadam est revenu sur 2025 qui n´est plus loin et s´est demandé ce qu´il faut faire. Il serait inacceptable que Faure Gnassingbé soit encore au pouvoir au Togo au-delà de 2024. Et pour atteindre cet objectif, il propose que l´opposition s´organise pour mener des actions concrètes sur le terrain, aussi bien au pays que dans la diaspora. «Gnassingbé Faure ne partira pas, s´il n´est pas forcé pacifiquement par le peuple à partir. Voilà la vérité.» Égoïsme, manque de rigueur, opposants de circonstance, voilà quelques-uns des maux qui ont toujours tiré l´opposition togolaise vers le bas et sapé ses efforts, a constaté Atchadam, en proposant que les opposants devraient être intransigeants et intraitables envers eux-mêmes au sein de l´opposition, de même qu´ils le sont envers le régime de dictature. Voilà en résumé le message de Salifou Tikpi Atchadam, leader du Parti National Panafricain (PNP), du 31 mars 2024.
Les leaders de l´opposition togolaise sauront-ils se soucier des souffrances du peuple pour mettre de côté les considérations égoïstes des uns et des autres, ou certains d´entre eux continueront-ils à se regarder en chiens de faïence pendant que le régime Gnassingbé d´en face met en place les bases d´une monarchisation du Togo?
Samari Tchadjobo
Allemagne