« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » Winston Churchill
Les jeunes Blaise Woazé et Habirou Fousseni viennent d’être condamnés à six mois de prison avec sursis pour outrage aux autorités publiques dont le chef de l’État Faure Gnassingbé. Je suis allé revoir les vidéos incriminées sur Tik-Tok. Rien de subversif. Elles disent juste la profondeur de la brimade dont le peuple togolais est l’objet. Car en réalité, ces jeunes anxieux confrontés au désarroi et au mutisme de leurs aînés, ont pris sur eux d’exercer leur inaliénable liberté d’opinion. Sauf qu’au Togo, la parole est sous contrôle et doit complaire au prince. Dans le cas de nos jeunes patriotes, on n’a pas hésité à mobiliser les services secrets, des tendeurs de guet-apens, des juges pour enlever, même aux enfants, le droit de se plaindre de la dictature et de ses conséquences sur les citoyens. Silence ! On tue un peuple depuis près de six décennies dans l’indifférence générale.
Au-delà de l’ignominieuse condamnation infligée à des enfants, il faut percevoir la logique intrinsèque d’un tel acte. Le pouvoir de Lomé 2 ne s’impose que par la force des baïonnettes. Il ne peut survivre qu’en bâillonnant le peuple et en réprimant toute velléité de contestation. Il faut fixer et contrôler le peuple pour apaiser ses propres démons. Faure Gnassingbé a peur du peuple. Sa violence aveugle en est l’expression la plus patente.
De ces derniers événements, il convient toutefois d’identifier quelques symptômes de l’état de décrépitude de notre pays et des principes pour l’action.
Le premier constat est que le Togo est beaucoup plus affaibli qu’on ne le croyait. La force d’un corps social se mesure à sa capacité à protéger les plus faibles de ses membres : femmes, enfants, vieillards, handicapés….Les conventions internationales, y compris celles relatives à la guerre, en tiennent compte. Les crimes prennent une gravité qui choque la conscience humaine quand ils sont perpétrés contre cette catégorie de la population. La dictature togolaise n’en a cure.
Mais force est de constater néanmoins que si les enfants prennent la parole, c’est aussi un cri vis-à-vis des adultes sensés les protéger et qu’ils voient démissionner et se résigner. La croyance qu’on peut se préserver et préserver les siens de la violence de l’ogre en faisant le dos rond est une erreur. La peur n’a jamais préservé du danger. Elle ne fait qu’augmenter en l’occurrence l’angoisse de nos enfants. Ils veulent prendre eux-mêmes la parole et se défendre tant qu’ils peuvent avec leurs maigres moyens. Cela devrait nous interpeller, car contraire aux traditions africaines basées sur le droit d’aînesse. La délibération est l’apanage des initiés et des adultes. Quand nos enfants deviennent les éditorialistes les plus talentueux de la dérive sociale, il y a de quoi questionner notre désir de contribuer à la libération de la terre de nos aïeux.
L’immolation par le feu du jeune vendeur à la criée Mohamed Bouazizi le 4 janvier 2011 a déclenché ce qu’il est convenu d’appeler le printemps arabe et permis une redéfinition de la vision géostratégique du monde. Un peuple soucieux des plus faibles et décidés à les protéger se protège lui-même. Le Togo crève aussi de l’indifférence sociale que la longue dictature a instillée dans les esprits. Voir nos enfants mourir, fauchés par les balles assassines et se taire, c’est non seulement approuver le crime mais aussi y participer et donner un blanc-seing pour les suivants. Il faut en prendre collectivement conscience. Avons-nous définitivement abdiqué ? Le collectif d’avocats qui se sont constitués spontanément pour assurer la défense de nos jeunes nous indique le chemin. Qu’ils en soient remerciés. Avant nous nos parents et après nous nos enfants seront sacrifiés au Moloch insatiable du pouvoir à vie si nous renonçons définitivement à l’indignation. Réveillons en nous le courage de dire non à l’indignité d’une vie à genoux. Pour nous, pour nos enfants, pour le peuple, indignons-nous et chassons ces gouvernants incompétents et criminels.
Ils ne sont si cruels que parce qu’ils ont bien plus peur de nous. Ils ne paraissent grands que parce que nous restons accroupis.
Jean-Baptiste K.