Entre influenceurs togolais et ivoiriens sur le réseau social TikTok, ce n’est pas le grand amour ces jours-ci. Injures, invectives et dénigrements de tous genres, ça part dans tous les sens. A l’origine du déchirement, un concept dénommé Togo Univers. Une manière, selon les Togolais, de mettre en valeur la terre de leurs aîeux.
Mais contre toute attente, ceci est ressenti au pays des Eléphants comme une provocation. Et depuis, ce qui semblait une simple taquinerie entre voisins tourne finalement à un affrontement verbal via comptes interposés sur fond défiance. De l’eau dans le gaz entre Togolais et Ivoiriens ! Et ça se passe sur la toile via TikTok.
Si le débat est loin de préoccuper les élites, parce que loin d’une crise diplomatique à proprement parler, il en prend la forme, vu le degré d’animosité que l’on a pu observer sur des comptes du réseau social chinois animés par des citoyens des deux pays ouest-africains.
« Togo, l’Univers », la blague qui fâche
Tout serait parti d’une vidéo enregistrée et diffusée sur son compte par un utilisateur togolais de Tiktok. Dans cette vidéo que nous n’avons malheureusement pu retrouver, l’auteur qualifierait le Togo d’univers. Ce dernier terme apparaît dès la première ligne de l’hymne national du Togo qui tonne : « Salut, salut à l’univers entier ». Ceci suffirait à justifier le qualificatif dont l’auteur de la vidéo en question affuble son pays. Et comme on en a l’habitude avec les réseaux sociaux dotés de cette capacité indiscutable à propulser bien de mouvements et de concepts, la mayonnaise prend. S’en suit alors une multitude d’autres vidéos vantant la beauté du Togo et la fierté de certains fils et filles d’appartenir à ces terres. Chose plutôt normale. Sauf qu’un acte aussi anodin au prime abord, aurait visiblement froissé certains tiktokeurs non togolais, notamment les Ivoiriens. Ces derniers auraient mal digéré ce qu’ils considèrent comme une prétention du Togo à se comparer à la Côte d’Ivoire. Ainsi, les compatriotes de Didier Drogba ont, à leur tour, diffusé des vidéos dans lesquelles ils ironisent sur la petitesse du territoire togolais, la beauté de ces différentes localités et même l’intelligence des Togolais, mettant plutôt en avant la suprématie de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens sur les autres peuples. Face à cette valse d’injures, la réplique du camp d’en face ne se fait guère attendre. Les Togolais rétorquent que chacun est libre de mettre en valeur son pays comme il l’entend, sans que cela offusque qui que ce soit. Ils ne manquent pas de clamer haut et fort que sans le petit Togo, les 49 soldats ivoiriens seraient encore détenus au Mali. Une allusion à la récente crise diplomatique ivoiro-malienne dénouée grâce à la perspicacité de la médiation togolaise conduite par le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé.
Certains Togolais en rajoutent une couche en rappelant aux Ivoiriens que le Togo, aussi insignifiant soit-il, a servi de repaire pour leurs concitoyens contraints à l’exil par la crise postélectorale de 2011 qu’a connu leur pays. Si dans un souci de décence et de pudeur, nous nous gardons de relayer certains propos malveillants tenus de part et d’autre, le moins qu’on puisse dire, c’est que le ton est monté violemment entre les deux parties.
Le clash, un jeu dangereux
Dans cette atmosphère de défiance, certains tiktokeurs des deux camps ont gardé sinon retrouvé le bon sens et ont tenté de calmer le jeu. Des voix se sont donc élevées pour appeler les esprits à la retenue et à faire prévaloir la bonne entente qui toujours régné entre les deux peuples. Certes, cette démarche d’apaisement a donné lieu à des mea culpa ici et là, mais la hache de guerre ne semble pas totalement enterrée. Chose marquante, les élites ou les voix les plus écoutées de nos deux pays ne donnent pas l’impression d’être préoccupées outre mesure par ces tensions naissantes. A ce niveau, l’on préfère observer la situation avec une certaine indifférence. Serait-ce la bonne solution pour ramener le calme ? Il n’est pas sûr que tout le monde réponde à cette question par l’affirmative. A ce stade de la situation, il est vrai qu’il n’y a pas vraiment de raison de s’alarmer. Toutefois, cela ne doit point amener à négliger la menace d’une escalade sur des terrains insoupçonnés. Dans ce débat, il aurait été bien que des leaders d’opinion dans les deux pays se prononcent pour calmer la tempête. Ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement. Au Togo, résident des Ivoiriens qui, à la faveur du climat sociopolitique apaisé et de la cohabitation pacifique avec leurs frères et amis togolais, vaquent à leurs occupations et contribuent à l’essor de l’économie togolaise, et c’est vice versa. Ceux-ci n’ont pas besoin de polémiques inutiles dont personne ne peut mesurer convenablement les incidences sur la habitation entre ces deux communautés ici ou ailleurs. Le silence des acteurs politiques et sociaux de premier plan devient inquiétant quand on sait que les conflits, quels qu’ils soient, prospèrent dans le champ des tergiversations à étouffer les larves de petites mésentente, du silence et de l’indifférence. Dans presque la totalité des cas, les choses reviennent à la normale au prix de mille efforts, et après que les peuples ont subi de gros dommages. A l’heure actuelle, il est encore temps d’interpeller les consciences et arrêter l’hémorragie. Demain, il sera peut-être trop tard.
Le Tonnerre