« Le peuple sera soumis si vous promouvez des gens droits pour les placer au-dessus des retors ; dans le cas contraire, il ne le sera point ».
Confucius, entretiens
Le paysage politique togolais est à nouveau en effervescence sous l’œil médusé et parfois amusé du peuple. Dessillé, le togolais ne se fait plus d’illusion sur les traîtres rodomontades des politiciens professionnels qui usurpent la noble mission de le représenter. Ils recommencent à se pousser du col. Verbeux et veules ils ont repris du service, les auxiliaires zélés de la dictature féroce qui régente le Togo.
La valse des légitimateurs a bien recommencé. La prise d’assaut d’un certain espace médiatique complaisant et complice est en cours. Chacun y va de son indigeste logorrhée politique. Point de surprise pour l’observateur avisé. C’est la suite logique des élections frauduleuses dont le régime a le secret. Encore et toujours, il s’agit d’organiser un hold-up électoral avec des accompagnateurs stipendiés dont la mission est de légitimer le viol de la volonté souveraine du peuple. L’élection du 22 février 2020 n’échappe pas à la règle. Une seule différence toutefois : la farouche résistance de Monseigneur Kpodjro et de la dynamique qui porte son nom (DMK) qui a différé l’exécution d’une chorégraphie mortifère réglée comme du papier à musique entre une certaine opposition alimentaire et la dictature militaire à façade civile.
Souvenez-vous de la sortie de M. Fabre dès le lendemain de l’assaut sur le domicile de M. Agbéyomé. Il réclamait déjà la tenue d’un dialogue entre tous les fils de la nation. La feuille de route était tracée en étroite concertation avec Lomé 2. Tous les ingrédients d’une légitimation étaient en place. Presque tous. La fermeté de M. Agbéyomé Kodjo à défendre sa victoire a profondément perturbé les fossoyeurs de la république.
Il était dès lors clair que les acteurs du drame togolais ne pouvaient pas reconnaître l’éclatante victoire de la DMK et de son candidat, car alors ils ne pourraient plus légitimer leur véritable mandant, M. Faure Gnassingbé. Comment auraient-ils pu articuler comme ils le font à présent la demande d’un dialogue avec le pouvoir avec pour seul horizon sa légitimation ? Reconnaître la victoire de la DMK revenait ipso facto à attester le vol dont le chef d’État sortant s’est rendu coupable. Dialogue-t-on avec un voleur ?
Le peuple ulcéré par ce énième hold-up électoral s’est replié dans un silence bruissant de menace qui a repoussé les partis « collabos » dans leurs retranchements. Attentistes, ils étaient à l’affût de la moindre occasion pour réaliser leur forfait. C’est d’abord M. Antoine Folly qui fût envoyé en poisson-pilote prendre le pouls de l’opinion. A la suite du conseil de son parti, ce collaborateur zélé du régime proposera la reconstruction de l’opposition pour les combats futurs et une forme de dialogue national avec les autorités illégitimes. Le peu d’écho rencontré par le tour de piste persuada cette engeance de « malfaiteurs » que le fruit n’était pas encore mûr. Il en faut plus. Fabre et son ANC vont devoir s’y coller. C’est fait depuis leur conseil national. Et manifestement la mayonnaise a du mal à prendre. L’opinion n’est plus réceptive aux thèses d’un parti qu’elle sait opposé à sa libération.
Les vampires sortent à la nuit tombée. C’est bien connu. Le régime de Lomé va se charger de créer l’obscurité nécessaire à leur forfait et fournir l’alibi de la sortie du honteux silence complice. Il faut frapper fort. Ce serait le rocambolesque kidnapping de M. Gérard Djossou. Très vite on se rendit compte que ce n’était pas suffisant pour ébranler l’opinion. Lomé 2 devra frapper encore plus fort. Madame Adjamagbo-Johnson sera un morceau de choix. Elle a une envergure qui va bien au-delà du Togo. C’est une figure importante de la DMK. Les tartuffes peuvent dès lors faire irruption sur l’espace médiatique à travers des communiqués d’indignation factices. L’autocrate accentue la décapitation de la DMK tout en punissant Mme Adjamagbo-Johnson d’avoir épousé le parti du peuple. Le billard à trois bandes en somme.
On tient enfin le prétexte pour plastronner à nouveau avec des propos lénifiants. On rivalise d’hypocrisie pour soutenir les réprouvés de la DMK comme la corde soutient le pendu. Le PDR se réunit derechef en conseil national pour réclamer l’union de l’opposition et un dialogue avec le tyran. Le ministre de l’administration territoriale pose habilement le prochain jalon des élections régionales qui vont conduire les légitimateurs à aller s’empaler volontairement sur le pieu dressé d’une gouvernance dictatoriale. Le cadre est conçu. La table est dressée et le menu commandé. Peut à présent commencer la macabre sarabande des prébendiers du sang autour de la dépouille d’un peuple exsangue. Le fallacieux prétexte d’un dialogue que tout le monde sait mort-né est leur nouvelle trouvaille. Pour les conjurés de l’holocauste l’important est ailleurs : la pérennisation du régime pour M. Gnassingbé et ses nervis pendant que les légitimateurs se remplissent la panse des restes de table. Voyez leur ardeur à prôner le dialogue, leur impatience à s’agglutiner, toute honte bue, autour du ministre d’un gouvernement illégitime. On n’a guère besoin du peuple pour ces basses besognes. Exit Adjamagbo-Johnson, Gérard Djossou et tous les autres prisonniers politiques. Que représentent le peuple et ses aspirations pour ces vampires en col blanc ? Regardez les hommes tomber !
Il n’est pas douteux que Mme Adjamagbo-Johnson et M. Djossou soient bientôt libérés. Ils ne servent plus à rien dans ce nouveau contexte de légitimation. « Business as usual ». La mort nous va à ravir disent-ils. Celle du peuple, évidemment. Gare au retour de flamme du refoulé.
Jean-Baptiste K.