Depuis la sortie des sanctions du Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES) contre les trois professeurs togolais, les concernés se sont retranchés dans un silence sépulcral et l’on croyait la manifestation de la raison retrouvée après les moments de joutes verbales. Mais visiblement, ce n’est pas le cas. La preuve, la sortie osée du Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (MEET) et la charge contre le CAMES. Un jeu dangereux qui risque de coûter à l’enseignement supérieur togolais dans son ensemble.
Silence passager
Au cours de sa 36e session tenue du 27 au 30 mai dernier à Cotonou au Bénin, le Conseil des ministres du CAMES a infligé des sanctions aux Professeurs DodziKokoroko, Président de l’Université de Lomé, AdamaKpodar, Vice-président de l’Université de Kara et au ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur, Robert Dussey, pour violation du code d’éthique et de déontologie de l’instance. Les deux premiers sont interdits de toute participation aux travaux du CAMES et de certifier ou authentifier des documents émanant des établissements d’enseignement supérieur à lui destinés pour une durée de trois (03) ans ; le troisième larron est, lui, suspendu de participation aux programmes pour une année, pour plagiait.
Ces sanctions sont une honte pour les concernés, mais aussi pour l’enseignement supérieur togolais en général. Elles écornent également l’image du pays et de ses dirigeants. Depuis la sortie officielle de ces sanctions et leur relais dans les médias, les concernés se sont retranchés dans un silence de marbre. Une attitude qui tranchait diamétralement avec la posture adoptée jusque-là par l’undes concernés qui n’avait pas ménagé le CAMES. Le commun des observateurs croyait à une posture de sagesse, au retour de la raison, comme souvent aprèsqu’un enfant est châtié par ses parents suite à une connerie, pour tourner la page. Mais c’était se tromper lourdement…
La charge du MEET contre le CAMES
Injustice ! C’est ce que voient les responsables du Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (MEET) à travers ces décisions contre les deux responsables d’universités.Ils l’ont relevé dans un communiqué – rempli d’entorses graves à la langue de Molière venant d’étudiants – et rendu public ce mardi 30 juillet.
« Le Code d’éthique et de déontologie (CED) du CAMES, le texte sur lequel on doit se baser normalement pour sanctionner les professeurs, a été modifié unilatéralement par le Secrétaire Général du CAMES et n’a jamais été communiqué aux autres Professeurs, cela pour justifier la sanction maladroite desdits professeurs », darde cette organisation estudiantine qui relève que les droits des concernés ont été violés car « ils n’ont été jamais entendus ».
Le MEET conteste mêmeau Secrétaire Général du CAMES, Professeur Bertrand Mbatchi, la légitimité à conduire le processus des sanctionscaril « fait lui aussi objet de poursuites judiciaires à la faveur d’une plainte du Pr Loada du Burkina Faso qui l’accuse de trafic d’influence ».Pour finir, le mouvement estudiantin appelleles dirigeants togolaisà « faire appel » de cette sanction et demander plus d’éclaircissement sur les réelles intentions du Secrétaire Général du CAMES.
Les salves de Kokoroko contre l’instance
Avant cette charge du MEET, il y a eu les salves du Professeur DodziKokoroko contre le CAMES. Le Président de l’Université de Lomé s’en était pris frontalement à l’instance en des termes très durs, au détour d’une cérémonie officielle le 30 avril dernier, soit un mois avant la sortie des sanctions.
« Je n’accepterai pas les pires banalités de ce CAMES », avait-il fléché. « Ce ….CAMES », l’expression est illustrative du dédain qu’il éprouve pour cette instance dont il porte pourtant fièrement le titre. Le Professeur DodziKokoroko ne s’était pas arrêté en si bon chemin. «L’Université de Lomé ne sera jamais une colonie du CAMES (…) « Les valeurs qui fondent l’Université de Lomé ne sauraient en aucun moment être sacrifiées avec l’insolence et l’imbécilité », avait-il osé. « L’insolence et l’imbécilité » dénoncées, ce sont sans doute ses détracteurs et responsables du CAMES qui en font preuve, à l’en croire.
« Le jour où j’accepterai les pires banalités de ce CAMES qu’on nous vend à coût de jetons, je peux vous dire qu’en ce moment, j’aurai fait le deuil de mon droit que j’ai acquis si chèrement. Alors, je voudrais ici rassurer les uns et les autres. Que d’agitations, mais je dis sic devant cette pagaille orchestrée à des fins déterminées», avait-il ajouté.
Un jeu dangereux pour le Togo
Pour revenir à la sortie du MEET, personne n’est dupe, elle est tout sauf fortuite. Ces étudiants ne peuvent pas se permettre de rendre public un communiqué d’une telle gravité. Ils sont manifestement instrumentalisés, et on peut aisément savoir à la solde de qui…
Si l’on peut comprendre que cette association prenne la défense des responsables des deux universités publiques togolaises, au nom d’un certain chauvinisme, ce qui est par contre moins raisonnable, c’est la charge contre le CAMES, la verve avec laquelle elle s’en est prise à ses premiers responsables. Et cela s’est fait sur fond de mensonge ou de malhonnêteté, notamment lorsque le communiqué relève que les sanctionnés n’ont « jamais été entendus ». L’on sait pourtant que les concernés ont été bien invités à se défendre devant la Commission d’éthique et de déontologie (CED) au cours de sa session des 16, 17 et 18 avril derniers à Ouagadougou au Burkina, ils ont fait le voyage et séjourné dans les hôtels aux frais du CAMES, mais ont choisi de bouder la séance pour se faire entendre.
« Je tombe des nues en apprenant la quintessence d’un tel communiqué qui est un réquisitoire contre le CAMES et sa notoriété. Cela peut coûter cher à notre pays. D’abord ces étudiants prennent beaucoup de risques en s’employant à défendre des individus, fussent-ils les responsables universitaires, qui ont commis des gaffes, mais surtout en s’en prenant aussi frontalement au CAMES et à ses responsables. Ils ne pensent pas à leur avenir, en décidant de jouer les avocats du diable. Cela sent un acharnement bien organisé et peut bien braquer le CAMES contre l’enseignement togolais dans son ensemble. C’est très maladroit de la part de ces étudiants et il faudra que les autorités togolaises les rappellent à l’ordre », redoute un universitaire…
En effet, cette sortie, ajoutée aux charges de Kokoroko contre le CAMES, peut bien susciter la furie de cette instance contre le Togo. C’est l’enseignement supérieur togolais en général qui risque de se retrouver constamment dans le collimateur du CAMES et les futurs prétendants au titre de professeurs de payer les pots cassés…
Tino Kossi
source : Liberté