L’Arcep a décidé de hausser le ton face aux opérateurs qui ont longtemps profité de l’apparente fragilité de l’ART-P, l’ancien gendarme des télécoms.
Fini le temps où l’indifférence face aux injonctions du régulateur était courante au Togo chez les opérateurs mobile et internet, et où les menaces de pénalités demeuraient lettres mortes ou ne produisaient aucun effet. Après vingt-trois ans d’existence, l’ex ART-P (Autorité de réglementation. des secteurs des postes et télécommunications) a donné naissance à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Et la donne a changé.
Opérationnelle depuis octobre 2020, l’institution. dirigée par l’ingénieur Michel Yaovi Galley s’emploie à mettre en place les conditions d’une concurrence saine et équitable sur le marché, et à contrôler les obligations inscrites au cahier des charges des opérateurs de réseaux et services ouverts au public.
Fortes amendes
En moins de deux ans, l’autorité a déclenché pas moins de six procédures de sanctions pour manquements et violations des engagements contre Togo Cellulaire et Togo Télécoms, filiales de Togocom (détenu à 51% par le groupe Axian) et Moov Africa Togo. De fait, l’ex-opérateur public, Togo Cellulaire a écopé de deux amendes, l’une en 2021 d’un milliard de F CFA (1,5 million d’euros) pour différenciation tarifaire intra et extra-réseau, et une autre de près de 2,4 milliards de F CFA (3,6 millions d’euros), fin juin dernier, pour indisponibilité des services.
En mai 2021, c’est Moov Africa qui s’était vu infliger près de 594 millions de F CFA d’amende pour non-respect de l’obligation de disponibilité permanente, continue et régulière des services de communications électroniques mobiles. Les deux opérateurs mobiles disposant de trois à six mois pour se conformer à leurs obligations sous peine d’amende pour récidive.
Dans cette bataille pour la qualité et la disponibilité des services, le gendarme des télécoms œuvre aussi à la baisse des tarifs pratiqués par les opérateurs togolais, qui restent parmi les plus chers de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Selon une analyse comparative qu’il a publié début février, les tarifs sont jusqu’à 25 fois plus chers au Togo que les meilleurs prix dans l’Union sur les forfaits 100% data, et quatre fois plus chers pour les forfaits 100% voix.
Même si une refonte tarifaire a été effectuée, l’Arcep regrette des tendances de fond : au plan régional, les tarifs restent élevés et au plan national, en dehors du forfait data en moyen et haut de gamme, Togo Cellulaire reste plus cher que Moov Africa Togo sur les forfaits mixtes et voix.
Travail sur les tarifs
L’exception vient du fournisseur d’accès internet Groupe Vivendi Africa (GVA) Togo qui commercialise Canal Box, et dont les offres Internet par fibre à domicile (FTTH) propulse pour la première fois le Togo en tête des offres les moins chères et au débit le plus rapide de la zone Uemoa. Ceci, après que GVA a remplacé son offre existante de 10 Mbps par une nouvelle offre de 50 Mbps pour le même tarif de 15 000 F CFA par mois. Tout comme l’offre de 200 Mbps est désormais offerte à 30 000 F CFA par mois, le même tarif que celle pour 50 Mbps.
Début 2021, le régulateur a défini des principes de « tarification juste et raisonnable » qui imposent de meilleures transparence et comparabilité des offres en vue d’orienter plus aisément le choix des consommateurs ; une durée de validité illimitée des recharges de crédit de communication au tarif de base tant que la carte SIM est active; une durée de validité raisonnable pour les offres forfaits et promotionnelles; un plafonnement à 3% des frais de transfert du crédit de communication de compte à compte et à 20 F CFA par appel aux services d’assistance clientèle des opérateurs, quelle que soit sa durée.
Dans sa mission de protection des droits des consommateurs, l’autorité publie régulièrement des études et des enquêtes pour éclairer les choix des consommateurs. « Au-delà, et par devoir d’information et de transparence, l’Arcep s’engage à informer, à chaque fois que nécessaire, les consommateurs sur la situation et les améliorations progressives, notamment en matière de qualité de service et de tarifs », affirme la direction générale de l’autorité.
Un marché de 6 millions d’abonnés
Malgré les sanctions infligées, les opérateurs préfèrent négocier avec le régulateur, qui reste l’autorité de tutelle. « Nous souhaitons que l’autorité de régulation nous accompagne dans l’extension et la modernisation du réseau qui nécessite beaucoup de temps », souffle-t-on dans l’entourage de Paulin Alazard, le DG de Togocom qui, devant le comité de direction de l’Arcep, le 24 juin dernier, a justifié les manquements liés à disponibilité du service par la foudre, des coupures intempestives de la compagnie électrique nationale ou encore des travaux publics. Des arguments jugés « irrecevables », par le comité de direction de l’Arcep, autorisé par la loi à prendre des sanctions.
Pour les consommateurs, les amendes restent un bon moyen de contraindre les opérateurs à « respecter les droits des clients, assure Emmanuel Sogadzi, président de la Ligue des consommateurs. togolais (LCT). Pendant longtemps, les consommateurs étaient livrés à eux-mêmes parce que les actions régulatrices avaient un impact limité. Heureusement qu’avec l’Arcep, la situation évolue positivement », estime-t-il.
Et si la situation devait perdurer, il reste encore la possibilité d’élargir la concurrence. Kwami Ossadzifo Wonyra, expert en politique commerciale, suggère au régulateur d’envisager l’arrivée d’autres opérateurs mobile et internet dans le pays. Une option abandonnée à ce stade par le ministère de l’Économie numérique en raison de l’étroitesse du marché togolais, qui concentre 6 millions d’abonnés.
Source : Jeune Afrique