Présidentielle de 2015 et réformes de l’Apg
La Primature est depuis hier, le centre névralgique du Togo. Il s’y tient la phase active des discussions politiques devant aboutir à l’exécution des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (Apg) prescrites depuis le 20 août 2006. Un chantier qui aurait pu être exécuté depuis huit (08) ans si la volonté politique y était. Et bien inspiré qui pourrait présager de la bonne issue de ces pourparlers. Malheureusement, c’est le sort du peuple togolais tout entier et de la démocratie, cet idéal de gouvernance partagé, qui est en jeu.
Un dialogue, mais des questions
On ne peut que se réjouir des discussions ouvertes à la Primature depuis hier, tant l’attente a créé du stress et fait couler de l’adrénaline, aussi bien au sein de l’opinion nationale qu’internationale. Après l’amorce du débat par les échanges entre Jean-Pierre Fabre et Faure Gnassingbé, puis ceux organisés à la Primature en mars dernier, ce fut le black-out total de la part du gouvernement. Il a fallu la mobilisation générale avant que Faure Gnassingbé ne se décide à en sortir et s’exécuter. Aux appels intempestifs de l’opposition se sont adjointes les pressions internationales tous azimuts des ambassadeurs occidentaux et de la communauté internationale. Un cocktail qui a fini par faire plier le pouvoir qui a décidé de relancer les discussions. Mais pour quelle suite ? Toute la question est là.
En effet, il ne suffit point pour les formations politiques invitées à la Primature de discuter pour la forme. D’ailleurs les positions de tous ces protagonistes sont connues, et les discussions ouvertes depuis hier paraissent comme inutiles (sic). D’autant plus que plusieurs autres cadres ont déjà planché sur ces questions essentielles à évoquer au cours de ces assises et ont arrêté des propositions. La bonne foi animerait le pouvoir en place qu’on n’en serait plus là. « (…) Il faut dire la vérité, aujourd’hui, on ne sent aucune volonté de la part de ceux qui sont au pouvoir de faire les modifications constitutionnelles indispensables! L’APG a été quand même signé depuis août 2006. S’il y avait une volonté politique, je crois que le Chef de l’Etat actuel et son gouvernement ensemble avec l’opposition auraient déjà fini par mettre toutes ces réformes en place. Ça n’a pas été fait jusqu’à présent. De loin, lorsque le Président Faure Gnassingbé voulait arriver au pouvoir et succéder à son père, j’ai vu le nombre de modifications constitutionnelles qu’il a pu, avec les gens du RPT à l’époque, faire en l’espace de trois, quatre jours. Et ça a continué jusqu’au 24 février. Ils ont fait la dernière modification avant qu’il ne fasse son discours du 25 février 2005 pour se retirer, pour devenir simplement candidat. Donc, je ne comprends pas aujourd’hui, alors qu’on a fait plus de quatre à cinq modifications constitutionnelles chez nous en l’espace de deux, trois jours, qu’on ne soit pas en mesure de faire depuis 2006, des modifications constitutionnelles dont le Togo a besoin, et notamment, d’inscrire dans notre constitution que le mandat présidentiel est limité », a pesté Me Jean Dégli, dans une interview accordée au confrère palunion.com.
Au-delà de tout, l’essentiel aujourd’hui, c’est de savoir l’orientation qui sera donnée à ces réformes. Seront-elles biaisées pour faire le jeu du pouvoir ou exécutées pour faire avancer la démocratie togolaise ?
La limitation de mandat, le sujet qui fait peur au pouvoir
Conditions d’éligibilité aux élections, mode de scrutin, découpage électoral, réforme de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) et de la Cour constitutionnelle, choix du régime politique, composition équitable et indépendance de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), renforcement des prérogatives du Premier ministre, neutralité de l’armée…c’est toute une suite de questions qui sont inscrites aux réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires à la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance. Mais une représente le nœud de toutes ; c’est le sujet de la limitation de mandat.
L’alternance est un principe sacro-saint de la démocratie. Faure Gnassingbé, parvenu au pouvoir en remplacement de son père défunt dans des conditions restées en travers de la gorge des Togolais, boucle en 2015 ses deux mandats légitimes au pouvoir et devrait se retirer. Mais c’est justement à ce niveau que se situe toute sa peur. Il a de la peine à envisager une vie hors du pouvoir, synonyme de séparation d’avec les honneurs et les délices du pouvoir et d’entrée dans l’anonymat. C’est cet état d’âme qui explique toute sa tergiversation à exécuter les réformes depuis 2006. Et ce sentiment va crescendo à mesure que l’échéance approche. Dans un premier temps, la manœuvre a consisté à éclipser ces réformes et à mettre en avant les dispositions de la Constitution – tripatouillée de 2002 qui a sauté le verrou de la limitation du mandat présidentiel – pour passer ; mais la géopolitique africaine et mondiale et les événements dans certains pays comme au Sénégal lui compliquent la tâche. Avec les pressions tous azimuts, il s’est vu obligé de se plier aux réformes. Mais la bataille est loin d’être gagnée.
La survie de la démocratie au Togo suspendue aux envies de Faure
Tout le vœu des Togolais soucieux de la démocratie dans notre pays serait simplement que les acteurs politiques en discussions à la Primature parviennent à un compromis qui puisse sauver la démocratie sur la terre de nos aïeux, cet idéal partagé de par le monde qui fait le bonheur de certains peuples. C’est tout le monde qui a en réalité à y gagner au Togo, aussi bien le pouvoir que l’opposition.
Dans une brochure éditée aux fins de campagne à l’exécution des réformes constitutionnelles et institutionnelles, la Plateforme citoyenne Justice et Vérité a exposé des raisons de s’engager. Pour cette coalition de la société civile, c’est une condition pour rétablir la confiance et favoriser une alternance apaisée, une base pour des élections apaisées et sans violence, la garantie de la stabilité sociopolitique et du respect des droits de l’Homme, la base d’un développement économique, le gage d’un développement à la base, la valorisation de la participation de la diaspora au développement du Togo et la mise en œuvre des engagements internationaux du Togo. Mais ces grandes avancées et l’alternance à gagner au bout de ces réformes sont-elles partagées par Faure Gnassingbé aussi ? Toute la question est là, et il faudra compter avec ses desiderata. Des manœuvres des émissaires du pouvoir de façon à entrainer un blocage et justifier un plan B ne sont pas à exclure.
Tino Kossi
Liberté Togo
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